Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire de l'art, LePetitJournal.com/Varsovie propose de découvrir l'exposition du Musée National présentant Aleksander Gierymski, un peintre de la fin du XIXe siècle, l'un des plus célèbres représentants du réalisme polonais.
L'?uvre d'Aleksander Gierymski est exposée dans un ordre chronologique et suit ainsi le développement de son style artistique, de ses intérêts et de l'évolution de son inspiration au gré de ses voyages. Aleksander Gierymski dont le frère plus âgé, Maksymilian Gierymski, fut un des initiateurs du réalisme polonais dans la peinture, était lui-même représentant du réalisme, prédécesseur des impressionnistes polonais.
Né à Varsovie en 1850, il quitte sa ville natale en 1868 pour Munich où il y suit des études à l'Académie des Beaux-arts, comme son frère avant lui. Le décès prématuré de ce dernier a poussé Aleksander Gierymski à devenir indépendant dans ses expressions artistiques qu'il avait jusque-là partagées avec Maksymilian. Puis il quitta l'Allemagne pour Rome, Paris, Venise et nombre d'autres villes d'Europe qu'on retrouve dans ses peintures. L'exposition permet ainsi d'avoir un aperçu de plusieurs villes européennes et notamment Varsovie, à la fin du XIXe siècle.
Le talent d'Alexander Gierymski s'est révélé dans les cercles artistiques de la Munich des années 1860-1870, sous la direction des professeurs de l'Académie des Beaux-Arts et l'influence des autres représentants de cette "colonie artistique" polonaise: Maksymilian Gierymski et Józef Brandt. Ses premières ?uvres, comme "Postój kawalerii" (Arrêtez la cavalerie) ou "Sjesta w?oska" (Sieste italienne), s'inscrivent dans la lignée des peintres de la seconde moitié du XIXe siècle et de son frère Maksymilian. Rien ne laissait alors présager le peintre innovateur qu'il allait devenir par la suite. L'autre source d'inspiration pour Gierymski étaient les artistes italiens. Ainsi, commença-t-il ses essais avec une couleur riche aux contours effacés.
Le développement du style du peintre s'est accéléré avec son émancipation forcée suite au décès de son frère. Avec la connaissance des bases de l'optique, il s'est mis à explorer les possibilités d'une meilleure maîtrise de la couleur et de la lumière dans la nature comme dans sa toile "W altanie" (Au belvédère), et dans ses études. Pour cela, il a utilisé la technique d'application de petites touches de couleurs pures, l'une à côté de l'autre sur la toile, ce qui permet d'obtenir une nouvelle couleur, autre que celle qui résulte du mélange des pigments sur la palette. Cette technique fut évidemment plus tard développée par les impressionnistes.Les périodes de sa vie passées à Varsovie lui ont permis de peindre la vie locale sur un ton réaliste. Son âme de documentaliste a suivi le quotidien des quartiers les plus négligés comme Stare Miasto, Solec et Powi?le d'une façon quasiment naturaliste. Ses études et deux tableaux représentant une femme juive qui vend des fruits au marché sont devenus son sujet le plus célèbre et aussi l'emblème de cette exposition. "?ydówka z pomara?czami" (La Femme juive aux oranges) n'est pourtant pas en Pologne depuis longtemps. Le tableau peint entre 1880 et 1881, période où Gierymski réalisa également "La femme juive aux citrons", "Porte de la Vieille Ville"ou"Roch Hachana" (nouvelle année du calendrier hébreu), a été volé pendant la Seconde Guerre mondiale et ne réapparut qu'en 2010 dans une petite ville allemande pendant une vente aux enchères. Le ministère de la culture polonais a réussi à récupérer le tableau et à le rapatrier en 2011. Il est aujourd'hui exposé au Musée National. On peut ainsi y observer cette femme, telle qu'elle était au marché dans les années 1880, habillée pauvrement, l'expression sérieuse, le visage et les rides accentuant l'effet de tristesse et d'impuissance, ignorant qu'elle figurerait, 130 ans plus tard, sur les affiches de la ville ! Les figures plus vivantes dans le tableau sont les oranges: elles font référence selon certains à la chaleur manquant dans sa vie. Cette même tristesse, désespoir silencieux, se trouve dans "Trumna ch?opska" (Cercueil paysan): l'image des parents abattus par le chagrin qui contraste avec les couleurs vives de la scène.
En se remettant à voyager, Gierymski s'est aussi remis aux expériences sur les nuances de couleurs de la lumière, notamment lorsqu'elle est amoindrie : sous un ciel nuageux, au crépuscule ou dans le brouillard, de sorte qu'elle devient l'élément essentiel de ses peintures. Ceci est évident dans "Wieczór nad Sekwana" (Soir sur la Seine), qui reproduit une scène au crépuscule selon un style expressément impressionniste.
L'exposition propose des thèmes et des styles différents mais toujours liés à la vie et au travail de l'artiste en suivant son évolution artistique mais aussi personnelle, accompagnés d'études et de dessins préparatoires parfois tellement réalistes qu'on se demande si ce ne sont pas des photographies?
La rétrospective est ouverte jusqu'au 10 août du mardi au dimanche de 10h à 18h (jeudi jusqu'à 21h).
Anna Hlavackowa (Le Petit Journal/Varsovie) - Lundi 23 juin 2014