Depuis l’apparition du Covid-19 et les mesures pour lutter contre la pandémie, le consul honoraire de Surat Thani, Alexandre Caporali assure une présence plus importante et se retrouve parfois à devoir accompagner des expatriés vers un retour en France.
Installé avec sa famille à Koh Samui depuis une dizaine d’années Alexandre Caporali est le troisième consul honoraire français de la province de Surat Thani. En poste depuis le mois de janvier 2017, ce père de 45 ans se définit comme ayant un “profil divers et varié, mais centré sur l’humain”. Peu loquace sur sa carrière professionnelle, il justifie cette discrétion en mettant en avant son rôle de consul honoraire. “Je fais en sorte d’être tourné vers les autres et pas que les autres se tournent vers moi”, explique-t-il.
Lorsque l’on aborde avec lui la communauté française expatriée dans la région, il se montre enthousiaste et élogieux malgré un contexte actuel compliqué pour de nombreux Français suite aux mesures mises en place par le gouvernement thaïlandais pour lutter contre le risque de propagation du coronavirus.
Lepetitjournal.com a échangé avec Alexandre sur son rôle de consul honoraire et les difficultés que rencontrent les Français.
Lepetitjournal.com: Pouvez-vous décrire votre rôle de Consul honoraire pour la province de Surat Thani ?
Alexandre Caporali: Je suis résident de longue date à Koh Samui, je trouvais ce rôle intéressant, c’est un poste évolutif, passionnant, divers et varié. Les tâches vont en effet de l’administratif au social et à l’humain. Je fais souvent le lien entre les familles en France et mes compatriotes qui ont des problèmes tels que des accidents, ou des personnes qui se retrouvent en prison avant que le relais ne soit pris par le service social de l’ambassade de France en Thaïlande. Ce rôle sur le terrain est indispensable. Il y a une vraie triangulation avec l’ambassade qui fonctionne relativement bien.
Koh Samui est relativement francophone, il y a beaucoup de Français, et loin de la France, le consulat apparaît comme une petite mairie où les gens peuvent obtenir leur document administratif, trouver une oreille attentive, peu importe les problèmes, fournir des informations, soutenir les familles en deuil, etc.
La France est le seul pays à avoir une représentation consulaire à Koh Samui. Étant le seul consul honoraire de l’île, j’ai souvent des résidents d’autres nationalités qui viennent me voir pour avoir des informations.
Voilà, un peu le rôle de consul honoraire, avec la subtilité que nous ne sommes pas une équipe de 150 avec chacun ses spécificités à gérer son petit domaine. Il faut faire preuve de souplesse à gérer tous types de problèmes, y compris les peines de coeur! Je voudrais aussi rappeler la définition du terme “honoraire” qui signifie bénévole, nous ne sommes en aucun cas des fonctionnaires.
Pouvez-vous nous décrire la communauté expatriée dans votre zone ?
Il y a entre 850 et 900 inscrits sur la province de Surat Thani pour un effectif estimé de 2.500 personnes. Mais pendant la saison touristique, le nombre de Français peut monter à 15.000. En termes de répartition, environ 60% des Français sont à Koh Samui, 20% à Koh Phangan et le reste à Koh Tao ou ailleurs dans la province. À Koh Samui, il y a un aéroport, des hôpitaux, des écoles internationales et francophones, tout cela fait que l'île reste l’attrait principal pour nos expatriés.
Il y a beaucoup de retraités, mais il y a aussi une forte population active, avec ou sans enfant. La proportion de retraités doit être la même à Koh Samui, Koh Phangan et sur le continent. Koh Tao est un peu plus jeune. Il y a vraiment de tout, que ce soit dans les tranches d’âges, les profils sociaux et professionnels. Pour moi, ce n’est ni plus ni moins qu’un microcosme représentatif de ce qu’est une société dans son ensemble.
Qu’avez-vous changé dans votre façon de travailler avec la crise du Covid-19 ?
J’ai décidé d’ouvrir tous les jours de 10h à 12h jusqu’à la fin juin au plus tôt. Avant cela, j’assurais une permanence deux jours par semaine, les lundis et mercredis. Cela me permet d’avoir une vision plus concrète du terrain et de pouvoir inviter tout un chacun à venir me voir, à me poser des questions et parfois de les rediriger vers les meilleures solutions ou les plus raisonnables. Nous avons aussi régulièrement des réunions Zoom avec l’Ambassadeur Jacques Lapouge, ce qui nous permet d’être très réactifs.
Quels sont les problèmes les plus fréquents que rencontre la communauté française dans l’archipel ? Est-ce que les mesures pour lutter contre la propagation du Covid-19 en ont fait apparaître d’autres ?
Les problématiques avant le Covid-19 et maintenant, c’est un peu pareil. Le souci de Samui et ses environs, c’est une zone touristique qui ne vit que du secteur tertiaire et où il n’y a pas de grosses entreprises qui embauchent des étrangers avec un permis de travail.
Cela signifie qu’un étranger qui s’installe à Samui est souvent quelqu’un qui crée sa société avec toutes les responsabilités que cela engendre lorsqu’on devient patron. Tout le monde n’a pas forcément les compétences au départ et certains découvrent les difficultés de la chose en en faisant l’expérience. De fait, Samui est par définition assez terrible. Il y a des gens qui arrivent un peu la fleur au fusil et repartent la tête basse parce qu’ils n’ont pas réussi dans leur projet. Cette période due au Covid-19 ne fait qu’accentuer tout cela. Et quand bien même les gens sont professionnels, vaillants, le problème est qu’il n’y a plus de touristes!
Les seuls qui vont pouvoir tenir le coup sont ceux qui ont de la trésorerie pour pouvoir absorber toutes les charges en l’absence de rentrées d’argent pendant les mois qui vont suivre. Je ne peux pas donner de chiffres précis, mais si d’habitude on a un certain pourcentage de commerces qui ne peuvent pas tenir le coup, avec la crise du Covid-19 on peut dire que cela va être trois voire quatre fois plus. C’est triste de voir des gens perdre 10, 15 ou 20 années de vie ici.
Le Covid-19 précipite donc parfois un retour en France. Mon travail est d’accompagner au mieux ces gens-là sur plusieurs jours ou plusieurs semaines, un travail plus délicat, plus long et plus engagé au niveau de l’affect.
Combien de Français ont dû rentrer ?
Je préfère ne rien dire en termes de chiffres, c’est très abstrait et souvent c’est sous le couvert de beaucoup d’humilité et de discrétion. Pour l’instant, de ce que j’observe sur l’île de Koh Samui, je dirais que 60% des commerces sont fermés avec des affiches indiquant que le lieu est à louer ou à vendre.
Je ne sais pas si ces gens ont suspendu leur activité ou si c’est pour économiser et rouvrir après. Nous connaîtrons la réponse dans quelques mois.
Quelle est la situation des touristes encore présents à Koh Samui et sur les îles voisines ?
Au niveau des touristes, nous n’avons plus de gros problème. Il y a ce que j’appelle entre guillemets des “naufragés volontaires”, des gens qui ont décidé de traîner un peu ici et qui partent au fur et à mesure. Je continue à faire un travail quotidien pour les informer. Il y a une amnistie sur les visas jusqu’au 31 juillet, il faut leur rappeler de ne pas attendre le 30 juillet pour réserver leurs billets d’avion au risque d’être surpris en termes de disponibilité des places ou de prix.
Quelles sont les raisons principales qui amènent des Français à séjourner en prison ?
En ce moment, il n’y a pas de Français en prison dans la province et tant mieux, cela me permet de consacrer un maximum de temps pour gérer la crise. Pour une visite en prison, il faut compter une demi-journée, cela cannibalise du temps, ce qui n’est pas gênant en temps normal, mais actuellement je préfère avoir cette demi-journée pour d’autres choses. Les autres années, j’ai fait beaucoup de visites. Les motifs vont du vol à l’étalage en passant par l’escroquerie ou les homicides. Je pense qu’il n’y a pas de particularités spécifiques à la région. En juillet et août, il y a plus d’arrestations. Que nous n’ayons pas de Français en prison pour le moment c’est peut-être symptomatique du nombre de personnes encore présentes sur l’île.
Vous avez dépassé la moitié de votre mandat de cinq ans, souhaiteriez-vous le prolonger ?
La décision ne dépend pas de moi, c’est très vertical et cela dépend de l’ambassade. Soit ils me proposent de continuer, soit ils me notifient qu’ils veulent confier le poste à une autre personne. S’ils me proposent de continuer, je prendrai un temps de réflexion. Mon objectif est de bien faire ce que j’ai à faire sur ces cinq années. Après, je ne suis pas opposé à l'idée de continuer, mais ce n’est pas l’objectif initial.