Le nom de Borja, se prononçant avec un H aspiré à l’espagnole, et devenu Borgia en Italie, a défrayé la chronique de la Renaissance. À ce patronyme se joint une réputation des plus sulfureuses. Empoisonnements, meurtres, luxure, incestes… Mais sait-on que cette dynastie, qui a régné pendant un siècle sur Rome et fourni deux papes, est originaire de la région valencienne ?
Plus connue sous le nom latinisé Borgia, cette famille vient de la petite noblesse valencienne. Les ancêtres des Borgia sont issus de la ville de Borja en Aragon. Borja, à l’origine un toponyme qui provient de Borg - “tour” en arabe -, devient, au XIII ème siècle, un patronyme d’où est issu, donc, le nom de la famille.
D’origine trop modeste sans doute, ce nom est ensuite sujet à une élaboration légendaire familiale qui l’associe à la figure du taureau ("boarius" en latin). Représenté sur les armoiries de la famille, le taureau est censé symboliser la puissance et la fécondité, tandis qu‘Alfonso de Borja, futur pape Calixte III, fait rajouter sur le bord de l’écu huit flammes représentant les huit chevaliers Borgia - accompagnant le roi d’Aragon lors de la reconquête du royaume de Valence.
Calixte III, le premier pape Borgia
La famille Borja devient célèbre en participant à la Reconquista, c’est-à-dire à la reconquête des territoires occupés par les Maures sur la péninsule ibérique depuis le VIIIè siècle. Les Borja s'installent dans la ville de Xàtiva. Le premier Borja à se distinguer est Alfonso. Né en 1378, il profite de la protection du roi d’Aragon, Ferdinand, puis de son successeur, Alphonse le Magnanime, qui lui permet de faire des études de droit avant d’entrer dans les ordres. Alfonso Borja devient alors conseiller de ce roi et l’accompagne dans sa conquête du royaume de Naples.
En 1438, Alfonso rejoint son protecteur à Naples en compagnie de Fernando, le futur roi de Naples. La papauté ayant réintégré Rome après un long épisode à Avignon, Alfonso devient cardinal, puis aidé par le Magnanime, il est nommé en avril 1455, le premier pape Borgia sous le nom de Calixte III. Il a alors 77 ans et va faire de son neveu, le jeune Rodrigo Borja, l’évêque de Valence, puis cardinal, le second personnage du Vatican. C’est avec lui que toute la famille, désormais appelée Borgia, va s’installer à Rome.
Les palais des Borja en Espagne
En fait, la route sur les traces des Borja commence dans la ville de Gandia et prend fin à Valence. Gandia se situe à 60 kilomètres au sud de Valence. Elle est une ville à la gloire incommensurable, riche en histoire et en patrimoine culturel. Les Borja ont marqué cette ville de leur empreinte. En 1485, le cardinal Roderic (Rodrigo), futur pape Alexandre VI, achète le duché de Gandia pour son fils Pedro-Luis de Borja, premier duc de Gandia, ville connue pour sa splendeur à l’époque.
Après la mort de Pedro-Luis, son frère Juan lui succède. Le palais ducal connaîtra plusieurs réaménagements au cours des siècles, notamment avec la décoration baroque de la Galerie dorée. En 1890, lors d’une vente aux enchères, la Compagnie de Jésus en devient propriétaire et y entreprend d’importants travaux de restauration et une nouvelle décoration visant à rendre son lustre d’antan à l’édifice.
À Valence, il existe le palais des Borja, appelé également palais du Parlement ou encore palais de Benicarlo. Cette demeure aristocratique de style gothique fut l’une des résidences des ducs de Borja.
Une famille à la réputation effrayante
La famille, devenue Borgia en Italie, est un clan qui, si l’on en croit les mémorialistes, a passé son temps à tremper dans des complots, à commanditer des meurtres, à user de dagues et de poisons et à assumer une sexualité plus que sulfureuse - incestes, viols, etc. Pourtant, les historiens retiennent que les Borgia ont été également des mécènes lettrés et avisés, et que grâce à eux, le royaume de Valence a connu une période très prospère. Cette illustre famille a donné à l'Église pas moins de deux papes - Calixte III (1378-1458) et Alexandre VI (1431-1503) mais aussi un saint, Francisco de Borja (1510-1572). Marcher dans leurs pas, au cœur de la vieille ville de Valence, c’est aussi plonger dans la magnificence du XVème siècle et, en même temps, comprendre l’influence de cette maison prestigieuse sur la vie politique et commerciale de l’époque.
César Borgia revient en Espagne pour mourir
César Borgia (1475-1507), dont Nicolas Machiavel dédie son livre intitulé Le Prince (1532), est un redoutable stratège et un brillant guerrier. Le Vénitien Priuli écrit à son sujet : “Certains voudraient faire de César le roi de l’Italie, d’autres le voudraient faire empereur, parce qu'il réussit de telle façon que nul n’aurait le courage de lui refuser quoi que ce soit’.
La devise de César Borgia est "Aut Caesar aut nihil" (Ou César, ou rien).
Si l’ascension de César est fulgurante, à la mort de son père Alexandre VI, César est malade lui-même. Le nouveau pape Jules II (1443-1513) fait tout pour l’affaiblir. En 1504, il est livré au roi d’Espagne contre qui il a lutté avec Louis XII et est emprisonné à Chinchilla, puis à la forteresse de Medina del Campo. Il s'évade mais tombe peu après dans une embuscade. Il meurt au cours du siège de Viana le 12 mars 1507 à l’âge de 31 ans. Il est enterré dans l’église Santa Maria de Viana.
Que dire de la sulfureuse Lucrèce Borgia ?
Si, lors de sa pièce intitulée Lucrèce Borgia, Victor Hugo (1802-1885) ne ménage pas sa réputation, nous pourrions pour la défendre dire qu’elle a été un objet de jeux politiques ordonnés par son père et son frère. À 13 ans, Lucrèce Borgia (1480-1519) a dû épouser Giovanni Sforza pour des raisons diplomatiques, mariage annulé encore pour des raisons politiques, puis ses deux autres mariages ont été conclus sans son accord. Enfin, Lucrèce a été protectrice des arts. L’Arioste et Pietro Bembo la célèbrent. Elle a aussi été gouverneur de Spolète du vivant de son père. Elle meurt à 39 ans après avoir donné naissance à son neuvième enfant.
Le nom de la famille, qu’on l’écrive Borja ou Borgia, est un patronyme qui a fait couler beaucoup d’encre et de sang selon les témoins de cette époque troublée… Honni des familles italiennes, cette famille d'origine espagnole va progressivement fabriquer un immense territoire et une influence majeure. César avait pour ambition d’unifier l’Italie. Chacun des membres de cette illustre famille va s'enrichir considérablement et tuer tous ceux qui s'opposent à son ascension. Chacun est capable, pour des raisons politiques, de retourner des alliances, d’installer tous les membres de sa famille à des postes stratégiques (népotisme) et de pratiquer la simonie (acheter et vendre des biens spirituels).