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À la force des bras : le tour du monde bouleversant de Jimmy Pelletier

Ces jours-ci, Jimmy Pelletier fend le vent sur les routes d’Espagne. L’ancien paralympien québécois s’est lancé dans un tour du monde de deux ans en vélo à main, avec un objectif bien précis : financer la construction d’un complexe de sport adapté à Québec. Nous l’avons rencontré il y a un peu plus d’une semaine en Catalogne, entre deux étapes d’une aventure où chaque kilomètre compte — au propre comme au figuré.

jimmy pelletier et son vélo à mainjimmy pelletier et son vélo à main
Crédit photo : Jimmy Pelletier - DR
Écrit par Paul Pierroux-Taranto
Publié le 5 octobre 2025

Sous le soleil d’Espagne, Jimmy Pelletier avale les kilomètres. Son vélo à main trace sa route entre la Méditerranée et les plaines de Castille, porté par une cadence implacable : cent bornes par jour, parfois plus. Parti le 27 juin, l’ex-paralympien québécois s’est lancé dans un tour du monde hors norme. 

Les 400 premiers kilomètres ont été bouclés à Québec, aux côtés de 112 cyclistes venus prendre part à sa randonnée annuelle. Puis cap sur Londres, pour un périple à travers l’Angleterre, le pays de Galles, l’Irlande et l’Écosse. Aujourd’hui, c’est l’Espagne qu’il traverse, fidèle à sa devise : « Dans la vie, on a toujours le choix de survivre ou de s'adapter. »

 

Jimmy Pelletier et sa femme Manon
Crédit photo : Jimmy Pelletier - DR / Jimmy Pelletier et sa femme Manon

 

Le sport, comme seconde naissance

Et Jimmy parle en connaissance de cause. Jeune, il a vu sa vie basculer dans un accident de la route. « À 19 ans, tu es dans la fleur de l’âge. Tu perds tes jambes, tu ne peux plus marcher, plus courir, plus faire de sport… Cela a été difficile. » 

Puis vient le déclic. « J’ai décidé de m’adapter à ma nouvelle condition. » À partir de là, tout s’enchaîne. L’athlétisme en fauteuil roulant d’abord, les marathons ensuite — dont celui de Boston, gravé dans sa mémoire. « Ça m’a donné confiance. En fauteuil, la confiance, c’est tout ». 

Paralysé au-dessus du nombril, Jimmy apprend à reconstruire sa vie, geste après geste, course après course. Après avoir intégré l’équipe canadienne de ski de fond assis, il participe aux Jeux paralympiques de Turin en 2006, et enchaîne les compétitions européennes. « L’hiver, en fauteuil, tu ne vas pas loin. Le ski me permettait d’aller dans la forêt », glisse-t-il, comme une évidence.

Quelques années plus tard, c’est sur un tout autre terrain qu’il brille : en 2012, il décroche une 11ᵉ place mondiale en vélo à main. La trajectoire semblait tracée vers Rio. Mais au moment de viser les Jeux, Jimmy bifurque. Il renonce à la compétition pour s’occuper de sa fille. « Je trouvais que c’était important de rester avec elle. » Choix qui dit déjà tout de son échelle de valeurs.

 

jimmy pelletier lors de son tour du monde
Crédit photo : Jimmy Pelletier - DR

 

De la sueur et du cœur

Car le dépassement de soi, Jimmy ne l’imagine pas sans partage. Dès ses 23 ans, il s’investit dans le bénévolat auprès de jeunes en situation de handicap, leur apprenant à jouer au tennis ou à rouler à vélo. En 2007, il se lance un défi : relier Québec à Baie-Comeau. Un exploit sportif, mais aussi un coup de fil après l’autre depuis son téléphone pour convaincre les entreprises de donner… Résultat : 79.000 dollars récoltés. Une conviction s’impose alors : l’effort individuel peut devenir levier collectif.

En 2015, l’intuition prend corps avec la naissance de la Randonnée Jimmy Pelletier, rendez-vous cycliste devenu incontournable. Neuf éditions plus tard, plus de 2,6 millions de dollars ont été reversés à des associations locales, dont Adaptavie, qui accompagne les personnes handicapées et autistes. « Les appareils de sport adaptés coûtent très cher, et souvent il faut un accompagnement un par un. Adaptavie, ça change des vies », insiste Jimmy.
 

L’appel de la route

En quête constante de nouvelles cimes, Jimmy s’attaque en 2018 au Kilimandjaro. À bord d’un vélo adapté, aidé de cordes et de planches bricolées pour franchir les passages les plus abrupts, il grimpe jusqu’au sommet, à 5.895 mètres. 

L’année suivante, il change d’horizon. Soixante-cinq jours d’effort, 7.200 kilomètres avalés à travers le Canada, soit une moyenne de 125 kilomètres par jour. À l’arrivée, il ne célèbre pas. Il écoute. « Quand j’ai fini la traversée du Canada, il y a une voix qui m’est venue. »
 

J’ai dit à ma sœur : je vais faire le tour du monde. 

 

Treize étapes, vingt-quatre mois, des milliers de kilomètres au compteur. De l’été australien à la saison sèche thaïlandaise, du printemps marocain à l’automne québécois, le voyage suit la course du soleil. Une halte symbolique aura lieu à Versailles, où une trentaine de cyclistes viendront rouler à ses côtés.

 

jimmy pelletier
Crédit photo : Jimmy Pelletier - DR

 

À deux, contre le vent

Depuis le 27 juin, le tempo est implacable : plus de 400 kilomètres par semaine, à 20 km/h de moyenne. Ses vrais adversaires ne sont pas les cols, mais le vent et la monotonie des lignes droites. « Quand tu montes, tu sais que tu vas redescendre. Mais quand tu es toujours dans le vent, ça use. » En Espagne, la route a pourtant un autre goût. « Ici, on n’a pas entendu un seul klaxon. On ne ressent pas de stress derrière nous. Ce n’est pas le cas partout… »

À ses côtés, Manon, “sa blonde”, veille sur tout. Elle pédale, aide, organise. « Des fois, quand il faut se retourner, elle débarque du vélo, elle me prend les jambes et me tourne. Ça va plus vite. » Avec leur petite équipe, elle gère la logistique, les bagages, les logements, les repas. « Une aide essentielle ». 

Deux personnes les accompagnent en permanence, chargées de tout ce que le couple ne peut pas faire sur la route. « L’épicerie, les bagages, les accès, la chaise roulante… plein d’affaires », résume-t-il. « L’acceptation passe par l’adaptation au moment présent. Il y a toujours quelque chose à faire… mais grâce à eux, on est là, on existe encore. »

 

Quand chaque kilomètre devient un don

Derrière l’effort, le sens a toujours été clair  : chaque kilomètre compte, au propre comme au figuré. L’objectif est clair — financer à Québec la construction d’un complexe de sport adapté de dernière génération. Pour y parvenir, chacun peut « acheter des kilomètres » : dix dollars canadiens, soit environ six euros, par kilomètre parcouru.

De grandes entreprises ont déjà répondu présent, mais Jimmy mise avant tout sur la force du collectif. « Moi, je le fais en fauteuil roulant. C’est ma façon de redonner. » Car comme le dit le proverbe américain : « Quand la vie nous donne des citrons, il faut en faire de la limonade ». 

 

MR Maël Solen picard délégué du Québec, Mme Paul pierroux-taranto , Jimmy,Manon,Pierrette et Thierry
M. Maël Solen Picard délégué du Québec, Mme Paul Pierroux-Taranto, rédacteur en chef lepetitjournal.com Espagne, Jimmy Pelletier, Manon,Pierrette et Thierry. 

 

Pour soutenir le projet, cliquez sur ce lien : chaque kilomètre du Tour du monde peut être acheté pour 10 $ CAD (≈ 6 €) afin de financer le futur complexe adapté de Québec. 

 

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