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BENOIT XVI – Le Vatican embarrassé par la démission du Pape?

Écrit par Lepetitjournal Turin
Publié le 1 janvier 1970, mis à jour le 18 février 2013

 

En annonçant sa démission, Benoît XVI a surpris le monde entier car la fin d'un pontificat était jusque-là lié à la mort de son titulaire. Sur le départ, le Pape révolutionne la conception que d'autres se font de son rôle. Alors que l'Eglise semble traverser une crise, la vieillesse du Pape est-elle la seule raison de son départ ?

Crédits : prezydent.pl, Wikimedia Commons

"Je n'ai plus la force, pardonnez-moi"
Arguant du fait que ses 85 ans l'empêchent de continuer sa charge avec toute l'efficacité nécessaire, Benoît XVI a annoncé lundi 11 février sa démission, lors du consistoire pour la canonisation des martyrs d'Otrante. Le Saint-Père a surpris les cardinaux présents tant sa décision était inattendue. Les 1,2 milliard de catholiques à travers le monde attendent désormais l'élection de leur nouveau chef spirituel. A l'instar de Célestin V dont le cas de renonciation en 1294 était jusque-là inédit, le Pape quitte ses fonctions avant que le glas n'ait sonné.

Humble, Joseph Ratzinger de son nom de baptême, s'est ainsi affranchi des coutumes et a imposé une vision moderne de sa fonction. Si le porte-parole du Vatican affirme qu'il ne souffre pas d'une maladie grave, un pacemaker aide toutefois son c?ur fatigué. La vieillesse a eu raison de sa détermination. La fin tragique de Jean-Paul II, paralysé par la maladie de Parkinson, a convaincu Benoît XVI que l'Eglise ne pouvait plus légitimer un gouvernant qui n'est que l'ombre de lui-même.

La démission du Pape s'explique également par son peu d'affection envers les obligations médiatiques, pourtant inhérentes à sa charge. Homme de l'ombre, le théologien a toujours préféré écrire des encycliques et prier à l'abri des regards. Son dernier livre, L'enfance de Jésus, laissait d'ailleurs entrevoir sa volonté de se retirer sereinement. Si un compte Twitter a été lancé en décembre dernier afin que l'Eglise épouse l'ère du numérique, Benoît XVI a pourtant fui l'instantanéité des réseaux sociaux. Refusant la surenchère médiatique d'une conférence de presse ou d'une audience devant les pèlerins, le souverain pontife a préféré un texte laconique en latin pour annoncer sa démission.

Un vrai-faux moderne
Défenseur des dogmes, Benoît XVI est souvent apparu plus rétrograde que son prédécesseur. En 2009, sa main tendue vers quatre évêques intégristes, dont le négationniste Richard Williamson, a été le symbole controversé de son conservatisme. La même année, le souverain catholique affirmait que l'utilisation du préservatif aggravait la prolifération du virus du Sida lors d'une visite au Cameroun.

Homme de contradictions, Benoît XVI a pourtant soutenu en 2010 que ce moyen de protection contre les MST était envisageable dans des cas exceptionnels, citant l'exemple d'une personne prostituée. Parfois progressiste, il a ainsi été le premier Pape à se rendre au camp nazi d'Auschwitz et a veillé au rapprochement des religions monothéistes. Le Saint-Père, durant ses huit années de pontificat, a été salué pour son intransigeance face aux scandales de son institution. L'omertà sur les affaires de pédophilie a ainsi été brisée. Appelant à une plus grande transparence au sein du clergé, le Pape a demandé pardon aux victimes lors d'une messe en 2010.

Fortement animé par la morale de son magistère, Benoît XVI a également veillé à assainir la corruption au Vatican. Les "conspirationnistes" qui foisonnent sur Internet, affirment même qu'un tel volontarisme l'a conduit à une démission forcée. Fait troublant appuyant leurs dires, les paiements par cartes bancaires ont été rétablis dès le lendemain de l'annonce de la démission du Pape. Ils avaient en effet été interdits six semaines auparavant pour lutter contre le blanchiment d'argent. Comme Neil Armstrong qui n'aurait jamais marché sur la lune, le départ de Benoît XVI n'est pas épargné par les théories du complot, souvent peu crédibles mais étayant son mythe.

Habemus Papam

Benoît XVI laisse derrière lui une Eglise partagée, tourmentée par l'obligation de se moderniser face aux changements sociétaux mais risquant d'étioler le message spirituel qui dicte le comportement de ses fidèles. Lors de la messe des Cendres, mercredi 13 février, le Pontife démissionnaire s'est montré dur envers les siens, regrettant que "le visage de l'Eglise (soit) parfois défiguré". Le Saint-Père est allé jusqu'à dénoncer "l'hypocrisie religieuse, le comportement de ceux qui veulent paraître et les attitudes qui recherchent les applaudissements et l'approbation".

118 cardinaux âgés de moins de 80 ans sont désormais chargés d'élire le nouveau Pape. Le conclave devrait commencer le 15 mars bien que les fêtes de Pâques pourraient inciter le Vatican à désigner son chef plus tôt. Les autorités italiennes et vaticanes attendent donc des milliers de fidèles sur la place Saint-Pierre, impatients de guetter la fumée blanche intronisant leur prochain guide. Le maire de Rome, Gianni Alemanno, réclame d'ailleurs 4,5 millions d'euros au gouvernement pour accueillir convenablement et en toute sécurité les pèlerins. La liste des éligibles à la fonction d'éminence religieuse se précise. En signe de renouveau, l'Eglise pourrait choisir un pontife africain ou sud-américain, à l'image de la majorité de ses adeptes.

Le Ghanéen Peter Turkson et l'Argentin Leonardo Sandri sont donc donnés favoris. Parmi les papabili, le cardinal québécois Marc Ouellet se targue de sa renommée internationale. Chez les Italiens, Angelo Scola, est considéré comme le dauphin de Benoît XVI. L'archevêque de Milan est loué pour ses talents de rassembleur alors que le Vatileaks a mis en lumière les divisions de la curie vaticane. Les bookmakers qui proposent déjà de miser sur l'issue du vote doivent cependant se méfier de l'adage romain selon lequel "qui rentre Pape au conclave en ressort cardinal" . Une chose est sûre, Benoît XVI enlèvera le 28 février prochain des habits papaux trop grands pour lui et redeviendra le discret Joseph Ratzinger. Ayant décidé de se retirer dans le monastère Mater Ecclesiae, l'ecclésiastique s'enfermera de nouveau dans le mutisme ascétique qui l'a conduit à marquer l'histoire.

Martin CANGELOSI (www.lepetitjournal.com/Rome) - mardi 19 février 2013

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