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Cahiers de nuit - Premier concert, première rencontre

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« A ma grande et heureuse surprise, l’endroit était immense, frais et pas oppressant pour un sou. » Crédit : DR
Écrit par Jonathan Grimmer
Publié le 11 avril 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

Voici le second article de cette nouvelle rubrique intitulée « Cahiers de nuit ». Il s'agit de décrire, à la première personne, la vie nocturne stambouliote à travers une histoire/anecdote/aventure(?) vécue par l'un des journalistes de Lepetitjournal.

 

Un soir d’ennui, peu de temps après mon arrivée à Istanbul, je décidai de me rendre seul au café Dorock XL Beşiktaş, dont on m’avait à plusieurs reprises vanté les mérites. Sur place, j’appris qu’un groupe d’indie rock renommé en Turquie, Son Feci Bisiklet, était à l’affiche. Sans hésiter, je déboursai 40 TL pour une place et me rendis dans la salle de concert située au premier étage.

A ma grande et heureuse surprise, l’endroit était immense, frais et pas oppressant pour un sou. Tout l’inverse de ces lieux étriqués aux murs dégoulinant de sueur et à l’air vicié que j’ai toujours pris soin d’éviter en France.

Quelques instants plus tard, je m’installai confortablement à une table près de la scène, sirotant un rakı, l'alcool traditionnel turc que je goûtais pour la première fois ce soir-là. Après plusieurs minutes d’attente, le groupe fit son entrée et le show débuta.

Cela me plut, sans plus. Les mélodies étaient jolies, mais il manquait à mon goût ce petit surplus d’énergie et de charisme qui permet à un concert de passer du stade d’agréable à celui de génial. De surcroît, la foule était peuplée de jeunes filles à peine sorties de l’adolescence, visiblement aussi intéressées par le physique flatteur du chanteur que par sa musique. Cela me donnait par moments la désagréable impression d’assister à une représentation de Tokio Hotel version indie rock.

Au bout d’une heure de représentation, j’estimai que j’en avais eu pour mon compte et décidai de rentrer chez moi. Mais en sortant de la salle, mon regard fut attiré par une fille à la peau très blanche et à l’épaisse chevelure noire qui fumait une cigarette, seule, à côté d’un brasero. Elle portait un jean taille haute noir et un pull-over très fin de la même couleur qui laissait entrevoir différents tatouages au niveau des bras et de la clavicule.

Je suis de nature plutôt timide d’ordinaire, pas le genre à aller au devant d’une inconnue en bombant le torse. Mais au fil des ans et de mes pérégrinations nocturnes, j’ai mis au point un petit stratagème pour aborder la gent féminine tout en douceur : je m’approche, sors une cigarette, fais mine de ne plus retrouver mon briquet et finis par demander du feu. C’est grossier, minable, lâche, mais ça fonctionne plutôt bien. C’est ce que je décidai de faire à ce moment-là et, comme souvent, cela permit d’engager la conversation.

Elle m’expliqua qu’elle était venue accompagner une amie mais que, comme moi, le concert l’avait un peu déçue. Par un heureux hasard, il s’avéra qu’elle était étudiante en traduction anglaise, allemande et française, ce qui facilita notre échange. Nous parlâmes longuement des différences culturelles entre nos deux pays ; de la Révolution française qui la passionnait ; de Camus et de Sartre qu’elle étudiait en cours ; ou des peintres impressionnistes qu’elle aimait beaucoup.

Puis, fatalement, nous en vînmes à la politique. Avant de partir pour Istanbul, un ami diplomate, spécialiste de la Turquie, m’avait pourtant prévenu : « Evite le sujet, il est trop sensible. » Mais mon interlocutrice ne me permit pas de suivre son conseil.

Sans détour, elle me dit que le Moyen-Orient mourait de la politique internationale menée par les pays occidentaux, dont la France. Que nous avions créé Daech et financé les groupes terroristes dans la région. Complotisme primaire pour les uns, vérité dérangeante pour les autres, je décidai pour ma part de ne pas répondre.

A cet instant, la musique qui continuait de nous parvenir aux oreilles s’arrêta et nous fûmes bientôt rejoint par son amie. Elle m’annonça alors que ses parents l’attendaient dans la voiture familiale, près de la sortie: « Ça c’est un sacré différence culturelle ! En France, je n’ai jamais vu des parents venir chercher leur fille de 23 ans à la fin d’un concert pour la ramener à la maison », m’exclamai-je avec un sourire que je voulus complice. Elle me le rendit et, avant de me quitter, me donna son numéro.

La suite n’appartient qu’à nous.

 

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jonathan grimmer lepetitjournal istanbul journaliste
Publié le 11 avril 2019, mis à jour le 11 janvier 2021

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