Considéré comme le plus grand cinéaste polonais vivant, Andrzej Wajda a réalisé plusieurs films aux accents héroïques, et au ton romantique, bien loin de l'exercice de propagande propre au réalisme socialiste.
L'Homme de Fer (Cz?owiek z ?elaza), sorti en 1981 et Palme d'Or au Festival de Cannes la même année, est de toute évidence un film singulier dans la carrière de Wajda. Il est inscrit depuis au patrimoine culturel polonais.
Si L'Homme de Fer n'est pas reconnu comme le plus grand film d'Andrzej Wajda, il est essentiel pour comprendre ce cinéaste et la société polonaise en pleine mutation à l'aube des années 80. Ce film exemplaire intègre les événements de 1980, des événements annoncés quatre ans auparavant dans L'Homme de Marbre (Czlowiek z marmuru).
L'histoire se déroule pendant les grèves des chantiers navals de Gdansk au début des années 80. Maciej Tomczyk, un ouvrier marqué par la mort de son père, milite en faveur des droits sociaux. Le gouvernement communiste charge alors Winkel, un employé de la télévision d'État, d'infiltrer le mouvement et d'enquêter sur Maciekj afin de le discréditer aux yeux de l'opinion publique.
Maciej, le personnage clé de L'Homme de Fer, (le fils de l'homme de marbre) a traversé les années staliniennes et celles de Gomulka, leader politique de la Pologne jusqu'en 1970, il représente cette figure héroïque chère à Wajda et présente dans nombre de ses films, dans le sillage de l'homme d'influence de l'époque, Lech Walesa (qui fait d'ailleurs une apparition dans le film, jouant son propre rôle).
Wajda nous montre dans ce film cette génération qui avait 20 ans à l'époque des premiers événements provoqués par le syndicat Solidarnosc, qui était déterminée à jouer un rôle clé dans l'opposition au régime de la République Populaire de Pologne. Il dépeint de manière admirable une situation de soulèvement à travers la vie de ce héros à la fois romantique et militant, qui lutte pour la liberté et la démocratie. Comme un défi lancé à la rigidité et à la violence soviétique (responsable du meurtre de son père), Maciej se fait le représentant d'une nation déchirée, porteur d'une revendication sans haine et d'une espérance pour la victoire.
L'Homme de Fer n'est pas seulement un témoignage historique ou un support politique, il est une réflexion morale sur le pays, le symbole d'une Pologne passionnée, prête à écrire son histoire.
Dans son oeuvre Wajda donne une vision de la vie différente, en réaction au mode de vie imposé par le communisme sur lequel il porte d'ailleurs un regard acéré. Une attitude qui valut à l'Homme de Fer une censure au moment de sa sortie. Au delà de son talent artistique indéniable, le réalisateur, qui siégea au premier Sénat élu librement en 1989, a toujours représenté une instance morale pour son pays, avant comme après l'ère communiste .
Antoine Roux (www.lepetitjournal.com/varsovie) - jeudi 28 mars 2013