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La chasse en Turquie, une activité lucrative mais clivante

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Écrit par Valentine Brisvalter
Publié le 16 novembre 2022, mis à jour le 17 novembre 2022

Chasse et tourisme font bon ménage en Turquie, et vous seriez surpris de l’affluence mondiale (et notamment française) que peut entraîner la présence d’espèces rares telles que le sanglier Attila ou l’Ibex Bezoard, dans les paysages reculés de Turquie.

La Turquie semble être un fabricant d’armes intéressant pour les pays européens, en ce que ce produit présente un bon rapport qualité/prix. On trouve en effet de nombreuses marques turques sur les sites internationaux, et français notamment, de vente d’armes de chasse, proposant des fusils ou des carabines à relativement bas coût. Les agences suggèrent d’ailleurs aux touristes d’acheter ou de louer leur arme directement sur place s’ils le souhaitent.

 

chasse Turquie

Source : jpbernonsafaris.com

 

Des séjours de chasse onéreux  

Les agences de voyages proposant en Turquie des séjours de chasse organisés, ou sur mesure, ne manquent pas à Paris ! Ainsi, si vous y mettez le prix, il vous est possible de séjourner dans un pavillon de chasse ou dans un hôtel trois étoiles selon vos goûts et l’environnement dans lequel vit l’animal que vous souhaitez chasser. Par exemple, le bézoard évolue dans les monts Taurus au sud de la Turquie, entre 1000 et 2500 mètres d’altitude. Cet animal est réputé parmi les chasseurs pour la taille de ses cornes, considérées comme un "trophée" une fois abattu ; mais la chasse au bézoard a toutefois un coût. Comptez pour cinq jours de chasse un budget minimum de 4 200 €, hormis la taxe de tir, variable en fonction de la taille du "trophée", mais dont le premier prix s’élève à 6 000 €.

La chasse touristique représente donc un loisir onéreux et un business lucratif pour l’Etat turc, entre le tourisme inhérent à l’activité, l’achat des permis de chasse (453,50 TL en 2022), ou encore les amendes (v. supra). Si le "petit gibier" est réservé uniquement aux citoyens turcs, ce sont donc bien ces animaux aux caractéristiques physiques particulières qui suscitent la convoitise des "touristes-chasseurs". Parmi les plus réputés de ces animaux, on compte donc le sanglier Attila, qui n’est autre que la plus grosse espèce de sanglier au monde, et qui vit dans les grandes forêts des massifs montagneux d’Anatolie, le bézoard ou encore le chamois d’Anatolie vivant dans la chaîne du Taurus, mais également le mouflon d’Anatolie qu’on trouve exclusivement en Turquie.

 

le sanglier Atilla turquie
Un sanglier Attila

 

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L’Ibex Bezoard

 

Pour le "petit gibier" réservé à la population turque, l’ouverture de la chasse se fait le 20 août et la saison dure jusqu’à la mi-février, tandis que le tourisme cynégétique, lui, se pratique quasiment toute l’année.

La loi turque relative à la chasse, un moyen de lutter contre des pratiques défendues

La Turquie dispose d’une législation stricte relative à la chasse. C’est ce que nous apprend une source anonyme qui travaille dans un club de chasse à Istanbul. Cette dernière affirme que la chasse illégale est parfaitement condamnée par la loi : "Le gouvernement définit les zones dans lesquelles on peut pratiquer la chasse légalement, mais il existe bien sûr du braconnage et des gens qui tentent de s’enrichir en traquant des espèces protégées. Heureusement il y a des contrôles fréquents des autorités". Toutefois, si le braconnage est une réalité, il est rare que les médias relatent des informations à ce sujet, ni même concernant les accidents de chasse, un sujet au contraire très présent dans l’actualité française. Une cliente d’un commerce de nourriture et d’accessoires pour animaux à Kadiköy nous renseigne : "Je ne connais pas personnellement de chasseur car c’est un 'loisir' contre lequel je suis personnellement engagée, mais je sais qu’il y a des accidents, des blessés qui se trouvaient au mauvais endroit au mauvais moment, qui se retrouvent victimes de chasseurs qui ratent leur coup par exemple"

C’est elle qui nous montre alors un article publié le 14 novembre 2022 par le quotidien national turc Sabah. On y apprend que huit personnes ont été arrêtées le veille par les autorités de contrôle de la chasse pour braconnage à Sanliurfa (sud-est), et que des mesures administratives ont immédiatement été engagées contre elles.

Certains accidents de chasse, les plus susceptibles d’alerter l’opinion publique certainement, sont également relayés de temps en temps. Récemment, en janvier 2022, une personne a tué son ami accidentellement d’une balle dans la tête alors que tous deux chassaient dans la région de Malatya. La victime est morte sur le coup et l'ami a immédiatement été arrêté par les équipes de gendarmerie.

La chasse est encadrée par la loi n°4915 -Kara Avciligi Kanunu- de 2003. Cette dernière prévoit les conditions d’obtention d’un permis de chasse : le candidat passe un examen au cours duquel il doit démontrer sa connaissance des espèces considérées comme protégées, des périodes légales de chasse, ainsi que de l’environnement géographique dans lequel il est possible de pratiquer l’activité, un espace défini en différentes zones par le gouvernement. Des sanctions sont également prévues, en cas de non-respect de ce que la loi détermine comme activité légale. Par exemple, la peine encourue dans le cas d’une location d’un terrain privé à des fins de chasse illégale est de 5 676 TL ; et concernant le braconnage, l’exportation à l’international d’espèces protégées entraîne une amende située entre 2 356 et 11 838 TL. 

Qu’en est-il de la protection animale en Turquie ?

Il existe peu d’espèces protégées en Turquie, mais l’on peut recenser parmi elles l’ours brun, le loup, le cerf, le chevreuil ou encore le renard. De nombreuses associations de défense des animaux luttent pour faire respecter ce statut, et la population turque dispose d’une grande sensibilité face à la cause animale. Il n’y a qu’à observer la façon dont sont traités les animaux errants pour s’en rendre compte, lesquels ne manquent jamais ni d’eau ni de nourriture, toujours à disposition dans les rues.

Par ailleurs, le véganisme semble prendre de l’ampleur ; vous trouverez de nombreux commerces et restaurants vegans à Istanbul, où se tient même chaque année le festival international "Vegfest", plus grand festival végétalien d’Europe, au Festival Park de Kadiköy.

Toutefois, la maltraitance animale reste malheureusement une réalité. L’association Haytap par exemple, publiait en 2020 sur son compte twitter des vidéos choquantes sur lesquelles deux chasseurs prenaient plaisir à torturer un ours brun, une espèce protégée selon la convention de Berne, qu’a également ratifiée la Turquie, mais une espèce pour laquelle le pays pose une exception afin de réguler la population des ours sur son territoire (environ 3000 têtes).

Les chasseurs licenciés représentent une part infime de la population ; en effet, ils ne constituent selon les chiffres officiels que 0.35% de la population turque, contre 1.75% en France. Cependant, le lobby des chasseurs disposerait tout de même d’une certaine influence, selon les propos rapportés par Oÿkü Yagci. Membre de l’association végane turque TVD et réalisatrice de documentaires animaliers, cette dernière expliquait à la chaîne d’information française France 24 en 2020 : "Les Turcs sont sensibles à la cause des animaux et rejettent toute forme de maltraitance, y compris la chasse. Mais malheureusement les lois ne suivent pas ce mouvement […] Le gouvernement turc subit une forte pression des lobbies de chasseurs, qui sont pourtant assez peu nombreux".

 

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Valentine Brisvalter
Publié le 16 novembre 2022, mis à jour le 17 novembre 2022

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