La Cour constitutionnelle thaïlandaise a estimé vendredi que le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha n'avait pas dépassé la limite autorisée des huit ans au pouvoir, permettant au meneur du coup d'État de revenir aux affaires après une suspension de cinq semaines.
La durée limite en tant que chef de gouvernement en Thaïlande est de huit ans, sauf pour les putschistes dont la période de régime autoritaire ne compte pas. C’est la conclusion que l’on peut tirer du verdict de la Cour constitutionnelle thaïlandaise, vendredi, qui a blanchit une fois de plus le meneur du coup d’Etat de 2014, le Premier ministre Prayuth Chan-O-Cha, sur la date de fin légale de son mandat.
"L'accusé (…) a occupé le poste de Premier ministre sans dépasser la limite stipulée par la Constitution", a déclaré un juge lors de la lecture télévisée du verdict qui a duré 25 minutes. "Par conséquent, il n'est pas disqualifié", a-t-il conclu.
Le verdict de la cour devrait permettre le retour aux affaires de ce fervent royaliste dont le mandat de Premier ministre, issu des élections controversées de 2019, a fait l’objet de maintes attaques, dont notamment quatre motions de censure, une plainte pour conflit d'intérêts et des manifestations de masse contestant sa légitimité et qui sont allées jusqu’à défier la monarchie.
Ticket spécial pour onze ans au pouvoir
Cette dernière affaire avait été portée devant la Cour constitutionnelle par le parti d'opposition Pheu Thai, dont le gouvernement a été renversé il y a huit ans par une junte militaire dirigée par Prayuth Chan-O-Cha, alors chef de l'armée.
Selon le Pheu Thai, le meneur du coup d’Etat gère les affaires du pays depuis maintenant huit ans et ne peut donc achever le mandat qui lui a été confié en 2019, lorsque le Parlement l’a reconduit dans ses fonctions après cinq ans au pouvoir en tant que chef du régime militaire.
Mais vendredi, six juges de la Cour constitutionnelle contre 3 ont estimé que le mandat de Prayuth Chan-O-Cha avait commencé en 2017, lorsque la nouvelle Constitution a été promulguée. Cela signifie qu'il pourrait rester en poste jusqu'en 2025 s'il devait être réélu après le prochain scrutin en mai prochain, ce qui représenterait onze années au pouvoir de facto pour l'ex général.
La bête noire de l'opposition
Sur les deux dernières décennies, les jugements de la Cour constitutionnelle ont quasi systématiquement pesé en défaveur des partis des partis populistes du clan Shinawatra, dont le Pheu Thai est la dernière incarnation - le Thai Rak Thai et le Palang Prachachon ont été tous deux dissous par la cour en 2007 et en 2008 respectivement.
Le Pheu Thai a déclaré vendredi que cette décision montrait bien qu'il était temps de réformer la cour pour créer "des organes de contrôle et de contrepouvoir adéquats".
"Le verdict ne blanchit pas Prayuth. L'opposition considère Prayuth comme quelqu'un qui cherche à conserver le pouvoir de toutes les manières possibles", a-t-il déclaré dans un communiqué conjoint du bloc de l'opposition.
"Il a également rompu sa promesse faite au peuple au tout début lorsqu'il a dit qu'il ne resterait pas longtemps."
Plusieurs dizaines de personnes se sont rassemblées dans le centre de Bangkok pour dénoncer le verdict et appelant les partis d'opposition et les militants à unir leurs forces dans des manifestations pour renverser l'indéboulonnable général.
"Nous ne pouvons plus compter sur la cour ni sur les autres pour fonctionner, il est maintenant du devoir du peuple de décider de l'avenir du pays", a déclaré à la foule le militant pro-démocratie Somyot Pruksakasemsuk.
"Ensemble, nous pouvons chasser Prayuth... Nous avons besoin d'une démocratie sans Prayuth Chan-O-Cha."
Un récent sondage d’opinion en vue des élections législatives donne deux candidats de l’opposition en tête, devancés par les indécis. Prayuth Chan-O-Cha arrive seulement quatrième avec 10,12% d'intentions favorables.