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UNIVERSITE - Laurea, l’époque du laurier

 

Accomplissement de plusieurs années d'études, le diplôme universitaire ou laurea se fête en grande pompe à toutes les époques de l'année, comme un trait d'union vers l'âge adulte. La nouvelle génération d'Italie, célébrée au champagne et couronnée de laurier, s'avance souriante vers un avenir incertain.

?Dottore !?
Immanquables aux portes des universités, de jeunes étudiants posent la tête ornée de la couronne de Dante, aux côtés de parents illuminés de fierté. Ce sont les laureati, à peine remis d'une soutenance de thèse concluant trois années de licence ou deux années de spécialisation, selon le système européen instauré en 2002. Les voilà heureux d'entendre le bruissement des feuilles  au-dessus de leur tête, comme le murmure de l'effort récompensé - ils sont prêts à se faire appeler ?dottore?.

Le mot laurea lui-même est décliné du mot latin indiquant la plante aux baies rouges. Elle était décernée en signe de dignité aux plus grands poètes de l'histoire. L'apparat a ensuite récompensé les jeunes médecins quittant l'université, au Moyen-Âge. Encore une fois, le penchant naturel du système éducatif italien vers la valorisation des lettres est souligné. Il s'agit d'un pays où le lycée classico concentre les plus studieux et où l'histoire de l'art est une discipline obligatoire dans tous les établissements scolaires. Le lauréat décrochant son diplôme rend honneur à Pétrarque, Dante ou Jules César en portant le symbole antique du génie et du triomphe: la couronne. En France le mot ?baccalauréat? proviendrait directement des termes ?baies de laurier?.

Ces remises de diplômes fleuries sont arrosées au champagne en famille sur les marches des écoles, puis noyées dans la vodka entre amis à la nuit tombée. Symboliques et émouvantes, elles sont partie intégrante d'une tradition très ancienne qu'ont perpétué 307.000 Italiens de moins de 34 ans en 2012.

Après l'effort?
? Nul réconfort? Les statistiques concernant la génération actuellement couronnée inquiètent les médias et s'avèrent assez décourageantes. Les chiffres indiquent tout d'abord le retard du pays dans le domaine éducatif, à l'échelle du continent et du monde. La moyenne européenne de jeunes diplômés d'Europe en 2011 est de 34,6%. L'Italie en compte seulement 21,7%, tandis que la Grande-Bretagne et la France remportent la palme, affichant les chiffres respectifs de 45,8% et 43,4%.

L'enseignement et la recherche ont été déclarés priorités européennes en 2011 pourtant l'Italie, en dernière position, s'affranchit des avancées communautaires. Selon la Commission européenne l'abandon scolaire en est le premier motif. Il touche 18,2% des étudiants en Italie pour 13,5% en moyenne par pays européen.

Loin d'être livrée à une unique bataille, la Péninsule affronte également ses propres limites. Le chômage est devenu l'épée de Damoclès qui menace chaque année plus dangereusement les jeunes Italiens. Il ne concerne pas moins de 34,5% des 15-24 ans, tranche la plus affectée de la population. Conséquence à la fois logique et contradictoire, la laurea séduit de moins en moins d'Italiens. Les jeunes comprennent que la récompense universitaire n'est plus une vraie garantie ou perdent espoir et patience. Ils seront entre 16 et 18 millions de laureati à manquer à l'appel en 2020, soit 11% de moins qu'aujourd'hui. L'Italie nage à contre-courant.

La vie devant soi

Les conséquences du paradoxe sont variées. Ce déséquilibre croissant entre offre et demande d'emplois s'annonce positif selon les domaines, au regard des prochaines années. Ingénieurs, banquiers, informaticiens, mécaniciens et économistes trouveront leur place au sein d'un pays qui les demande.

Autre constat ?positif?: les dames ont l'honneur de redresser les données. La différence de sexe est même flagrante en termes de diplômes. Elles ont été 26,3% des femmes pour 17,2% des hommes à s'estimer laureate en 2012. Ceux qui s'opposent aux revendications féministes ? concernant la parité politique par exemple ? perdent un argument.

Un seul effet concentre toutes les filières et trouble les statistiques: les jeunes s'échappent. Ils sont de plus en plus nombreux à traverser les frontières. Ils étaient 11,9% en 2002, ils sont 27,6% en 2011 à s'envoler vers de nouveaux horizons. Réciproquement, les émigrés italiens sont principalement les laureati. Il s'agit sans nul doute d'un phénomène de fuite des cerveaux, vers le Royaume-Uni et l'Allemagne en particulier. À quand le jour où la couronne de laurier sera discernée à Berlin?

Camille de FOUCAULD (www.lepetitjournal.com/rome) - Jeudi 25 avril 2013.

Source photo : floriatrieste.it et wikimédia.org (Dante par Botticelli)

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