Les restrictions sanitaires anti-Covid ont changé le comportement de nombreux Chinois dont beaucoup viennent en Thaïlande acheter une maison non plus seulement pour investir mais aussi pour y vivre
Résident de Shanghai, Daniel Bian savoure la vue imprenable sur la capitale thaïlandaise, allongé sur un transat au bord d'une piscine au 19e étage d'un condominium de luxe.
"Je me sens vivre, je me sens libre", dit-il tout pimpant avec ses lunettes de soleil, son chapeau bleu marine à fond plat et une sorte de cache-cœur cintré à la taille, les cheveux tombant sur ses épaules. "C'est mon rêve."
Bloqué en Chine pendant trois ans sous des restrictions anti-Covid parmi les plus strictes au monde, Daniel fait partie d'une vague de Chinois qui se sont lancés à la recherche d’un investissement immobilier en Thaïlande après que Pékin a rouvert ses frontières en début d’année.
De nombreux ressortissants chinois souhaitent en effet investir dans une résidence à l'étranger, afin d'avoir un filet de sécurité au cas où un événement sanitaire du même genre se reproduirait, et aussi pour se prémunir contre d’éventuels risques économiques ou financiers chez eux.
Ecoles et des hôpitaux internationaux de qualité
La Thaïlande est ressortie comme la destination la plus prisée des voyageurs chinois pendant les congés de la fête du travail en mai, selon les données du site Trip.com, suivie du Japon et de la Corée du Sud.
La qualité des écoles internationales en Thaïlande ainsi que le service médical haut de gamme attirent de plus en plus de personnes désireuses d'acquérir une résidence secondaire.
Le royaume s'attend à accueillir au moins 5 millions de visiteurs chinois cette année. Même si ce chiffre représente un peu moins de la moitié du niveau pré-pandémique, une part substantielle de ces visiteurs est prête à acheter une propriété en Thaïlande.
"Il y a assurément une demande venant de Chine pour l’immobilier en Thaïlande", affirme Mesak Chunharakchot, président de l'Association thaïlandaise de l'immobilier.
Bangkok et Chiang Mai en tête des demandes de maisons
Les biens les plus recherchés par les acheteurs, explique-t-il, se trouvent dans les principales villes comme la capitale, Bangkok, ainsi que Chiang Mai dans le nord du pays. Vient ensuite la station balnéaire de Pattaya sur le Golfe de Thaïlande, puis la région nord-est, l'Isan.
"Les Chinois achètent des maisons, envoient leurs enfants dans des écoles internationales et font venir leurs parents en Thaïlande pour s'occuper des petits-enfants."
Près de 270.000 ressortissants chinois ont visité la Thaïlande en mars, selon les données du gouvernement. Il s’agit du meilleur chiffre enregistré ces trois dernières années, même s’il reste très inférieur à celui de mars 2019 qui frisait le million (985.227), avant la crise sanitaire.
La part des élèves de nationalité chinoise enregistrés à la Singapore International School Bangkok, dont l’un des quatre campus se trouve en face du Lycée Français, est passée de 12% à 13% au début de cette année, représentant 400 élèves sur un total de 3.100. Avant le Covid, les élèves chinois comptaient pour 6% des effectifs.
"En Chine, quand les choses sont fermées - c'est du jour au lendemain, personne ne peut sortir", a déclaré à Reuters le directeur général de l'école, Kelvin Koh. "Cela a affecté le comportement des familles chinoises."
Une maison banale en Chine pour un appartement de luxe à Bangkok
Bien que la loi thaïlandaise limite la propriété étrangère à seulement 49% des unités dans tout développement de condominiums, les acheteurs potentiels affluent, apportant de nombreuses opportunités d’affaires aux agents immobiliers qui ciblent les acheteurs chinois.
L'un de ces agents est Owen Zhu, qui a accompagné Daniel Bian et sa mère septuagénaire pour visiter trois appartements haut de gamme à Bangkok durant une journée.
"Cela a beaucoup changé après la pandémie. La plupart des Chinois choisissent d'acheter des appartements de luxe pour y vivre", explique Owen Zhu.
De nombreux clients qui auparavant achetaient à des fins d'investissement se tournent désormais vers des biens coûtant généralement plus de 2 millions de yuans (263.000 euros), précise-t-il.
"Un tel budget ne permet d’acquérir qu'une simple maison dans les villes chinoises de premier plan, avec un emplacement qui peut ne pas être bon", souligne l’agent immobilier.
"Par contre, avec cet argent, ils peuvent acheter un appartement de luxe au cœur de Bangkok. C’est pourquoi certains se disent qu’ils pourraient vendre une de leurs maisons en Chine et acheter une propriété ici pour leur retraite."
Àgé de 50 ans, Daniel Bian, qui organise des échanges culturels entre la Chine et d'autres pays, voit également moins de contraintes en Thaïlande.
"La liberté d'entrer ou de sortir du pays, de voyager dans les deux sens. Ainsi que la liberté de la société et de la vie. La liberté est très importante", dit-il.