Les sculptures d’Antoni Miró au cœur d’une polémique sur le port

A première vue, ce sont des sculptures qui s’inspirent des vases de la Grèce antique qui sont apparues sur le port de Valencia il y a quelques jours. Mais en y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’elles représentent des scènes sexuellement explicites suscitant l’incompréhension des habitants du quartier et plus largement, de l’Espagne toute entière. Depuis, la polémique enfle à Valencia. Explications.
A l’origine, une exposition pour l’inauguration d’un nouveau centre culturel, La Base
Depuis plusieurs jours, une dizaine de grandes sculptures métalliques noires ont été installées à la Marina de Valencia, entre les bâtiments Veles e Vents et Alinghi. Ces œuvres sont celles d’Antoni Miró, un artiste de 74 ans originaire d’Alcoy dans la province d’Alicante, et représentent des scènes érotiques : couple en posture de sodomie, femme se masturbant, fellation … Rien de bien choquant pour l’artiste, peintre plus que sculpteur, dont l’avant-dernière collection était consacrée au nu.
Initialement, cette série de sculptures appelée « Suite erótica », qui fait partie d’une exposition plus large comprenant plusieurs séries d’œuvres de l’artiste alcoyano, avait été choisie par la Présidence de la Generalitat dans le cadre de l’inauguration d’un nouvel espace créatif et culturel, La Base, situé dans l’ancien bâtiment de l’équipe Suisse de voile utilisée pour la Copa America. Cette exposition, qui sera inaugurée le 25 septembre, doit se tenir jusqu’au 30 décembre.
Au mauvais endroit au mauvais moment ?
Peu de temps la mise en place des statues sur le port, des voix se sont élevées pour dénoncer leur présence sur un passage très fréquenté par les Valenciens et les touristes, et surtout par les enfants.
Ainsi, Vicente Morro, le délégué valencien de l’association Foro de Familia qui regroupe les principales organisations espagnoles liées à la famille, a exigé le 18 septembre dans un communiqué de presse, le retrait immédiat de ces sculptures : « L'exposition publique de ces figures représentant une fellation, la masturbation, les organes génitaux et reproduisant diverses pratiques sexuelles, au contenu sexuel explicite et de goût très douteux, pourrait violer la loi organique 1/1996 du 15 janvier concernant la protection juridique du mineur, en les exposant, sans aucune protection, information préalable ou avertissement, à des scènes inadaptées à leur âge et sans que les parents qui souhaitent pouvoir se déplacer librement dans la zone puissent éviter leur visualisation » explique Vicente Morro.
Un choix d’exposition et d’emplacement qui contraste d’autant plus avec le fait que le bâtiment Alinghi avait accueilli les migrants à la dérive de l’Aquarius en juin dernier.
L’artiste et la municipalité de Valencia défendent les œuvres
Interrogé par l’agence de presse espagnole EFE, Antoni Miró a déclaré que la présence de ces sculptures sur le port pouvait être « une magnifique occasion pour parler avec les enfants de la sexualité » précisant qu’il est « toujours positif de parler, de discuter et de voir que beaucoup de gens abordent cette question normalement, que peu souhaitent rester ignorants. » Il a par ailleurs ajouté que cette polémique était une “idiotie” (« tonteria ») et que « ce sont des images que les Grecs peignaient il y a 2500 ans sur les pots en céramique qu'ils utilisaient quotidiennement ».
Un avis partagé par Fernando Castro, le commissaire de l'exposition qui a lui aussi exprimé son étonnement face à la controverse et jugé que les gens « semblent plus préoccupés par l'érotisme, que la corruption ou le terrorisme » ajoutant qu’avec « la quantité de choses qui peuvent offenser dans notre présent, si nous nous scandalisons des images qui reproduisent les gravures du berceau de la civilisation de la Grèce et de la Rome impériale, nous n’avons plus qu’à éteindre et à partir ».
Enfin, le Maire de Valencia, Joan Ribó, s'est exprimé et a rappelé que « dans de nombreux musées en Italie et ailleurs, vous pouvez trouver des représentations de ce type et peu se plaignent, pour ne pas dire personne». « Nous pensons que cela peut être discutable pour certains, pour d'autres, c'est une question totalement normalisée », a-t-il ajouté.
Le choix de cette série de sculptures pour annoncer l'inauguration d'un nouveau centre culturel à Valencia, peut paraître très curieux voire (dé)culotté par les instances officielles. Serait-ce une volonté de braquer les projecteurs nationaux et internationaux sur la ville ? Pari gagné puisque tout le monde en parle !