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AUTOROUTES - Le parcours du combattant !

Lorsque vous quittez la Pologne, l'un des souvenirs indélébiles que ce pays vous laisse concerne ses routes. Ou plutôt leur absence. Ou l'état déplorable de leur surface, c'est selon. Comme nous allons le voir, la stratégie gouvernementale dans ce domaine ne laisse guère espérer mieux.

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Écrit par Lepetitjournal.com Varsovie
Publié le 1 février 2011, mis à jour le 16 février 2024

Pourtant l'une des priorités légendaires du gouvernement polonais depuis des décennies, revenant comme un boomerang à chaque élection, le réseau routier et surtout autoroutier polonais laisse pour le moins à désirer. Même les événements internationaux importants et motivants comme l'organisation de l'Euro 2012 en Pologne et en Ukraine n'ont donné au final qu'un feu de paille : en effet le planning des constructions vient à nouveau d'être revu à la baisse. Une fois de plus.

Pas étonnant dans de telles circonstances que l'ouverture d'une section d'autoroute en Pologne prenne des allures de fête nationale et requiert la présence des plus hauts dignitaires.



Une réalité pas franchement folichonne

A ce jour, la Pologne dispose seulement de 900 km d'autoroutes et d'encore moins de voies express. Chiffre tout à fait dérisoire en comparaison au réseau autoroutier français (plus de 11.000 km) ou allemand (plus de 12.000 km). Pour ne pas chercher bien loin, au cours des dernières décennies nos voisins du sud, les Tchèques, ont réussi à couvrir leur territoire d'un réseau d'autoroutes et voies express très correct (1.055 km au total pour un pays bien plus petit que la Pologne), permettant de traverser le pays de long en large sans obstacles ni détours. Chose apparemment impossible en Pologne.

Alors que le nombre de voitures sur les routes croît de façon exponentielle d'année en année, et est maintenant à un niveau comparable à celui des autres pays de l'UE, les autoroutes constituent à peine 0.2% de toutes les voies de communication en Pologne. Rappelons que la moyenne européenne est de 1.5%. Ceci ne serait pas encore catastrophique si le réseau secondaire se présentait mieux, mais ce n'est pas le cas. Ajoutons à cela le trafic de poids lourds parmi les plus intenses en Europe et le tableau du désastre sera complet. Il ne faut pas oublier que les autoroutes polonaises, gérées par des sociétés concessionnaires, sont payantes.

En payant (et pas mal) on s'attend, naïvement, à avoir à disposition plusieurs voies dégagées et à la surface lisse pour atteindre notre destination au plus vite. Oh que non ? sur les autoroutes polonaises on est amené plutôt à slalomer entre des zones de travaux interminables, ou à éviter les gros trous là où il n'y a pas (encore) de travaux de réparation. Il n'est pas rare qu'une autoroute soit bonne à réparer à peine quelques années, voire quelques mois, après sa livraison et suscite, en plus de la colère, des blagues sur le « manque de bitume dans le bitume ». Par ailleurs, il y a eu des cas de refus de payer l'autoroute de la part des usagers exaspérés dont certains ont obtenu gain de cause au tribunal.

(vert : autoroute existantes, rouge en construction, vert en projet, wikicommons)

Les axes « stratégiques » qui n'ont toujours pas vu le jour
Il est certain que le réseau routier est un point stratégique en Pologne. Surtout lors des campagnes électorales: Ce n'est pas pour rien que M. Komorowski, le dernier jour de la campagne présidentielle, s'était rendu sur le chantier de l'A1.

Les axes essentiels pour le développement de l'économie polonaise sont l'A1 (une partie de l'E75 transeuropéenne), dans l'axe nord-sud, l'A2 (section de l'E30), censée relier la frontière bélarusse et Berlin, et enfin l'A4 ? pour le moment la plus longue des autoroutes polonaises, passant dans le sud en tant que prolongation de l'E40. L'état d'avancement de ces autoroutes est assez inégal, la moins achevée étant l'A1.

Le premier programme de construction d'autoroutes en Pologne, très ambitieux et prévoyant plus de 3.000 km d'autoroutes, a vu le jour dès le lendemain de la guerre. Depuis, il n'a cessé d'être revu et remanié en diminuant sensiblement la longueur totale des autoroutes mais aussi en modifiant leur tracé. Les priorités changeaient en fonction de l'évolution de la situation politique et économique, les moments marquants étant l'ouverture à l'ouest après la chute du mur de Berlin, l'entrée dans l'Union Européenne en 2004, l'entrée dans l'espace Schengen en 2007, ou encore l'attribution de l'Euro 2010 à la Pologne et l'Ukraine.

Au moment de son entrée dans l'Union Européenne, la Pologne a obtenu d'importantes sommes pour développer son infrastructure routière. Après l'attribution de l'organisation de l'Euro 2012 il y a eu d'autres sources de financement, y compris pour le réseau routier, devant permettre l'accès aux stades. Ainsi par exemple pour la période 2007-2013, le Fonds de développement régional et le Fonds de cohésion de l'UE ont attribué à la Pologne 28 milliards d'euros. Les autorités, y compris le Premier ministre Tusk, n'ont eu de cesse d'assurer que tout sera fait pour relier les principales villes par des voies rapides. C'était sans compter de nombreux obstacles de nature aussi bien réelle que surréaliste.

Dans le cas de gros travaux d'intérêt national, le gouvernement a l'habitude de procéder à des appels d'offres. Le problème, c'est que ces appels d'offres durent souvent une éternité et une fois le processus achevé, il s'avère qu'il faut tout annuler et recommencer, soit par manque de moyens financiers soit pour faute de procédure par exemple. Il y a aussi le problème de coordination de différentes étapes de construction qui font que sur deux axes censés se rejoindre, l'un va démarrer les travaux alors que l'autre en est encore au stade de l'appel d'offres.

En plus en Pologne on a la fâcheuse tendance à opter systématiquement pour les offres les moins chères, ce qui ne garantit pas pour autant la qualité de la réalisation. Bien souvent « le moins cher » devient rapidement un trou sans fond car il faut sans cesse réparer, au grand dam des usagers.

Le mauvais état des finances publiques est la principale source des soucis du gouvernement. C'est précisément pour sauver les finances publiques qu'il procède aux réductions des dépenses pour l'infrastructure routière. Ou décide de les remettre à plus tard, sans beaucoup de précisions.

La nature n'étant pas forcément non plus l'alliée de l'homme dans ce domaine, de nombreux investissements se sont vus ralentir après les dégâts causés par les inondations de l'année dernière. Bien évidemment les hivers rudes qui se succèdent n'arrangent pas les choses non plus : les réparations du revêtement des routes consomment d'importantes ressources dans les maigres réservesde l'Etat.

Rajoutons à cela des éléments aussi imprévisibles que des obus de la seconde guerre mondiale trouvés sur le chantier de l'A1, les vols par camions entiers de matériaux par les sous-traitants qui remplaçaient la dolomite par du sable, menaçant ainsi toute la structure de la future A1, ou enfin des querelles entre la Direction générale des autoroutes et les réalisateurs de travaux étrangers, et nous comprendrons un peu mieux pourquoi il ne sera pas possible en Pologne d'avoir des autoroutes en quantité prévue ni pour l'Euro 2012 ni, vraisemblablement, après.

Anna Riondet (www.lepetitjournal.com/varsovie.html) mardi 1er février 2011

Pour en savoir plus : notre article, CODE DE LA ROUTE - Rouler à tombeau ouvert

lepetitjournal.com varsovie
Publié le 1 février 2011, mis à jour le 16 février 2024