Le féminisme, une lutte mondiale ?
En Iran, en Argentine, en Irlande et dans de nombreux autres pays, beaucoup des femmes de ce monde ont un souhait … celui de renverser les codes qui leur ont été imposés par des hommes qui ne sont pas eux-mêmes touchés par les lois qu’ils promeuvent. Pourtant, la lutte féministe ne divergerait-elle pas d’une société à l’autre ? Et ne devrait-on pas parler plutôt « des féminismes » ?
Nombreuses sont les problématiques et les théories en matière de luttes féministes. Chaque enjeu féministe diffère d’un pays à l’autre. Néanmoins, aujourd’hui les femmes aux quatre coins du monde reprennent la parole … et ces paroles se tissent pour ne former qu’une, celle d’un mouvement contestataire planétaire.
Ainsi, le féminisme est somme toute une lutte mondiale, mais il reste important de décortiquer chaque problématique locale pour comprendre ce tout.
Il s’agit là d’une des questions moteurs de la création d’un projet qui a vu le jour en avril 2018. Je m’appelle Pauline, j’ai 21 ans, je suis bretonne et cette année j'ai décidé de faire une césure dans mes études. Une coupure pour partir en Pologne y rencontrer les associations et les militant(es) luttant pour les droits des femmes. Cette chronique mensuelle a pour envie de mettre en lumière les femmes militantes polonaises, leurs actions féministes et leur histoire.
Rencontrer le Praw Kobiet (« droits des femmes » en polonais) et partager son histoire
Grâce au Centre Régional Information Jeunesse de Bretagne (CRIJ), à Jeunes à Travers le Monde (JTM) et au Cridev (Centre de ressources et d'interpellation pour un monde sans rapport de domination) ce projet a ainsi vu le jour sous le nom « À la rencontre du Praw Kobiet » (« droits des femmes »).
Après de long mois de préparation et d’élaboration, il a débuté le 22 octobre 2018 et s'achèvera le 22 avril 2019. Lors de ce projet, je vagabonde à la rencontre d’associations principalement dans les villes de Cracovie, Varsovie et Sosnowiec. Lors de cette rencontre avec le Praw Kobiet, je souhaite tout aussi bien m’informer sur l’histoire du mouvement des femmes en Pologne que découvrir les pratiques militantes polonaises.
Mais, le but n’est pas d’être une simple spectatrice face à la scène féministe polonaise. J’aimerais aussi être actrice, à ma juste mesure, afin de donner de mon temps aux personnes qui m'accueillent. Ainsi, participer aux actions, aux mobilisations et manifestations qui seront organisées. Tout cela dans un contexte où les féministes polonaises doivent redoubler d’efforts pour lever leurs voix. Et ce, notamment face au parti conservateur PiS qui, aimerait voir l’avortement reculer alors qu’il est déjà très restreint. Ainsi, cette chronique sera le lieu d’un partage avec vous de l’histoire du Praw Kobiet. Plus largement, elle échangera également sur la vie polonaise et de ses manifestations culturelles.
Pour me lancer dans cette aventure à la découverte du féminisme polonais, mon premier pas n'était non pas en Pologne mais à la maison des femmes de Schaerbeek. Une maison située en Belgique et présidée par Julie Wauters.
Enfin, ce projet n’a aucunement une optique humanitaire (mot qui, à l’heure où le « volontourisme » - contraction de volontariat et de tourisme - bat son plein, est à prendre avec des pincettes). Il est le fruit d’une volonté de partager une lutte, celle des femmes contre le patriarcat. Puis, il répond aussi à l’envie de déconstruire une vision occidentale de la Pologne et discriminante pour les femmes de ce pays.
Mettre fin à une vision « misérabiliste » de la place des femmes en Pologne
À la question « Hey Pauline que fais-tu cette année? », à laquelle je réponds « Je vis en Pologne rencontrer des associations luttant pour les droits des femmes», le dialogue se clôture souvent par « Y a des droits pour les femmes là-bas ?» ou « Elles sont pas ultra catho les polonaises ? » (non sans une touche d’ironie frisant le sarcasme) … stupeur et tremblements*. Pourquoi assimiler de facto la société civile polonaise au parti qui la gouverne ? Certes, le parti PiS est conservateur, mais cela est-ce représentatif de l’état d’esprit de tous.tes les polonais.e.s ? C’est ce que nous pouvons appeler une vision « misérabiliste ». Cette vision est occidentale et ethnocentrique, elle contient tous nos préjugés de valeurs et nos stéréotypes. Ces derniers engendrent parfois une forme de discrimination envers des tierces personnes.
Quand on se lance dans un projet citoyen, il est important de se demander « en tant que qui je pars ? » et de déconstruire nos grilles de lecture. Pour mon cas, je suis une femme blanche, issue d’une nationalité privilégiée mais ce n’est pour autant que je n’ai pas d’éthique. Le misérabilisme, c’est le néocolonialisme, c'est cette domination occidentale sur des pays jugés « en retard ». Ce sont également ces personnes qui ne travaillent pas sur leur position et qui stigmatisent autrui du simple fait qu’il est cet « autre » .
Découvrir l’histoire des Polonaises - une histoire postcommuniste - c’est aussi éclaircir ce passé, ce présent et cet avenir sombre qu’on leur colle à la peau. Libre de disposer de leur corps, de leur esprit et de leurs problématiques féministes, les femmes polonaises sont incluses dans une lutte mondiale d’émancipation de la gente féminine. Elles prennent la parole à coup de manifestations, de ciné-débats, de conférences. Donc, oui il y a une lutte des droits des femmes en Pologne, unique mais commune à toutes les femmes du monde !
* expression que j’emprunte à Amélie Nothomb et à son ouvrage éponyme sorti en 1999