Lepetitjournal.com/Varsovie a rencontré Louis-Albert Mensdorff-Pouilly, le nouveau proviseur du Lycée français de Varsovie. D’origine tchèque, habitué des pays de l’Est et très heureux de se retrouver dans la capitale polonaise, il évoque pour nous son parcours, ses projets et sa vision de chef d’établissement.
LPJ : Pouvez-vous commencer par nous parler de votre parcours ?
LAMP : J’ai commencé ma carrière comme professeur de philosophie en France. Je suis ensuite parti en République tchèque comme conseiller pédagogique et attaché linguistique. J’y suis resté comme directeur de l’Institut français et conseiller pédagogique. Ensuite, je suis rentré en France pour passer le concours de chef d’établissement qui m’a mené vers la Hongrie, le Maroc et aujourd’hui la Pologne.
Qu’est-ce qui vous a poussé à embrasser la carrière de chef d’établissement ?
Mon expérience à Prague m’a appris à « gérer » des équipes, monter des projets ; je ne me voyais pas retourner dans une classe même si je regrette de ne plus enseigner. Je fais maintenant de la pédagogie mais différemment, le chef d’établissement étant à mon sens le premier pédagogue de l’établissement.
Qu’est-ce qui vous tient à cœur dans votre mission de proviseur ?
Le sourire des élèves le 30 juin (non pas à cause des vacances mais parce que l’année s’est bien passée et qu’ils ont réussi), la satisfaction de voir que les élèves ont grandi, mûri, recevoir en plein mois d’août une carte postale d’un élève que vous avez envoyé en conseil de discipline et qui vous remercie pour sa réussite… Tout cela représente des moments magiques.
Quelle a été votre mission la plus difficile ?
Elles ont été différentes mais complémentaires. Naturellement, il y a des moments difficiles, mais au bout du compte, l’expérience est positive. Mon expérience en Tchéquie a été un peu particulière. En effet, j’y suis resté longtemps, j’y ai vécu avant, pendant et après la Révolution de velours. On a vécu l’Histoire sans en avoir conscience. De plus, étant tchèque d’origine, j’ai une histoire commune avec les pays d’Europe centrale et j’y suis donc plus attaché.
Mon départ au Maroc a été dicté par un besoin d’aller vers un pays d’une culture complètement différente, de quitter l’Europe. Tout en étant passionnante, les différences culturelles et le contexte de l’époque ont rendu cette expérience plus difficile.
Au bout de 3 mois, quel est votre ressenti par rapport au lycée et quels sont ses points forts ?
Je travaille avec une équipe enseignante volontaire, les parents sont très investis et je bénéficie d’un soutien indéfectible de l’ambassade et surtout il y a des projets, ce qui est toujours enthousiasmant, des réformes à terminer de mettre en place et un projet de site unique.
Justement, pouvez-vous nous en dire davantage sur le projet immobilier ?
C’est un projet qui est en bonne voie. Il a démarré avec mon prédécesseur et va bientôt se finaliser. Pour l’avoir vécu dans d’autres pays, un site unique donne une autre dynamique à l’établissement, pour tout le monde, pédagogiquement et humainement.
C’est captivant de se dire qu’on est en train de reconstruire quelque chose, de se donner les moyens d’avoir un outil qui nous permettra de rayonner davantage, de pouvoir accueillir nos élèves dans de meilleures conditions, dans un meilleur environnement. Pour l’instant, nous n’avons pas de vraies installations sportives, les locaux sont un peu vétustes, ce nouveau site représentera donc une véritable amélioration. La majorité des parents adhère au projet parce que c’est bénéfique pour les enfants.
Quels sont les nouveaux projets que vous souhaitez mettre en place ?
Mon projet consiste en ce que les collègues et les élèves puissent avoir les leurs et les réalisent. Mon rôle est d’accompagner les projets initiés par les enseignants, par exemple celui du cinéclub qui vient de démarrer, de « La nuit de la lecture », des voyages scolaires, des échanges sportifs… Beaucoup de choses se mettent en place ! Ma mission est de rendre possible au maximum ce qui peut paraître impossible même si tout n’est pas réalisable parce qu’on n’est pas maître de toutes les données. J’apporte ma vision, ma façon d’être, ma personnalité mais pas des projets clé en main.
Le but est que le Lycée français de Varsovie continue à rester un établissement d’excellence. Et il ne faut pas avoir peur de ce mot qui peut laisser penser qu’on est « ségrégationniste ». Pour moi, le collège et Lycée « élitaire » de Grenoble est synonyme d’excellence. Ce mot «élitaire » me plaît parce que ce n’est pas de l’élitisme, c’est donner la possibilité à chaque élève d’aller au maximum de ce qu’il peut donner et d’aller au maximum de ce qu’il peut recevoir. Tous les jeunes ne réussissent pas de la même manière ; mais ce qui est important c’est qu’ils réussissent et qu’ils se construisent.
Quelle est votre première impression de Varsovie ?
Je suis déjà venu plusieurs fois à Varsovie pour des formations ou des séminaires mais je ne connaissais pas bien la ville. Aujourd’hui, je la découvre progressivement, j’adore m’y perdre, c’est une ville qui recèle des secrets incroyables. Je vais devoir creuser pour comprendre son histoire et découvrir ce qu’elle cache. Je trouve que c’est une ville agréable. De plus, j’ai l’avantage de parler une langue slave qui ressemble au polonais. Et les Polonais que j’ai rencontrés sont plutôt accueillants.
Quels sont vos passe-temps ?
La lecture, la musique, me promener, le ski.
Votre livre de prédilection ?
J’en ai plusieurs. Si vraiment j’en ai un à recommander, c’est un livre que personne n’a jamais lu : Le mont analogue de René Dauman.
Et le gros choc littéraire, philosophique et intellectuel que j’ai eu c’est Etre sans destin de Imre Kertesz, prix Nobel de littérature. Un livre très fort, une prouesse littéraire. L’auteur se met dans la peau d’un adolescent pour raconter son histoire, celle d’un jeune juif hongrois de 15 ans envoyé à Auschwitz. Mais il réussit à garder une distance à s’effacer complètement en tant qu’adulte et à épouser le regard naïf de l’adolescent pour raconter les faits tels qu’ils ont été vécus.
Propos recueillis par Alexandra Levy (le petitjournal.com/Varsovie) – Lundi 18 décembre 2017
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