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VOYAGE - A Bokor perdu!

LePetitJournal.com vous emmène encore dans les méandres de l'Histoire, à la rencontre d'un faste passé, détruit, mais pas encore oublié. Nous vous livrons les secrets du Bokor Palace, à nouveau accessible depuis la route de Kampot à l'occasion de Nouvel An Khmer. Suivez le guide !

Guerre et Paix
1925 : Sur les hauteurs du Parc Naturel du Bokor, à quelques kilomètres à peine de Kampot, une villégiature française s'est installée depuis 5 ans, et inaugure en grande pompe, la pièce maîtresse des vacances : le casino, le Bokor Palace. Sur quatre étages, salles de bal, de jeux, et chambres luxueuses accueillent riches Khmers et expatriés. La ville s'enrichira ensuite d'un bureau de poste, d'une église, d'une pagode, de deux palais royaux, et de quelques maisons de bois construites par des familles soucieuses de s'installer plus durablement. A leur pied, le Cambodge, la mer de Chine, l'île de Phu Quoc, et les rives du Vietnam... A moins que les nuages ne viennent s'accrocher aux falaises alentours, plongeant le site dans une brume rafraîchissante.

En 1940, 1972 et 1979...  La ville menacée est abandonnée puis tour à tour envahie par les Khmers Issarak, les Khmers Rouges, et les Vietnamiens. Tout est détruit dans les batailles, puis laissé à la nature, qui se hâtera de reprendre ses droits. Longtemps après leur départ, on n'a plus pu monter sur le Bokor. Les mines, jusque dans le milieu des années 90, menaçaient partout les curieux.

Si le lieu est plus sûr aujourd'hui, le nombre de touristes ayant accès à la ville fantôme reste limité. Depuis quelques années, les routes sont partiellement fermées pour travaux, et les visiteurs doivent marcher dans la jungle pour atteindre le sommet. La puissante société Sohka veut redonner vie au Bokor en construisant un hôtel luxueux près de l'ancienne station française, et réaménage les routes en conséquence. Un projet qui pourrait être bénéfique pour le Parc National et pour les habitants de Kampot s'il reste équilibré. Mais il est trop tôt pour juger,le complexe n'en est qu'à ses fondations.

2010. La renaissance d'un site
Le Bokor Palace, pour ne parler que de lui, est aujourd'hui une coquille vide recouverte de lichen rouge, résonnant au son des engins de chantier la presque totalité de l'année. Notre guide nous montre des photos de ruines sortant de la brume, isolées, un peu maudites. Il nous confie que le visiter par petit groupe laisse plus de place à l'imagination."C'est un voyage dans le temps, une aventure un peu intime dans les ruines d'une époque révolue" nous dit-il. On le croit.

Pour l'heure, nous fêtons l'année du tigre et nous sommes loin du pèlerinage imaginé. Des milliers de voitures pleines à craquer de victuailles et de visiteurs se sont engouffrées dans la montagne à nouveau libre. Motos et mini-bus de touristes ont suivi sur les routes sauvages. Le Bokor Palace s'est transformé en aire de pique-nique à la mode. Les enfants couraient entre les jambes des adultes, montaient et descendaient les escaliers de pierre. Les chambres brisées, les salles de bains béantes, sont soudain devenues le lieu privilégié pour se cacher, s'attraper, déjeuner et se poser en famille. Bopha, 67 ans, s'exclame "c'est magnifique ici, les enfants s'éclatent" et de courir après sa petite fille avec un grand sourire.

La salle de jeux redevient aire de jeux, et tout le sinistre de l'endroit expire sous les rires des enfants.

Elodie LLanusa (www.lepetitjournal.com/cambodge.html) vendredi 23 avril 2010

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