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REFORME DE LA JUSTICE - Un "coup d'Etat"...

Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 17 juillet 2017, mis à jour le 18 juillet 2017

La série de lois controversées sur le système judiciaire, menées par le parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir, a provoqué ce dimanche dans les plus grandes villes de Pologne (Varsovie, Cracovie, Szczecin, Wroclaw), une vague de protestations. Que contiennent ces projets de loi? Quelles sont les réactions au lendemain de ces événements? 

A Varsovie notamment, les manifestants se sont réunis devant le siège du Parlement puis se sont dirigés vers le palais présidentiel et le siège de la Cour suprême. Le nombre de manifestants s'est élevé à 4.500 selon la police et 10.000 selon la mairie. Le défilé à pris la forme d'une «chaîne de lumière», les participants ayant allumé des milliers de bougies à la nuit tombante. Les dirigeants de l'opposition ont appelé les manifestants à rester devant le Parlement jusqu'à mardi, jour prévu du débat parlementaire.

© Francois Devos / NEWS WPA / NY

Décidément, la Pologne semble devenue le théâtre de la contestation depuis l'élection du PiS, en octobre 2015. D'abord, la crise du tribunal constitutionnel qui s'étend sur toute l'année 2016, donne lieu à différentes vagues de protestation et un rappel à l'ordre de l'UE sur l'Etat de droit. De façon plus ponctuelle, en mai 2016, une mobilisation record depuis 1989 réunit 240.000 personnes pour "préserver la place de la Pologne en Europe". En octobre de la même année, les "marches noires" s'érigent contre un projet de loi visant à restreindre les conditions d'accès à l'avortement. En décembre, le Parlement est bloqué après un projet de loi restreignant l'accès de la presse, et enfin en mai dernier, la « marche de la liberté » battait le pavé en réaction à la réforme de l'éducation. La crise politique semble aujourd'hui franchir encore un nouveau seuil avec le vote du parlement, mercredi 12 juillet, de deux projets concernant le contrôle du système judiciaire.

Que contiennent ces projets de loi?   

Les deux chambres du Parlement polonais ont approuvé la semaine dernière (le Sénat vendredi dans la nuit) deux projets de loi; dans le premier, les membres du CJN, instance constitutionnelle chargée de garantir l'indépendance des tribunaux et des juges, seront désormais élus par le Parlement, où le PiS a la majorité. Sur un total de 25 membres, 15 seraient des magistrats choisis par la chambre basse du Parlement. Les 10 autres seraient nommés par le Président et les deux chambres du Parlement. La deuxième loi modifie le régime des tribunaux de droit commun, dont les présidents seront nommés par le ministre de la Justice. Une autre proposition de loi très controversée qui sera votée cette semaine, donne au ministre de la Justice d'importants pouvoirs sur la Cour suprême. Le projet prévoit notamment que le jour de son entrée en vigueur, les juges de la Cour suprême seront mis à la retraite, à l'exception de ceux indiqués par le ministre de la Justice. Le ministre aura également la charge de présenter les candidats aux postes des futurs membres de la Cour suprême. 

Les réactions de l'opposition, de l'UE et de la presse

Selon l'opposition au gouvernement, cette réforme est susceptible de réduire la séparation des pouvoirs et mettre à mal l'indépendance des juges. Elle dénonce, avec le milieu judiciaire, « un coup d'Etat ». Les dirigeants des deux principaux partis d'opposition, Plateforme civique (PO) et Nowoczesna, Grzegorz Schetyna et Ryszard Petru, disent s'engager à coopérer étroitement pour s'opposer à la politique du PiS. 

Pour la Commission européenne, qui a menacé la Pologne d'une action en justice, ces réformes mettent en cause l'équilibre démocratique dans le pays et devraient être examinées à Bruxelles mercredi 19 juillet. Le groupe du Parti populaire européen (conservateur) au Parlement, Manfred Weber, président allemand du groupe, et Esteban Gonzalez Pons, vice-président espagnol, ont estimé que le PiS a désormais « mis fin à l'Etat de droit et à la démocratie et quitté la communauté européenne de valeurs partagées ». La correspondante de Rzeczpospolita à Bruxelles souligne que la Commission n'a pas de grande marge de man?uvre et qu'elle attend un soutien et une pression des autres Etats membres sur la Pologne, notamment de la France « qui est la plus fervente critique de la situation en Pologne ».

Côté presse, le rédacteur en chef de Rzeczpospolita n'a aucun doute sur le fait que « c'est une mauvaise loi, un danger pour la démocratie polonaise qui approfondira encore plus les divisions existantes ». Il s'agit, pour le quotidien, d'une purge des cadres et non pas d'une réforme et lance un avertissement aux dirigeants qui sont, selon lui, à deux pas de franchir la ligne rouge.  

Le bihebdomadaire Polska the Times estime que « les Polonais sont témoins d'une révolution constitutionnelle » sans que la Constitution soit modifiée. 

Dziennik Gazeta Prawna, rappelle que les changements du système judiciaire en Pologne ressemblent beaucoup à ceux effectués par le gouvernement de Victor Orban et souligne que malgré les critiques des institutions internationales, la réforme en Hongrie n'a pas été annulée et aucune sanction n'a été imposée.

Enfin, c'est Gazeta Wyborcza qui adopte le ton le plus alarmiste. Le quotidien évoque en Une « une démocratie qui meurt en silence » en soulignant que cette atteinte à l'impartialité de la Cour Suprême est un moment décisif pour l'opposition qui risque de devenir co-responsable du coup d'Etat contre la Constitution si elle reste passive. Le rédacteur en chef adjoint appelle l'opposition à l'unité en proposant un accord et un programme commun pour les différents partis d'opposition, voire des listes communes aux élections. Le journal, dans son édition du weekend, publie l'éditorial du rédacteur en chef Adam Michnik, intitulé « Cela pue. Ne nous laissons pas asphyxier ». Il dénonce cette « amnésie des Polonais », lesquels laissent leur pays se transformer peu à peu en une Russie de Poutine. Il déplore que la Pologne, modèle de transformation démocratique, devienne un pays isolé, négligé et méprisé. 

Côté PiS, quels sont les arguments qui justifient ces réformes? 

Mais pour le gouvernement, ces lois s'avèrent nécessaires eu égard à une justice jugée inefficace et parfois corrompue. Le ministre de la justice notamment, Zbigniew Ziobro, accuse le Conseil de la magistrature d'être «une corporation qui, elle seule, décide de tout », qui « s'est coupée de la démocratie » et les magistrats d'être une « caste »  servant les intérêts de certains groupes politiques. Il a déclaré vouloir mettre en place un « outil de contrôle. Actuellement, le ministre de la justice a la responsabilité du fonctionnement du système judiciaire, mais ne peut pas l'influencer. » 

La Rédaction (lepetitjournal.com/Varsovie) - Mardi 18 juillet 2017

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Publié le 17 juillet 2017, mis à jour le 18 juillet 2017