Dans l'ombre du géant industriel d'origine madrilène, des producteurs locaux font aussi mousser la bière aux quatre coins de la ville. Petit tour d'horizon non exhaustif et revue en détail de leurs points de vente.
Ce n'est pas une nouveauté : la production de bières artisanales a toujours existé à Madrid. Le géant industriel Mahou lui-même a commencé par brasser de petites quantités (c'était à la fin du XIXe siècle), avant de devenir le leader du marché espagnol que l'on connaît (avec 12,5 millions d'hectolitres vendus en 2010 selon les derniers chiffres communiqués par la marque). Mais c'est qui est plus surprenant, c'est la vitalité actuel du secteur -pour ne pas dire sa régénérescence- alors que la crise économique qui touche l'Espagne depuis 2008 a eu tendance à faire fusionner les petits producteurs brassicoles avec des firmes aux reins plus solides : dans la capitale espagnole, en ce début d'année 2013, au moins trois bières sont estampillées "fabriquées à Madrid", alors qu'il n'y en avait quasiment plus dans le creux de l'hiver 2009-2010.
La Fábrica Maravillas, dernière née à Madrid
Dernière venue dans ce concert de "mousses" qui pétillent : la Fábrica Maravillas, qui, comme son nom le laisse supposer, est produite dans le quartier toujours avant-gardiste de Malasaña (le quartier était appelé "quartier des Merveilles" - Maravillas en espagnol - dans les années 1980). Selon ses six géniteurs, eux-mêmes habitants du quartier, il s'agit même d'un acte pionnier : "C'est la première fabrique de bière artisanale du quartier", écrivent-ils en préambule sur leur site internet. "L'idée de ce merveilleux projet remonte à plusieurs années et puise son origine dans le sentiment que la capitale manque cruellement de bières de qualité." Au 29 calle de Valverde, la production de cette micro-brasserie va donc directement du producteur au consommateur. Les patrons associés affirment même qu'ils se font une joie de raconter le procédé de fabrication "en direct" à qui le leur demande.
La Fábrica Maravillas propose six variétés de bière à la consommation : deux blondes conventionnelles (la Malasaña Ale, 5,4 % d'alcool et d'inspiration locale ; la Triple Maravillas, à 9 % et d'inspiration belge) et une blonde fruitée (la Saison Valverde, avec des notes de caramel léger, pour l'été surtout), une ambrée bien corsée (la Flipa, à 7 %), une brune légèrement amère (la Cabrona, à 10 %) et l'incontournable Stout chocolatée (l'Imperial, à 9 %).
Outre dans son établissement de référence, les bières de la Fábrica peuvent aussi se déguster dans d'autres bars, comme l'Irreale (calle Ballesta, 15, entre Gran Vía et Tribunal), le Martinez Bar (calle Barco, 4, près de Gran Vía) ou même dans une boutique inédite dédiée aux bières artisanales du monde entier, la Cervezorama (calle de San Andrés, 29, près de Tribunal). La Fábrica Maravillas est ouverte du lundi au jeudi, de 18 h à minuit, et du vendredi au dimanche, de 13 h à minuit.
La Cibeles, "la première bière qui a un monument à son nom"
Le patron de "La Cibeles" ne manque pas d'humour. Dans un article du quotidien El País, le brasseur David Castro clame malicieusement : "La Cibeles est la première bière qui a un monument à son nom." Joli contrepied. Mais il ne changera pas le cours de l'histoire : La Cibeles a bien germé au milieu de l'année 2010. Elle prend le nom de la déesse-icône si vénérée des Madrilènes (et leurs footballeurs du Real Madrid par temps de titres) : affirmer qu'on a affaire à la bière artisanale de référence de la ville serait faire un raccourci. Néanmoins, comme le met en relief ce reportage d'une chaîne économique espagnole, David Castro et ses associés ne s'aventurent pas en terrain inconnu.
Sous cette étiquette emblématique se cache donc huit variétés de bières différentes, sur le même modèle que sa s?ur-cadette de Malasaña : une blonde traditionnelle, une ambrée aux accents allemands et une autre plus estivale (la Trigo), une brune corsée, des blondes aux arômes fruités et floraux (la trilogie IPA) et enfin la bière-maison, qui porte le nom du patron, l'ambrée David's Ale. Impossible d'énumérer tous les endroits où le consommateur peut se procurer La Cibeles à Madrid tant ils sont nombreux. Mais on peut déjà noter le bar-brasserie El Pedal, à l'est du parc du Retiro ou la boutique Reserva y Cata, dans le quartier de Justicia. L'ensemble des points de vente de La Cibeles sont à consulter ici.
En revanche, pour visiter la micro-brasserie, ce qui est possible, il vous faudra faire un petit peu de route puisqu'elle se situe à une quinzaine de kilomètres au sud-est de la capitale, à Alcorcón (de 9 h à 18 h du lundi au vendredi).
La Virgen, petite production mais grand mérite
Contrairement au schéma traditionnel, c'est un tandem de Madrilènes qui s'est lancé dans cette aventure artisanale brassicole. Depuis Las Rozas, Jaime Riesgo et Ana Elena, jeunes entrepreneurs de presque 30 ans, produisent leur propre bière à raison de 5.000 litres au mois. Petite production donc, qui répond à un suivi strict du procédé de fabrication : ces deux brasseurs laissent fermenter la Virgen durant un mois et demi, font-ils savoir publiquement. La Lager est leur produit-phare. Une autre variété se vend également sous l'étiquette de La Virgen, la Jamonera, qui dit-on, est idéale pour accompagner un bocadillo de jambon fumé. La micro-brasserie se trouve au 4, calle del Cabo Rufino Lázaro. Elle est ouverte au public le vendredi de 18 h à minuit et le samedi de 12 h à 14 h et de 18 h à minuit. On peut aussi la retrouver à l'incontournable Cervezorama, au Rice Bar La Bomba (calle de Augusto Figueroa, 33) ou dans la boutique Sudestada (calle de Ponzano, 85). Pour plus d'informations : http://www.cervezaslavirgen.com.
Un Espagnol boit trois fois plus de bière que de vin
Selon les derniers chiffres des Brasseurs d'Espagne, organisme qui regroupe les principales grandes firmes du secteur comme Mahou-San Miguel, Damn ou Heineken España (qui à elles-seules détiennent 92 % de la production nationale, selon l'économiste Alonso Moreno de l'Université de Jaén), 32,175 millions d'hectolitres ont été brassés au cours de l'année 2012, soit un chiffre équivalent à celui de 2011 (32,838 millions d'hectolitres). Selon cette même source, l'Espagne se positionne comme le quatrième producteur de bière dans l'Union européenne et se situe dans le top 10 au niveau mondial. En 2011, chaque Espagnol a bu en moyenne 48,2 litres de bière dans l'année. Soit une consommation largement supérieure au vin traditionnel, de 18 litres par tête et par an en 2011. Le journal économique L'Expansión remarquait ainsi que "pour chaque litre de vin consommé, trois litres de bières sont bus" actuellement. La bière a définitivement détrôné le vin en Espagne.
Damien LEMAÎTRE