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Jimmy Pelletier, un tour du monde porté par l’amour et l’équipe

Paraplégique depuis l’âge de 19 ans, Jimmy Pelletier s’est lancé un défi extraordinaire : faire le tour du monde en vélo à main. Mais derrière chaque kilomètre, il n’est jamais seul. À ses côtés, sa compagne Manon pédale, veille et organise, et une petite équipe, formée de Mario, ses amis ou des bénévoles, l’accompagne à chaque étape. Ils filment, réparent, tracent les routes et partagent tous la même devise : pédaler pour la bonne cause, pas pour la gloire.

Jimmy et ManonJimmy et Manon
@Jimmy Pelletier
Écrit par Lena Jappert
Publié le 28 octobre 2025, mis à jour le 29 octobre 2025

À 19 ans, survivre ou s’adapter

En août 1996, après une soirée entre amis, Jimmy Pelletier s’endort au volant. L’accident est violent et irréversible : il devient paraplégique à seulement 19 ans. Face à ce nouveau départ brutal, deux chemins s’offrent à lui : subir ou s’adapter.

« Je pouvais devenir une victime, me plaindre toute ma vie, ou apprendre à vivre autrement et m’épanouir. J’ai choisi la deuxième option », confie-t-il simplement.

Huit mois plus tard, il est déjà de retour sur la ligne de départ, en fauteuil.

 

« J’ai commencé avec un 10 kilomètres, puis un marathon, puis un autre. Le sport m’a redonné confiance. S’entraîner, c’était bon pour tout : pour le corps, mais surtout pour la tête. »

Le sport devient son double moteur : physique et psychologique. De la course au ski de fond, il enchaîne les défis, réalise les standards pour les Jeux paralympiques de Turin en 2006, et devient une figure du parasport canadien. De retour au Québec, il adopte sa fille, s’investit dans le bénévolat auprès de personnes handicapées ou malades, et comprend qu’aider les autres lui apporte autant d’énergie que faire du sport. Peu à peu, il délaisse la compétition pour se consacrer à des défis personnels, solidaires et profondément humains.

 

Jimmy pelletier tour du monde
Crédit photo : Jimmy Pelletier

 

Manon, sa partenaire de vie et de route

Quelques années plus tard, tout bascule à nouveau, mais cette fois, pour le meilleur. C’est lors de la “Randonnée Jimmy Pelletier”, un événement caritatif qu’il a lui-même lancé au Québec, que Jimmy croise la route de Manon, enseignante, sportive et passionnée d’aventure. 

 

« Je m’étais inscrite à sa randonnée sans le connaître, raconte-t-elle en souriant. Je ne savais pas que j’allais m’inscrire dans sa vie aussi. »

Manon n’est pas simplement une compagne : sur son vélo, elle pédale juste devant ou juste derrière lui, selon les conditions. Jimmy, lui, est presque allongé sur son handbike, à moins de dix centimètres du sol, ce qui rend sa vision limitée.

« Moi, je suis couché, je vois surtout le bitume devant moi. Alors Manon, elle, voit tout. Les voitures, les virages, les ronds-points... Elle m’avertit, elle m’ouvre la route. »

Quand ils traversent une ville, c’est souvent elle qui sécurise les carrefours, s’assure que les automobilistes les voient, ou signale les obstacles par des gestes ou un simple mot. Leur coordination est instinctive. À deux, ils ont inventé leur propre langage de route, un mélange de confiance et d’intuition. En dehors du vélo, Manon continue de veiller. Elle gère les itinéraires, la communication, le matériel, les publications quotidiennes, les repas improvisés… 

 

« L’adaptation, c’est le mot de notre vie », dit souvent Jimmy.

Une philosophie que Manon incarne dans les moindres détails : quand la route monte, quand la pluie tombe, quand il faut soulever le vélo ou improviser un dîner sur le bord du chemin. Elle est à la fois le phare, le soutien et l’équilibre.

 

Manon avec un vélo face à la mer
jimmypelletier.com
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L’équipe qui roule avec eux

Derrière Jimmy et Manon, il y a toute une petite équipe sans laquelle cette aventure n’existerait pas. Pas une équipe au sens “pro” du terme, mais une vraie famille de route. Au centre de cette organisation humaine, nous retrouvons Mario Légaré, directeur de l’organisme Adaptavie, qui est bien plus qu’un coéquipier : c’est le bras droit, le cerveau logistique, il  trouve toujours une solution. Il gère les itinéraires, les hébergements, les contacts avec les ambassades, les partenaires et la communication. Sur la route, il conduit la voiture suiveuse, filme, change les pneus, transporte les bagages et veille à ce que tout fonctionne.

Autour de lui, des amis, des cyclistes et des bénévoles se relaient à chaque étape. Certains viennent pour quelques semaines, d’autres pour plusieurs mois. Tous partagent la même énergie : celle d’aider.

 

« Ce projet, c’est un peu un village ambulant, explique Mario. Tout le monde s’y met : un jour tu es mécano, le lendemain cuisinier ou caméraman. »

Sur la route, la répartition est simple : Jimmy pédale, Manon guide, Mario assure la sécurité et la logistique. Quand une roue crève, on la change en silence. Quand la météo tourne, on ajuste le plan. Quand la fatigue tombe, on se regarde, on respire, et on repart. Tout est dans l’adaptation. Car au fond, cette aventure est bien plus qu’un exploit sportif : c’est une leçon de solidarité en mouvement, une démonstration de ce que peut accomplir une équipe soudée autour d’une même cause.

 

Une aventure humaine avant tout

Ce tour du monde, Jimmy le répète souvent, n’a rien d’une course. Il avance à son rythme, deux jours de route, un jour de pause, sans chrono et sans podium.

« Le but, c’est pas d’être le plus vite, c’est d’y arriver ensemble », affirme-t-il.

Chaque semaine, ils enchaînent environ 400 kilomètres, parfois plus ou parfois moins selon la météo et les imprévus. Les journées commencent tôt, souvent avant le lever du soleil. Les paysages changent, mais l’esprit reste le même : avancer, coûte que coûte, en gardant un objectif en tête : montrer que tout est possible, et rouler pour ceux qui ne le peuvent pas. Parfois, la journée se termine tard et il faut trouver un logement accessible, décharger les vélos, préparer le repas, vérifier la météo du lendemain. Rien n’est laissé au hasard, mais tout est sujet à l’imprévu.

« On se trompe au moins une fois par jour », rigole Mario. « Une route barrée, un GPS capricieux, un détour imprévu… mais on finit toujours par y arriver. »

Dans ces moments-là, la bonne humeur et la positivité sont primordiales pour ne pas baisser les bras.

 

Manon et Jimmy durant le tour du monde
Crédit photo : Jimmy Pelletier​

Pédaler pour une cause

Si Jimmy et son équipe parcourent le monde, ce n’est pas seulement pour le défi sportif : c’est pour financer la construction d’un centre de sport adapté à Québec, un lieu inclusif pour les personnes en situation de handicap, porté par l’organisme Adaptavie. Chaque kilomètre parcouru peut être “acheté” symboliquement pour un dollar canadien.

« On roule pour ceux qui ne peuvent pas, résume Jimmy. Et on veut leur construire un endroit où ils pourront, eux aussi, bouger, s’entraîner, retrouver de la liberté. »

Sur le site du projet, les visages défilent : enfants, adultes, anciens athlètes, familles. Tous ont un point commun : le besoin de bouger, de se sentir inclus. Ce centre, Jimmy en parle avec des étoiles dans les yeux. Ce n’est pas une promesse abstraite, c’est la suite logique de tout ce qu’il a construit depuis vingt ans.

 

Le tour du monde continue !

Au moment où l’on écrit ces lignes, ils ont déjà parcouru plus de 7.000 kilomètres, traversé plusieurs pays européens, et s’apprêtent à mettre le cap sur l’Australie avant de continuer vers l’Asie et l’Amérique du Sud. Leur aventure est suivie chaque semaine par des milliers de personnes et leurs vidéos, pleines de rires et de sincérité, récoltent beaucoup de vues. Mais au-delà des chiffres, c’est le lien humain qui compte. À chaque étape, des rencontres, des sourires, des repas partagés. Des gens qui les accueillent ou qui pédalent un bout de chemin avec eux.

 

« J’ai beaucoup de chance. Parce que je ne roule jamais seul. », résume Jimmy. 

Leur voyage, c’est une succession de moments vrais, d’efforts partagés et de bonheur.

 

Jimmy, Manon, Mario et Lena à Valencia
Crédit photo : Jimmy Pelletier

 

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