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HISTOIRE - Ibn Khaldoun, le sociologue

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IBN KHALDOUN
Écrit par Lepetitjournal Tunis
Publié le 18 février 2020, mis à jour le 19 février 2024

Abou Zeïd Abderrahman Ibn-Khaldoun, surnommé Ouéli ed-Din, est un historien, littérateur et philologue, né à Tunis le 27 mai 1332 (732 de l'hégire ) et mort au Caire, le 17 mars 1406. Considéré comme l'inventeur de la sociologie, il a été l'un des premiers théoriciens de l'histoire des civilisations

Sa famille, originaire du Yemen, s'était fixée d'abord à Séville où elle avait occupé une importante situation, puis elle était venue s'établir à Tunis auprès des princes Hafsides qui lui prodiguèrent des marques de leur bienveillance et lui confièrent de hauts emplois. Son père renonça finalement à la carrière politique pour devenir mufti. Il participa largement à l'éducation de son fils : arabe classique, Coran, philosophie, mathématiques ... également à travers les travaux d'Avicenne, d'Averroès et d'Al-Razi. À l'âge de 17 ans, Ibn Khaldoun perd ses deux parents suite à l'épidémine de la peste qui frappa Tunis.

Ibn Khaldoun fut attaché au général Mohammed, fils de Tafarkin, qui exerçait une autorité presque indépendante à Tunis. En 1352, il entre au service du cinquième prince de la dynastie des Hafsides, le sultan Abou-lshaq-Ibrahim, en qualité de secrétaire. Son emploi consistait à écrire la devise du prince, en gros caractères sur les actes du gouvernement.

Très sollicité pour son intelligence hors du commun et la beauté de son écriture, il fut engagé par le souverain de Fès Abou Othman, puis Abou Salem.

Il partit ensuite en Espagne, puis Bejaïa et Tlemcen, tantôt ambassadeur ou premier ministre, tantôt disgracié et jeté en prison.

Une vie mouvementée

Finalement, Ibn Khaldoun se retira en 1374 dans une de ses terres près de Tiaret et là il composa ses Prolégomènes. Pour finir la rédaction de son Histoire universelle, il se rend à Tunis consulter les ouvrages dont il avait besoin, puis poursuivit sa route dans le même dessein jusqu'à Alexandrie, en 1382, et de là au Caire, où il fixa sa résidence et enseigna publiquement dans divers collèges.

En 1384, le sultan d'Égypte et de Syrie, Barkouk, nomma Ibn Khaldoun chef des cadis malékites en Égypte. Son intégrité, qui le portait à n'avoir, dans l'exercice de ses fonctions, aucun égard aux recommandations et sollicitations des hommes puissants, lui fit des ennemis; et le sultan, cédant à leurs instances, le destitua en l'année 1385.

En 1398, il fut de nouveau promu à la même charge, et l'occupa jusqu'à 1400. Il fut alors destitué par le sultan Faradj, successeur de Barkouk, puis restitué un peu plus tard. Il mourut, en possession de cette magistrature, dans les derniers jours de ramadan (1406), âgé de soixante-seize ans.

L'oeuvre d'Ibn Khaldoun

Il est décrit par Arnold Toynbee comme celui qui « a conçu et formulé une philosophie de l'Histoire qui est sans doute le plus grand travail qui ait jamais été créé par aucun esprit dans aucun temps et dans aucun pays.» .

L'islamologue et orientaliste français affirme que «Son discours sur l'Histoire Universelle, annonce trois siècles à l'avance celui de Bossuet (1627-1704), avec son ?uvre portant le même titre".

Ibn Khaldoun dit dans sa Préface : ?Notre propos actuel est d'une conception nouvelle, c'est une science indépendante, dont l'objet spécifique est la civilisation humaine et la société humaine.? Il s'agit pour ibn Khaldoun, d'étudier la nature de la civilisation, à savoir : La vie sauvage et la vie sociale, les particularismes dus à l'esprit de clan et les modalités par lesquelles un groupe humain en domine un autre ; ce qui le conduit à examiner la naissance du pouvoir, des dynasties et des classes sociales, des professions lucratives et des manières de gagner sa vie, enfin des sciences et des arts. Articulée en 6 grands chapitres, c'est une somme des connaissances de son temps que nous livre ainsi le lointain précurseur de nos encyclopédistes. 

Considéré comme l'un des plus grands penseurs en Islam, Ibn Khaldoun est l'auteur d'une ?uvre monumentale qui rayonnera, des siècles plus tard, bien au-delà du monde musulman. Le Livre des exemples (ou Livre des considérations sur l'histoire des Arabes, des Persans et des Berbères), daté de 1375-1379, est incontournable de son oeuvre. Regroupé en sept tomes, il s'agit d'une ?uvre considérable à laquelle personne n'a songé avant lui et qui transcende largement son époque. Le fruit d'une démarche quasi encyclopédique, quatre siècles avant celui des Lumières en Occident. Portant à l'origine sur l'histoire des Berbères, Ibn Khaldoun élargit finalement son champ d'étude pour embrasser une histoire plus universelle. Le tome I, le plus connu de tous, est la Muqaddima (Prolégomènes en français), qui se lit comme une préface théorique au Livre des exemples et que certains considèrent comme le premier essai de réflexion philosophique sur l'Histoire. Les tomes II à V retracent, eux, l'histoire de l'humanité jusqu'à l'époque de l'auteur. Enfin, les tomes VI et VII traitent de l'histoire des peuples berbères et du Maghreb. Au final, le texte livre une pensée très moderne et une réflexion profondément universelle. En effet, nombre des questions qu'Ibn Khaldoun s'est posées à l'époque, en particulier, sur la religion sont toujours d'actualité. La lecture du Livre des exemples permet ainsi de mieux comprendre la civilisation islamique en tant que composante de l'histoire universelle, travaillée elle aussi par des processus globaux.

Encore aujourd'hui, sa pensée n'est pas toujours bien acceptée, en raison des distances avec la religion. Pour ses détracteurs, les voies de la compréhension et de l'entendement ne sont pas compatibles avec le respect du dogme.

Oeuvres traduites en français
Ibn Khaldoun (trad. Vincent Monteil), Discours sur l'histoire universelle. Al-Muqaddima, Beyrouth, Commission libanaise pour la traduction des chefs-d'?uvre, 1967-1968 (ISBN 274270924X)
Ibn Khaldoun (trad. Abdesselam Cheddadi), Le Livre des exemples, vol. I, Paris, Gallimard, 2002, 1560 p. (ISBN 2070114252)
Ibn Khaldoun (trad. Abdesselam Cheddadi), Le Livre des exemples, vol. II, Paris, Gallimard, 2012, 1680 p. (ISBN 9782070116218)
Ibn Khaldoun (trad. William Mac Guckin de Slane), Les Prolégomènes, Paris, Librairie orientaliste Paul Geuthner, 1863 (lire en ligne [archive])
Ibn Khaldoun (trad. William Mac Guckin de Slane), Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale, vol. I, Alger, Imprimerie du Gouvernement, 1852, 480 p. (lire en ligne [archive])
Ibn Khaldoun (trad. William Mac Guckin de Slane), Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique septentrionale, vol. II, Alger, Imprimerie du Gouvernement, 1854, 635 p. (lire en ligne [archive])
Ibn Khaldoun (trad. William Mac Guckin de Slane), Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l'Afrique Septentrionale, vol. III, Alger, Imprimerie du Gouvernement, 1856, 528 p. (lire en ligne [archive])
Ibn Khaldûn (trad. René Perez), La voie et la loi, Paris, Babel, 2010, 320 p.

 

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