

L’Espagne, en raison de la situation exceptionnelle vécue en ce moment, voit naître plusieurs sources de conflits. Nous aborderons les problèmes relatifs aux baux.
Tout d’abord, aucun des décrets royaux n’a suspendu de manière générale les obligations liées aux contrats. Par conséquent, les obligations liées aux contrats restent donc de rigueur. Les modifications introduites sont des exceptions conditionnées afin de respecter les exigences.
Nous distinguerons deux grandes catégories : les résidences principales et les locaux commerciaux. Cette deuxième catégorie comprend les maisons de vacances et tout autre type de résidences secondaires.
LES BAUX DES RÉSIDENCES PRINCIPALES
Le Gouvernement a rédigé le Décret Royal 11/2020, ce dernier stipule que des règles ont été érigées afin de protéger ce qu’ils appellent les « ménages vulnérables sans solution de relogement ». Cela a fait naître de l’espoir qui s’est ensuite transformé en déception puisque les conditions d'éligibilité sont très restrictives.
Par conséquent, si vous êtes propriétaire et que votre locataire sollicite une réduction ou une suspension de loyer, sachez que vous pourrez refuser si celui-ci ne réunit pas les conditions nécessaires imposées par le gouvernement.
Quels sont ces « ménages vulnérables sans solution de relogement » ?
Prenons l’exemple d’un logement habité par une famille ou d’un « ménage » composé par des personnes ayant des liens de parenté et vivant sous le même toit (pères, mères, enfants, et grands-parents).
Cette famille doit réunir trois conditions :
A) Le ménage doit éprouver des difficultés financières, à savoir, être au chômage, voir son travail suspendu par un Dossier temporaire de régulation d’emploi (ERTE) ou voir son horaire réduit à la suite d’une demande de réduction du temps de travail pour des raisons liées au COVID-19. Dès lors, les revenus des membres de ce ménage, le mois qui précède la demande, doivent avoir diminué de 1 613,52 euros bruts.
Cette limite augmente légèrement si vous avez des enfants à charge, mais également si votre ménage est composé de personnes âgées de plus de 65 ans. Elle augmente également si un des membres du ménage présente et déclare un handicap supérieur à 33 %, une dépendance, etc.
B) Les dépenses de base doivent être supérieures ou égales à 35 % des revenus nets perçus par l’ensemble des membres du ménage.
C) Vous ne pouvez pas être propriétaire d’une autre résidence, ce qui exclut donc les personnes qui vivent dans un logement loué, mais qui possèdent une deuxième résidence, peu importe sa nature (des exceptions existent, comme les personnes divorcées) :
Bref, seulement 1 location sur 10 est dans cette situation. La mesure n'aura donc que peu d'importance en dehors de cette campagne.
En outre, la procédure s’avère très compliquée. Le locataire doit lui-même effectuer les démarches d’obtenir et de présenter les documents au propriétaire. À la fin de l’État d’alerte, un délai d’un mois sera accordé afin de présenter les documents qui n’avaient pas été fournis.
Si le propriétaire n’accepte aucun accord dans un délai de sept jours après la demande, le locataire pourra bénéficier des aides transitoires, à savoir des prêts garantis par l’État moyennant les conditions suivantes :
- Période de remboursement, 6 ans, prolongeable de 4 ans.
- Montant, jusqu'à 6 mois de loyer.
- Intérêts et frais : Aucun.
Les expulsions seront également suspendues. Cependant, ces mesures valent également pour les ménages vulnérables qui traversent des moments difficiles d’un point de vue financier (les mêmes critères que susmentionnées). Par conséquent, le propriétaire pourra poursuivre et expulser un locataire qui ne respecte pas les conditions et qui n’a pas payé, dès que l’État d’alerte prend fin.
LES BAUX DES LOCAUX COMMERCIAUX.
La situation pour les locaux commerciaux est différente. Les avocats des locataires exigent aux propriétaires d’appliquer la doctrine « rebus sic stantibus ». Autrement dit, face à un changement substantiel des circonstances dans lesquelles avaient été loué le local dû à un événement imprévisible (interdiction des activités à cause de l’État d’alerte), une différence significative existe entre les parties (le locataire doit payer pour un local qu’il ne peut pas utiliser) par conséquent, une solution doit être adoptée :
- Réduire le loyer le temps que dure cette situation anormale et imprévue.
- Suspendre les obligations des parties.
- Résilier le contrat.
Le meilleur conseil que nous puissions vous prodiguer est de négocier avec souplesse et de tenir compte de la situation réelle des parties. Lorsqu’une entreprise arrête ses activités sur ordre du gouvernement, les deux parties, propriétaire et locataire, doivent déployer des efforts afin de trouver un compromis. La situation dans laquelle une seule des deux parties subirait ce fardeau serait injuste.
Si vous êtes propriétaire et que votre locataire se retrouve dans cette situation, le pourcentage de réduction admis dépendra de si ses activités sont suspendues sur ordre du gouvernement, si cette suspension est due au manque de client, si l’entreprise effectue du télétravail et continue de facturer (par conséquent, nous devons comparer la réduction de revenus), si l’entreprise continue d’occuper le local avec vos propres objets et marchandises, etc. Toutes ces questions dans le but d’obtenir le chiffre le plus juste possible.
Dans la situation inverse, si vous êtes locataire, vous pouvez également faire le même calcul. Si le propriétaire refuse en dépit de votre demande (écrite), payez ce que vous pensez être équitable, et indiquez votre raisonnement au moment d’effectuer le paiement. Cependant, gardez à l’esprit que, sauf situations exceptionnelles, ne rien payer n’est pas non plus équitable.
Dans le pire des cas, chaque partie finira devant les Tribunaux, l’une pour exiger le loyer non payé et l’autre réfutant cette accusation sur base de la condition « rebus ».
Quelles seraient les conséquences ? Le Juge vérifiera probablement si le locataire a effectivement été lésé et dans quelle mesure afin de trouver un compromis. Mais prudence, cette condition « rebus » n’a été acceptée par les Juges qu’à partir de 2002 et à titre exceptionnel. La Cour suprême pourrait donc épiloguer. Ce ne serait pas la première fois que quelqu’un regrette de ne pas être parvenu à un accord à l’amiable avant le procès.
Félix de la Guia Muñoz – Manuel Serra Orenga
Avocats
Département juridique
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