A l'occasion du Festival de Cannes, lepetitjournal.com vous invite à (re)découvrir 5 réalisateurs polonais majeurs et leurs films !
Bien sûr, il a fallu choisir et (bien sûr), tout choix est subjectif, restrictif et contestable... Il n'empêche que chaque année, les réalisateurs polonais, avec cette touche si particulière, continuent de réaliser de très bons films, primés à l’international, dans les meilleurs festivals, à l’image de Cold War qui a reçu le prix de la Mise en Scène au Festival de Cannes, en 2018.
Andrzej Wajda, Cendres et diamant (Popilo y diamant) - 1958
Ce n’est pas le premier film d’Andrzej Wajda, ni le plus primé, mais il reprend une période cruciale pour la Pologne – et pour le réalisateur. Adapté du roman éponyme de Jerzy Andrzejewski, le film se déroule à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, en mai 1945, en Pologne.
Après la lutte contre les Allemands, communistes et partisans de l’ancien régime s’opposent. Le jeune Maciek a pour mission d’abattre un responsable communiste. Mais sa première tentative se solde par un échec et le fait douter du bien-fondé de sa mission.
Comment continuer à vivre après avoir si souvent usé de la violence et avoir tué quand on est jeune ? Comment lier ses ambitions militantes et son romantisme à l’image de ce personnage principal, qui retrouve un nouveau souffle de vie en tombant amoureux d’une jeune serveuse ?
Ces questions sont magnifiquement mises en scène. Wajda tente même une touche d’humour. Surtout, il peaufine la photographie qui sublime son propos, malgré une certaine noirceur incontournable.
Wojciech Jerzy Has, Le Manuscrit trouvé à Saragosse - 1965
Adapté de l’ouvrage de Jan Potocki en 1804 – ouvrage culte initialement écrit en français par l’auteur – c’est le premier film issu d’une œuvre littéraire par Has. Il recommencera ensuite avec l’adaptation de La Clepsydre. Il faut savoir que le roman est en lui-même multiple, véritable roman à tiroirs : il regorge d’histoires, d’anecdotes et on a vite fait de s’y perdre. Il semblerait qu’il s’appuie sur la vie, les expériences et les rencontres les plus improbables de son auteur, Jan Potocki.
Pirates, bandits, légendes... rien n’est laissé de côté. L’adaptation au cinéma semblait dès lors très complexe. Et pourtant, Has a réussi ce pari fou – même si les 3h de film ne sont pas acceptées partout et l’exploitation américaine exigera une coupure de 30 mn, puis d’autres coupures qui amèneront le film à durer seulement 120 mn.
La compréhension s’en trouve alors bousculée et les fans se mettent en quête de la version initiale. Il faut attendre 1997 pour que le film ressorte grâce à l’aide de Martin Scorsese et Francis Ford Coppola qui participent au financement. C’est alors un nouveau succès critique ! Inclassable, tour à tour film fantastique ou d’aventures, Le Manuscrit... ne perd pas le spectateur, captivé par la mise en scène de Has. S’il est impossible de « résumer » cet OVNI, on peut avancer qu’il se sépare (pour la version de 3h) en deux parties distinctes, qui se font écho.
Bref, c’est un film initiatique qui impose, à l’instar du récent Inception de Christopher Nolan, d’être vu et revu pour tirer le vrai du faux, la réalité du rêve ; ou tout simplement pour se plonger à nouveau dans cet univers décalé, si proche d’un Salvatore Dali.
Andrzej Zulawski, L’important c’est d’aimer - 1975
Film essentiel pour la carrière de Romy Schneider qui lui permit de décrocher le César de la Meilleure Actrice, il est également marqué par la censure.
Andrzej Zulawski réalise ce film à partir du roman La Nuit américaine de Christopher Frank et s’entoure d’acteurs français, allemands, italiens pour une coproduction franco-italo-allemande. Le film repose sur le personnage joué par Romy Schneider, une actrice sans succès, attachée à son mari mais dont la rencontre avec un photographe va changer la vie.
Compliqué d’en dire plus sans gâcher l’histoire, le film vaut pour la direction d’acteurs qui est exceptionnelle. Zulawski sait comme personne capter la douleur, la sensibilité, les atermoiements de ses personnages et Romy Schneider et Jacques Dutronc – qui joue là son premier rôle – sont exceptionnels de justesse, de rigueur et de passion. La performance, comme souvent sans limites, de Klaus Kinski ajoute également à la puissance du film. Même si, pour cause de censure, la dernière image du film n’est pas celle voulue par Zulawski qui a dû se plier aux exigences de la production, et lui a laissé comme un sentiment d’amputation, le film est un bijou à voir pour tout cinéphile.
Krzysztof Kieslowski, Trois couleurs - 1993-1994
Comme son nom l’indique, Trois couleurs Bleu, Blanc, Rouge est un triptyque. Chaque film est totalement indépendant, mais le visionnage des trois permet de comprendre le message du réalisateur polonais, s’appuyant sur les couleurs du drapeau français, et leurs symboliques - même si on peut apprécier l’un des films sans voir les deux autres.
Trois actrices française mises en avant – Juliette Binoche, Julie Delpy et Irène Jacob ; trois styles, un drame, une comédie, un thriller – bien que le catalogage soit délicat chez Kieslowski ; trois univers bien distincts ; notamment par une photo faisant résonnance avec la couleur éponyme du titre.
Du bleu pour le premier film, évoquant l’eau de la piscine purificatrice pour l’héroïne, des tons plus froids, voire blancs pour Blanc, et une ambiance saturée de rouge, pourpre pour le dernier volet. Bleu évoque la douleur d’une épouse et d’une mère face à la disparition accidentelle de son époux et de sa fille. Comment vivre, survivre à une telle perte ? La partition de Juliette Binoche, tout en retenue, est excellente et bouleversante de justesse.
Les deux autres volets souffrent peut-être de ce déséquilibre, mais Kieslowski dirige ses acteurs à la perfection et les échanges entre Irène Jacob et Jean-Louis Trintignant sont d’une rigueur incroyable, comme Julie Delpy très fraîche dans son rôle d’amoureuse frustrée qui décide de prendre en main son couple.
Roman Polanski, Le pianiste - 2002
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, le célèbre pianiste juif polonais Wladyslaw Szpilman échappe à la déportation et se retrouve dans le ghetto de Varsovie. Sa vie se résume alors à l’humiliation, aux souffrances. Il parvient pourtant à fuir ce ghetto et bénéficie de l’aide d’un officier allemand, fasciné par sa musique. Szpilman découvre les horreurs de la guerre, la faiblesse des hommes, la solitude du ghetto et seule la musique lui permet de s’échapper (et de s’en sortir littéralement) un peu alors que tout s’effondre autour de lui.
Adapté du roman éponyme du pianiste, Roman Polanski obtient la Palme d’or à Cannes en 2002, sept César et deux Oscar ! C’est son film le plus salué, et certainement l’un de ses plus proches, lui qui a lui-même connu le ghetto de Cracovie dont il s’est enfui. Les 2h30 du film se voient avec facilité, la caméra de Polanski parvenant à capter les émotions d’Adrian Brody et la musique complétant cette sensation d’horreur, de vide face à la cruauté.