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La Mona de Pascua et son histoire

une Mona de Pascuaune Mona de Pascua
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 11 avril 2020, mis à jour le 30 mars 2024

La Mona est une réjouissance culinaire qui se savoure traditionnellement à Pâques après les quarante jours de brouet du carême. Si un grand nombre de traditions liées au calendrier liturgique sont tombées en désuétude, la Mona, elle, reste très populaire et se déguste dans un moment de partage et de convivialité. Cet élément vivace et en perpétuelle mutation de la pâtisserie espagnole témoigne de la pérennité d’un rite pluriséculaire. 

 

Qu’est-ce que la Mona?

Il s’agit en fait d’une brioche en forme de couronne ou de dôme à base de farine, d’oeuf, de sucre et de sel, qui nécessite une bonne heure de cuisson. La génoise servant de base à la Mona est la même que celle du “pan quemado” ou “toña” qui se consomme toute l’année dans le Levant espagnol, et de celle du Roscón de Reyes mangé le jour de l’Epiphanie en Espagne (le 6 janvier). Une fois cuite, la Mona est garnie d’un ou plusieurs oeufs parfois peints, richement décorés ou en chocolat (selon la tradition catalane) qui lui donnent toute sa spécificité. En réalité, il y a autant de Monas que de pâtissiers et chacun y apporte sa touche d’originalité - sans compter les variantes régionales. À Minorque, par exemple, les oeufs sont recouverts de meringue. 

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La ville d'Albéric, dans la province de Valence, est l’un des fleurons de cette pâtisserie pascale mais l’on retrouve ce gâteau, plus vastement, dans toute la région valencienne, en Aragon, en Catalogne, en Castille ou encore en Murcie. Il est à noter que la Mona est aussi présente dans la cuisine pied-noire, elle se prononce alors “Mouna” et est confectionnée pour les fêtes de Pâques également.

La coutume espagnole veut que parrains, marraines et grands-parents remettent à leurs filleuls ou petits-enfants leur Mona après la messe du dimanche de Pâques. Il était en effet d’usage de l’offrir jusqu’à ce que l'enfant ait atteint ses douze ans - âge de la communion, et raison pour laquelle la Mona ne compte jamais plus de douze oeufs.   

Aujourd’hui la culture populaire s’est emparée de la Mona et les personnages de l’imaginaire enfantin du moment sont une source d’inspiration permanente. Peppa Pig et Frozen, pour ne citer qu’eux, sont fréquemment représentés sur les gâteaux ou leur servent de modèles. Les oeufs en chocolat prennent de plus en plus la forme de ballons de football, de petites maisons, de châteaux ou de personnages de dessins-animés.

On consomme généralement la Mona au goûter et on l'accompagne parfois de la saucisse de Pâques (longaniza de Pascua), autre plat typique de ces festivités. Habituellement, les oeufs sont cassés sur le front d'une personne qui nous est chère!

Pour ceux qui parlent espagnol et qui auraient les ingrédients à portée de main, voici une recette.

 

Une étymologie incertaine

L’origine du mot est douteuse. Plusieurs hypothèses sont prudemment avancées. 

Certaines font dériver la Mona de l’arabe “Muna” qui signifie, littéralement, “provision pour la bouche” et qui renverrait au tribut dont devaient s’acquitter les Maures envers leur seigneur. Lequel tribut, contribution périodique requise en signe d’allégeance, se composait de produits agricoles, de gâteaux et d’oeufs durs. Cet étymon arabe ne fait pas figure d’exception dans la langue espagnole, notamment en matière de gastronomie, à titre d’exemple : l"alfajor" (friandise faite à partir d'une pâte d'amande, de noix, de miel et d'épices) vient de l'arabe "hashu" qui signifie "fourré", "azúcar" (sucre en espagnol) a pour origine l'arabe "as-sukkar".  

Le linguiste Joan Coromines défend quant à lui une toute autre théorie : la Mona tirerait son origine du mot latin “munda” qui fait référence à une corbeille à pain remplie de gâteaux, offrande que les Romains faisaient à la déesse Cérès (plus connue en grec sous le nom de Déméter) au moment de l'équinoxe du printemps.

 

Un peu d’Histoire 

Une recette similaire à la Mona est attestée dès le XVème siècle comme l’a démontré l'ethnologue Joan Amades dans les Costumari catalans

Mais il faut attendre le XIXe siècle pour que les Monas évoluent véritablement et prennent, ornées de fruits, d’oeufs et de figurines en chocolat, leur forme actuelle. Ce processus va de pair avec le développement de la confiserie et la démocratisation du cacao en Europe. 

À la même époque, les Italiens, les Français et les Allemands commencent à fabriquer des œufs à base de chocolat avec des cadeaux à l'intérieur. 

 

Les oeufs, symboles de fertilité

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Photo : piqsels.com

 

En plus de l’imagerie païenne des figures animales (serpent, lézard et dragon) que revêt la Mona, l’oeuf qui vient l’agrémenter est un élément symbolique. 

Depuis la nuit des temps, on le retrouve dans nombre de cultures pour célébrer l’arrivée du printemps et la fertilité. 

Dès l’Antiquité, l’oeuf est le symbole d’une réalité primordiale, qui contient en germe une vie nouvelle qui va bientôt éclore et agir. Ainsi pour les Egyptiens, par exemple, émergera du Noun, océan primordial, une butte sur laquelle un oeuf éclorera. De cet oeuf, un dieu jaillira, qui organisera le chaos, en donnant naissance aux êtres différenciés.

Dans le christianisme, un rapprochement a été fait entre l’idée de renaissance et l’oeuf dont la coque peut être assimilée à l’enceinte d’un sépulcre dans lequel repose un principe de vie qui doit un jour s’épanouir. L’oeuf symbolise donc la Résurrection. On retrouve ainsi des oeufs aux pieds du Christ en croix dans la Cathédrale de Burgos. Au moyen-âge, l'Église bénissait, le samedi saint, des oeufs que les fidèles mangeaient en famille le lendemain, avant toute autre nourriture : c’est ce qu’on appelait la “Pâque de l’Oeuf”.

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Le Christ en croix de la Cathédrale de Burgos

 

Dans la Pâque juive (Pessah), lors du repas du Séder qui commémore la sortie d’Egypte et l’accession de l’homme à la liberté, on mange un oeuf dur (Bēṣa) en souvenir de la destruction du Temple de Jérusalem. Si l’on connaît les racines sépharades de l’Espagne, il y a bien une pratique culinaire judaïque antérieure à l’appropriation chrétienne du symbole de l’oeuf. 

Aussi le symbolisme qui s’attache à la Mona et les diverses pistes étymologiques de son nom plaident pour un syncrétisme religieux en contexte espagnol. 

 

Marie-Madeleine et les oeufs rouges

Une légende orthodoxe raconte que Marie-Madeleine quitta Jérusalem pour aller à Rome et demanda audience à Tibère pour lui reprocher la mort de Jésus. Tibère accepta de la recevoir. Seulement, l’usage voulait que l’on se présentât devant l’Empereur muni d’un cadeau et comme Marie-Madeleine n’en avait pas, elle prit avec elle un simple oeuf de poule. L’oeuf en main, elle lui décrivit les supplices de la crucifixion puis lui annonça que Jésus s’était libéré des entraves de la mort et était ressuscité. Consterné par l’exposé des faits, Tibère partit d’un rire sonore et se moqua de la crédulité de cette femme qui décidément lui faisait perdre son temps… Il lui dit : "il est aussi impossible que Jésus soit ressuscité que de voir votre oeuf changer de couleur!” et avant qu’il n’ait pu terminer sa phrase, l'oeuf entre les mains de Marie Madeleine devint complètement rouge devant le regard stupéfait de Tibère. 

Selon la légende, les œufs sont peints pour Pâques en souvenir de cet événement.

 

Des concours de Pâtisserie

La Mona est aussi un prétexte à des concours où les pâtissiers rivalisent d’inventivité. 

La Corporation des boulangers et pâtissiers de Valence (Gremio de Panaderos y Pasteleros de Valencia) organise ainsi chaque année un concours de friandises de Pâques (Concurso de Dulces de Pascua). La trente-troisième édition a eu lieu l’année dernière. Dix-huit boulangeries-pâtisseries de Valence et de la région se sont disputé la première place en finale. C’est finalement la pâtisserie Vincente García, située 6 Avenue de l’Antic Regne de València qui a remporté les quatre catégories du concours, en particulier celle de la meilleure Mona de Pascua de l’année.

 

Et pour finir avec une note d'humour et de bonne humeur, le dessin de l'artiste Serge Helhoc sur la rédaction de l'article en confinement !

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Illustration : Serge Helholc

 

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