Édition internationale

ANNICK BOUVIER - "Le chef d'établissement n'arrive pas avec sa boîte à outils toute faite"

Avec près de 25 ans d'expérience à la tête d'établissements scolaires en France et à l'étranger, la nouvelle proviseure du site de Conde de Orgaz prend depuis son arrivée la mesure du Lycée français de Madrid, où elle a pris la succession de Pierre Mondoloni. En cette rentrée, outre l'indispensable diagnostic qui lui permettra d'établir les priorités de son action, Annick Bouvier accompagne déjà les projets initiés avant son arrivée, comme le relifting du forum des métiers ou encore la mise en place d'une démarche de développement durable. Questions-réponses.

Lepetitjournal.com : Vous avez déjà dirigé quatre établissements scolaires, avant d'arriver à Madrid, dont le Lycée français de Singapour. Quelles sont vos premières impressions concernant le LFM ?
Annick Bouvier (photo lepetitjournal.com) : Ma première impression c'est qu'il s'agit d'un campus extraordinaire, avec ses grands espaces extérieurs, un beau bâtiment, un amphithéâtre dont aucun proviseur n'oserait rêver... C'est vraiment un outil de travail fantastique. Je suis actuellement, comme tout nouveau proviseur prenant son poste, en phase de diagnostic. C'est à dire que je multiplie les rencontres avec les personnels, les équipes de directions, les élèves et les parents, afin de bien cerner quelles sont les spécificités de l'établissement et quelles sont les priorités que nous allons établir prochainement.
J'ai eu à faire jusqu'à présent à des personnes qui ont envie d'être écoutées et de dialoguer, chacun dans son rôle, avec une bonne ouverture d'esprit. Il est très important de bien prendre son temps pour rencontrer tout le monde et confronter les points de vues, pour établir un diagnostic qui va conditionner le déroulement et les missions de mon séjour en poste dans l'établissement. C'est une étape passionnante.

Outre les spécificités du LFM, vous devez arriver avec des formules tirées de vos expériences passées, que vous comptez appliquer ici ?
Le chef d'établissement n'arrive pas avec sa boîte à outils toute faite, mais avec des méthodes de travail, qui permettent d'analyser de façon efficace le fonctionnement d'un centre scolaire et réfléchir à des propositions adaptées. Et tirer les conclusions : qu'est ce qui fonctionne ? Qu'est ce qui fonctionne moins bien ? Quelles sont les priorités ? Nous allons bientôt définir quelles sont ces priorités, mais je préfère bien prendre mon temps, m'assurer de l'adhésion de la majorite des personnes concernées. Cela dit, quelque soit l'établissement, les priorités dans le domaine éducatif reprennent toujours les mêmes valeurs essentielles.

C'est à dire ?
Tout d'abord, l'exemplarité du monde adulte est à mon sens primordiale : les enfants ont besoin d'être structurés, ils ont besoin de modèles et ce sont les adultes qui les leurs transmettent. C'est donc très important que dans un établissement scolaire les personnels soient en adéquation avec les valeurs que nous promouvons, comme le goût de l'effort, la ponctualité, la loyauté, l'honnêteté, la transparence etc.
Pour cette raison par exemple, je suis tout les matins présente au portail du Lycée pour accueillir les élèves : c'est une façon de les recevoir et de leur montrer qu'ils quittent un espace -la rue- pour rentrer dans un autre, qui est un lieu de travail.
De la même manière que j'ai plaisir à accueillir les élèves, apprendre doit être pour eux un plaisir : il faut qu'ils soient conscients qu'ils viennent ici pour préparer des études supérieures, avec pour objectif de travailler plus tard dans une profession qu'ils exerceront, eux aussi, avec plaisir.
Remplir la tête des enfants de tous types de savoirs n'est pas une fin en soi, ce n'est pas le but de l'école. Le but, c'est faire des citoyens qui ont la tête bien faite, bien structurée, capables de raisonner et en mesure de poursuivre des études qui les mèneront vers des professions qui leur plaisent.

MEMO
Chimiste de formation, elle a enseigné 10 ans comme professeur de sciences en Écoles Normales d'Instituteurs, avant d'entreprendre une carrière de personnel de direction, puis devenir Proviseur du Lycée Français de Singapour, de 1994 à 1999. Elle y a géré, avec le comité de construction, un projet immobilier allant de la conception à l'emménagement. De retour en France, elle a dirigé successivement les Cités scolaires Rabelais à Meudon, Claude Bernard à Paris 16ème, puis Chaptal (plus de 2.000 élèves) à Paris 8ème.

Le forum des métiers, qui aura lieu fin novembre, constitue à cet égard une étape très importante.
En effet. Pour ma part, je donne une grande importance à toutes les problématiques liées à l'orientation. C'est un énorme chantier. Alors que nous avons été formés pour exercer un métier précis, il faut savoir que nos enfants en exerceront plusieurs. Et même s'ils s'orientent vers des métiers traditionnels, ils ne travailleront certainement pas de la même façon que celle que nous connaissons. Nous devons en outre les préparer au fait qu'il existera un tas de nouveaux métiers lorsqu'ils accèderont au marché du travail.
Cette année, le forum des métiers mettra ainsi l'accent sur les "métiers porteurs". Nous travaillons sur l'identification des branches de métier qui correspondent le plus à ce que sera le marché du travail de demain, afin d'organiser des ateliers permettant de mieux les faire connaître aux élèves.

Un autre gros projet qui a été initié cette année, c'est le projet E3D. Qu'est ce qui se cache derrière ce sigle ?
E3D pour "Établissement en Démarche de Développement Durable". Il s'agit là d'un projet qui émane du CESC (Comité d'éducation à la santé et à la citoyenneté) et qui s'appuie sur  trois piliers fondamentaux : économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable. Le développement durable fait partie d'un nouvel art de vivre sur lequel il est devenu indispensable d'apporter une réflexion, et dans lequel il faut que nous autres, adultes, nous nous engagions. Nous allons donc impliquer l'ensemble des acteurs de l'établissement dans cette démarche, via un plan d'action qui sera établis dans les prochains mois. Par exemple, nous allons repenser l'alimentation à la cantine, les dépenses d'énergie dans le Lycée, mais aussi impliquer les élèves, avec l'élection récemment des élus verts et des délégués verts... C'est à mon sens un projet exemplaire, notamment si l'ensemble de la communauté du Lycée, en interne et en externe, participe. Surtout, et j'y tiens beaucoup, c'est un projet qui a du sens s'il s'applique aussi au niveau de la qualité des relations humaines. Cela ne servirait à rien de promouvoir un environnement sain, si nous devions travailler dans une ambiance marquée par une tension continue. Pour moi, il s'agit donc d'avoir une approche très globale de la question, qui doit nous amener vers le "mieux vivre ensemble".

En termes d'effectifs, comment se déroule la rentrée ?
Nous avons 4025 élèves au total, en légère progression par rapport à l'année dernière. Nous enregistrons une petite hausse des classes de lycée et la bonne mise en place des deux classes de 6e sur le site de Saint-Exupéry, à propos du développement desquelles nous sommes très optimistes. Les classes de maternelle continuent à absorber une forte demande de la part des parents. Nous devons rapidement nous positionner concernant les structures d'accueil des plus jeunes et la gestion des flux d'arrivée dans l'établissement le matin. Une décision sera prise courant de l'année concernant l'extension des bâtiments sur le site.

 Propos recueillis par Vincent GARNIER (www.lepetitjournal.com - Espagne) Lundi 4 novembre 2013
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