Gibraltar est mondialement célèbre car c’est le nom du détroit par lequel la Méditerranée se jette, pour ainsi dire, dans les immensités de l’Atlantique. Mais que savons-nous de ce minuscule bout de terre ? Pas grand-chose. Il est grand temps d’y remédier en vous présentant les dix choses à savoir sur Gibraltar.
1) La frontière britannico-espagnole : une des plus petites du monde
Même s’il faut prendre une loupe pour le noter sur la carte, Gibraltar est séparé de l’Espagne, tout au sud de la péninsule. C’est un territoire totalement indépendant et ses habitants sont des sujets de la reine Elizabeth II.
Les royaumes anglais et espagnol partagent ainsi leur seule frontière. Il s’agit d’une des limites les plus courtes de la planète : un kilomètre et deux cents mètres.
2) Moins de 7 km² pour un des territoires les plus denses au monde
A l’échelle de la péninsule Ibérique, le territoire de Gibraltar est minuscule : seulement 6,8 km². Mais attention, la densité de population y est une des plus élevées au monde : plus de 4.000 habitants au km². Les près de 30.000 habitants aiment la promiscuité !
La ville de Gibraltar ainsi que son port se trouvent à l’ouest donnant sur la baie d’Algésiras. Et oui ! Gibraltar ne trempe pas dans l’Atlantique, c’est un territoire méditerranéen. Gibraltar est plus à l’est que le détroit qui porte son nom.
3) Une des deux colonnes d’Hercule
Le Rocher attire les yeux de ses contemporains depuis des temps immémoriaux. C’est la mythologie grecque, avec toute sa poésie, qui nous le conte le mieux. Ce que nous voyons aujourd’hui comme un gros caillou est vu par les compatriotes de Platon comme les Colonnes d’Hercules.
En effet, ce serait célèbre héros qui aurait façonné cette porte monumentale qui sépare l’Afrique de l’Europe. A l’époque, et longtemps après, Gibraltar est le mont Calpé. "Mais où est la deuxième colonne ?", direz-vous. Et bien, il s’agit du Djebel Musa en Afrique, nommé jadis le mont Abyle ("djebel" signifiant "mont" en arabe ; nous y revenons à l’instant).
4) Le mont de Tariq
Nous l’avons vu, dans l’Antiquité, le Rocher était appelé "le mont Calpé". Il prend toutefois son nom actuel à la suite de la conquête de la péninsule Ibérique par une armée musulmane dirigée par un certain Tariq. Cela se passe en 711. Les conquérant musulmans venus du nord de l’Afrique traversent le détroit et arrivent, pense-t-on, à l’emplacement actuel de Gibraltar. C’est le point de départ de l’histoire de l’Espagne musulmane à laquelle nous consacrons une série dans lepetitjournal.com (https://lepetitjournal.com/vivre-a-madrid/la-recherche-dal-andalus-la-conquete-268649).
Le mont Calpé des Anciens deviendra alors le "djebel Tariq", le "rocher de Tariq" puis, par déformation, "Gibraltar".
5) Le rocher le plus disputé d’Europe
Nous venons de le voir, le Rocher de Gibraltar tombe aux mains des Musulmans au début du VIIIe siècle. Mais le site, par son emplacement stratégique capital, est très disputé. Dans le contexte de la "Reconquista", Gibraltar est pris par le royaume de Castille en 1309.
Par la suite, il repasse brièvement sous contrôle de ce qui reste d’al-Andalus, l’Espagne musulmane (soit grosso modo le royaume de Grenade). A la chute de celui-ci, en 1492, Gibraltar est reconquis par les Chrétiens.
Pendant deux siècles, Gibraltar reste sous la couronne espagnole avant que les convoitises qu’il suscite ne poussent les Anglais, aidés des Hollandais, à s’en emparer en 1704. Le Rocher est d’ailleurs officiellement cédé à la couronne d’Angleterre par le traité d’Utrecht. Le territoire ne sera plus jamais espagnol.
Madrid essayera de le reprendre toutefois par la force dès la fin du XVIIIe siècle, au moment de la guerre d’indépendance américaine. L’Espagne est alors alliée de la France contre l’ennemi anglais commun. Malgré d’âpres efforts et un siège féroce, Gibraltar restera britannique.
Bien plus tard, le général Franco tente à son tour de faire revenir le Rocher dans le giron espagnol. Comme les temps ont changé et qu’on ne peut pas vraiment se permettre d’envoyer l’armée, le dirigeant fait appel à l’ONU. Les autorités de Gibraltar, au nom de l’autodétermination des peuples, organisent un référendum pour savoir si la population veut être espagnole ou rester britannique. Le résultat est sans appel : 99,64% des habitants de Gibraltar votent pour rester sujets d’Elisabeth II.
6) Le Brexit ou l’occasion pour les Espagnols de remettre la main sur le Rocher
La question n’est pas pour autant réglée pour nos voisins espagnols qui remettent l’affaire sur la table lors du "Brexit".
Une fois le résultat du referendum britannique connu, le gouvernement espagnol en profite pour renouveler une demande de souveraineté partagée sur Gibraltar entre la Grande Bretagne et l’Espagne. Précisions que cette option-ci a déjà été rejetée très massivement en 2002.
C’est un euphémisme que de dire que le Rocher empoisonne les relations britannico-espagnoles depuis maintenant plusieurs siècles. Avec l’issue incertaine du départ de la Grande Bretagne de l’Union européenne, les autorités espagnoles n’entendent pas laisser passer cette nouvelle occasion.
Tout espoir n’est peut être pas perdu quand on sait que l’immense majorité des habitants de Gibraltar ont voté pour le maintien au sein de l’UE. De là à retourner sous la couronne espagnole… Affaire à suivre.
7) Un vrai "melting pot"
Les habitant de Gibraltar sont peu nombreux, certes, mais la population est particulièrement diverse.
Par son emplacement, on ne sera guère surpris d’apprendre que les habitants du Rocher sont principalement d’origine britannique ou espagnole. Ajoutez à cela des descendants de Maltais ou de Marocains et vous obtenez un territoire assez multiculturel. La majorité de la population est catholique (dans une Grande Bretagne anglicane). On note la présence également de musulmans, de juifs et d’indous.
8) Un paradis… fiscal ?
Comment un si petit territoire peut il être de nos jours un centre de finance de niveau européen et même mondial ?
L’impôt sur les sociétés y est particulièrement faible ce qui a attiré bon nombre de banques et d’entreprises. Résultat : on compte près de 20.000 entreprises (très majoritairement dans les services) ! Ce chiffre, rapporté à la population de Gibraltar, à peine 30.000 habitants, est impressionnant.
Outre les banques, le Rocher s’est fait une spécialité d’accueillir les entités de jeu en ligne, très à la mode et très lucratives. Pas de quoi franchement redorer son blason et ôter l’image un peu "bling-bling" d’un territoire vu souvent comme un paradis fiscal.
9) Le paradis… des seuls singes sauvages d’Europe
Il faut l’avouer, à part dans les zoos ou à moins de faire quelques heures d’avion, les Européens ne sont pas habitués à voir des singes à l’état sauvage.
Mais, chers lecteurs, oubliez l’Asie du Sud Est et traverser la frontière britannico-espagnole : vous y trouverez un population de macaques de Barbarie de Gibraltar. Appelés "monos" ("singes" en espagnol), ces animaux coulent des jours paisibles dans la partie supérieure du Rocher où les autorités ont installé une réserve naturelle.
10) "Do you hablas the llanito?", la langue de Gibraltar
Sans surprise, la langue officielle de Gibraltar est l’anglais. Par ailleurs, étant donné la proximité avec l’Espagne, les habitants manient aussi, la plupart du temps, la langue de Cervantés.
Mais les Gibraltariens utilisent également une langue typiquement du cru : le "llanito". Vous n’en avez sans doute jamais entendu parler mais il s’agit d’un mélange d’anglais, d’espagnol teinté d’accents andalous et même d’éléments hébreux, portugais ou maltais.
Un exemple ? "Te llamo p’atras anyway".
Bonus
Et oui ! Seuls les plus irréductibles fans des Beatles le savent mais c’est bien à Gibraltar que John Lennon et Yoko Ono se marièrent le 20 mars 1969.