Deux généraux impliqués dans des coups d'État, un ministre de la Santé pro-cannabis, un talentueux fils de bonne famille diplômé de grandes écoles américaines et une courageuse héritière, fille et nièce de Premiers ministres déchus et exilés : le haut de l’affiche des candidats au poste de chef du gouvernement en Thaïlande ne manque pas de contrastes.
La Thaïlande tiendra le 14 mai prochain des élections législatives pour élire quelque 500 députés qui, avec 250 sénateurs nommés, éliront le prochain chef du gouvernement d'ici août. Et les partis politiques ont jusqu'à vendredi pour nommer leurs candidats au poste de Premier ministre.
La commission électorale a fait savoir mercredi que le Premier ministre sortant, Prayuth Chan-O-Cha et son adjoint, Prawit Wongsuwan - tous deux anciens chefs de l'armée issus de la même faction militaire - avaient été nommés par leurs partis respectifs, tout comme Anutin Charnvirakul, le ministre de la Santé qui a entrepris la dépénalisation controversée du cannabis en Thaïlande, et le ministre du Commerce, Jurin Laksanawisit.
Le scrutin opposera en gros des groupes politiques alignés avec l'establishment militaro-royaliste à une opposition emmenée par le parti populiste Pheu Thai, du clan Shinawatra, lequel reste invaincu aux urnes depuis 2001.
L'opposition attend un "raz-de-marée électoral"
Le Pheu Thai, qui est la troisième incarnation d’un mastodonte politique dissous deux fois par la Cour constitutionnelle, a nommé comme candidate au poste de Premier ministre une jeune néophyte en politique, Paetongtarn Shinawatra, âgée de seulement 36 ans, mais qui n’est autre que la fille du chef de clan, Thaksin Shinawatra. Ce dernier, ayant fui le pays en 2008 pour échapper à une condamnation pour conflit d’intérêts, ne peut se présenter lui-même. Avec la candidature de sa fille, le parti espère raviver la base électorale qui lui a permis jusqu’ici de tenir la dragée haute à l’establishment devant les urnes, ne donnant d’autre choix à ce dernier que de dépendre des coups d’Etats militaires, ajustements constitutionnels et autres décisions de justice controversées pour s’emparer du pouvoir.
Le Pheu Thai a nommé mercredi deux autres candidats au poste de Premier ministre – le pilier du parti, Chaikasem Nitisiri, et un magnat de l'immobilier, Sretta Thavisin, qui a démissionné mardi de son poste de directeur général du groupe Sansiri.
"Nous allons à coup sûr avoir un raz-de-marée (électoral)", a déclaré Paetongtarn Shinawatra en entrant dans un forum du parti.
Les généraux ont quelques atouts dans leurs manches
Pita Limjaroenrat, une autre figure de l'opposition, a été nommé par le Move Forward, deuxième parti d’opposition, très populaire chez les jeunes électeurs pour sa vision moderne et progressiste en rupture avec l’offre politique habituelle.
Brillant orateur, cet homme d'affaires accompli de 42 ans, diplômé de Harvard et du MIT, a rapidement pris ses marques à la Chambre des représentants. Il est le seul à oser presser le Parlement pour des amendements à la très sévère loi de lèse-majesté qui prévoit des peines pouvant aller jusqu'à 15 ans de prison.
Le Premier ministre sortant, Prayuth Chan-O-Cha, est le candidat du parti Ruam Thai Sang Chat ("Thaïlandais unis pour construire la nation") formé récemment.
Aujourd’hui âgé de 69 ans, le général en retraite dirige le gouvernement depuis son coup d'État de 2014 contre un gouvernement dominé par le Pheu Thai. Or, selon un jugement de la Cour constitutionnelle l’an dernier, il ne pourrait tenir son poste que deux ans supplémentaires s’il était nommé Premier ministre.
Son mentor et ancien membre de la junte, Prawit Wongsuwan, âgé pour sa part de 77 ans, est le candidat du parti au pouvoir, le Palang Pracharat. Extrêmement influent et fin négociateur politique, il se présente comme l'élément capable de combler la division qui fait rage entre les deux camps depuis une vingtaine d'années et a valu à la Thaïlande des cycles de turbulences politiques.
Les experts politiques estiment que les généraux bénéficient d’un avantage de taille dans la course au pouvoir, du fait que les sénateurs qui voteront aux côtés des députés pour choisir le prochain Premier ministre ont été nommés sous la junte militaire.