Florent Carrière peut se targuer d'avoir fondé en Espagne un des plus importants groupes d'optique, Mioptico, avec désormais des points de vente en France, au Portugal, en Belgique, en Suisse et à l’île Maurice. Cet expatrié français, au cœur espagnol, nous raconte son incroyable parcours.


Florent Carrière est un homme heureux. Cela fait 25 ans qu'il vit à Madrid et il ne regrette pas sa décision même si, au départ, il n'était absolument pas question de rester en Espagne! "J'étais célibataire sans enfant -se souvient Florent Carrière- et je suis venu en Espagne avec un contrat d’expatrié de trois ans pour Carrefour. Pour moi, c’était clair qu'au bout de ces trois ans j'allais revenir à Montpellier! Quand j'ai dit ça à la DRH, elle m'a rétorqué en souriant que le dernier qui lui avait raconté ça était expatrié depuis 25 ans!".
Qualité de vie et sécurité en Espagne
Depuis, Florent a d'ailleurs pris aussi la nationalité espagnole. "Je me sens bien dans ma double nationalité – affirme Florent Carrière. C’est un plaisir de retourner en France mais je suis heureux de revenir en Espagne, où j'apprécie la qualité de vie, l’ambiance, la sécurité, la convivialité. Pour moi, l’idéal à la retraite, ce serait d’être les deux tiers du temps en Espagne et un tiers en France".

Un self-made man avec une longue carrière professionnelle
Opticien-optométriste depuis 1990, Florent a d'abord travaillé comme directeur technique d'opticiens indépendants à ses débuts professionnels avant de gérer le lancement de la chaîne Optique Carrefour en France dans la période 1993-1998. Après une étude détaillée du marché national espagnol, il est envoyé en Espagne en 1998 pour monter Optica Pryca du groupe Carrefour. Cinq ans plus tard, le groupe compte déjà 69 magasins. "Ça a été vendu au groupe Afflelou en 2003 -raconte Florent. J'ai alors été nommé directeur général pour l’Espagne, puis directeur général du groupe au niveau mondial en 2008". C'est ainsi qu'il jouera un rôle clé dans la grande expansion de la marque en Espagne, faisant d'elle une référence pour le commerce de détail de l'optique dans ce pays.

MonOpticien en France
Mais Florent Carrière ne compte pas s’arrêter là. Il décide de quitter le groupe Afflelou pour monter sa propre entreprise. Il était déjà propriétaire de 20 magasins d’optique depuis 2004. De par sa double casquette d'entrepreneur et d'opticien-optométriste, il connaissait parfaitement le métier et les besoins directs d'un chef d'entreprise dans ce secteur. C'est ainsi qu'il fonde en 2014 "Mioptico". En 2017, il traverse les Pyrénées pour monter "Monopticien" en France, puis et en 2018, "Meuoptico" au Portugal. Un juste retour des choses… "Ma grand-mère était Espagnole, originaire de Lorca. Elle était partie à cause de la guerre civile, ce qui fait que 63 ans après, j'ai fait le chemin inverse!"
Et quel chemin! En 2023, le groupe Mioptico a connu une croissance de plus de 35%. Si l'on prend en périmètre constant, autrement dit sans les nouvelles adhésions, la hausse est de 12%. Le groupe Mioptico compte actuellement 1.176 magasins dans la centrale d’achat, dont 124 sont des franchises et 24 des magasins propres.

Pourquoi un tel succès? Sa stratégie repose sur 3 piliers: le professionnalisme des opticiens, la proximité avec les clients et un excellent rapport qualité-prix grâce à une centrale d'achat hyper performante. "Nous offrons les meilleures conditions du marché – explique Florent. Nous répercutons les remises des fournisseurs aux adhérents pour qu’ils bénéficient de tarifs préférentiels".
C'est aussi grâce à une excellente relation avec ses collaborateurs. "J’ai commencé en bas de l’échelle -rappelle Florent Carrière. À 17 ans, je poussais les chariots sur le parking de Carrefour à Montpellier en juillet en août. J'ai donc appris la valeur du travail et j’ai de l’empathie pour mes employés, car sans eux je ne serai pas où je suis. D’ailleurs la partie "prime" est très importante, c'est un win-win. Tout le monde est gagnant".
Démocratiser l'usage des prothèses auditives
Son succès est aussi dû à sa vision -c'est le cas de le dire!- des choses et son sens de l'anticipation. "Nous nous sommes lancés il y a deux ans dans les audio prothèses et ça fonctionne très bien. D’abord, la population vieillit. Il faut penser par exemple que dans les pays nordiques, sur 100 personnes qui ont des problèmes auditifs, 60 portent un appareil, alors qu’en France ou en Espagne, ce pourcentage est seulement de 20%. Il y a le facteur esthétique mais aussi économique en Espagne, ou c'est zéro remboursement, alors qu’en France les personnes sont remboursées 950 € par prothèse auditive, donc 1900 €. Il est important de démocratiser ces appareils".

Et c'est loin d'être un sujet trivial. "Il faut bien penser que les problèmes d’audition provoquent des dépressions chez les gens, parce qu’ils se sentent de plus en plus isolés. On commence seulement à être plus sensibilisés à cela et il y a donc un gros potentiel. D'autant que les jeunes écoutent la musique très forte et j’ai de plus en plus de gens de 45 ans qui sont obligés de porter un appareil, mais qui reconnaissent que leur vie a changé depuis".

Florent Carrière souligne également qu'on ne se rend pas toujours compte qu’on perd l'ouïe. "C’est souvent les gens de l’extérieur qui poussent à faire ce pas parce que, finalement, quand on est tout seul, on met la télé plus fort, et puis voilà! Il est donc important de faire tous les ans une révision des yeux et une révision de l'audition. Ça prend deux minutes par oreille et pour les yeux. En plus ce n’est pas seulement le fait de vérifier la vue, mais à travers les yeux, on peut détecter plein de maladies, telles que le diabète. On peut aussi détecter un glaucome qui est une maladie silencieuse qui ne fait pas mal et donc c’est important de prendre la tension de l’œil".
Détecter la myopie chez les enfants avant qu'elle n'arrive
Dernièrement aussi, Florent s'est spécialisé dans la myopie pour les enfants, c’est-à-dire les verres et les lentilles pour freiner ce processus. "On peut faire ça à partir de six ans -explique-t-il-. C’est important de détecter au plus vite la myopie parce que d’abord, il y a le facteur génétique, mais aussi et surtout, il faut laisser les enfants jouer dehors! Il faut limiter le temps des écrans pour que les yeux regardent loin et enfin le troisième aspect, c’est qu’il faut faire une révision parce qu’on peut détecter si un enfant va être myope ou pas, sans même que l’enfant s'en rende compte".
Savoir s'adapter et rester humble
Un dernier conseil de Florent Carrière pour ceux qui voudraient tenter l'aventure en Espagne. "Le Français ne doit pas voir l’Espagne comme une 'région supplémentaire' de la France. Il faut avoir de l’humilité et savoir se fondre dans les coutumes du pays. Et cela vaut aussi quand on veut monter une boîte en Espagne, il ne faut pas arriver en terrain conquis. Agir avec de l'arrogance, ça ne fonctionne pas! Même Coca-Cola ou McDonald’s adaptent les goûts suivant le pays. Par exemple, au Portugal, le directeur général de mon groupe est un Portugais et j’ai mis un nom portugais, Meuoptico, car il ne fallait surtout pas mettre un nom espagnol, bref, je m’adapte au pays".

Et dans son cas, humilité rime avec générosité. Florent a créé une fondation, 'Secours sans frontière' et, après une première expérience réussie au Maroc, il part en mai au Sénégal pour offrir des lunettes et des examens de vue, en priorité aux enfants.