Du 9 octobre au 9 novembre 2024, la capitale tunisienne vibrera au rythme de Jaou Tunis, la biennale de souffle africain et à vocation universelle des arts contemporains.
Organisée par la Fondation Kamel Lazaar depuis 2013, la Biennale Jaou Tunis s’impose comme un phare artistique du Sud global. Elle tisse des ponts entre créateurs locaux et internationaux, offrant une réflexion critique sur des enjeux universels, tout en célébrant la richesse offerte au monde par l’hybridité culturelle.
Pour sa septième édition, jaou Tunis s'empare de la thématique " Arts, résistances et reconstruction des futurs ".
Pendant un mois, Tunis s’affichera comme un pôle d'excellence culturelle, accueillant 9 expositions, 9 performances et 9 rencontres-débats et plus de 60 artistes du Sud Global.
Jaou Tunis est une initiative de la fondation Kamel Lazaar en partenariat avec l’Institut français de Tunisie avec le soutien de la Fondation Tunisie pour le Développement.
9 Expositions
Placées sous le signe Arts résistances et reconstructions des futurs, les expositions de Jaou Tunis 2024 mettent en lumière des artistes dont les œuvres révèlent les innombrables visages des résistances individuelles et collectives.
Chacune de ces expositions, disséminées dans des lieux emblématiques de Tunis, est une invitation à explorer les récits de luttes, d’espoirs et de réinventions de mondes alternatifs.
Les Voi(x)es de la Résistance
Au cœur de cette édition, les expositions dont les œuvres sont spécialement commissionnés pour Jaou Tunis déploieront les récits de résistances individuelles et collectives et offriront une diversité de perspectives à travers la photographie, l'image animée, l’installation et la performance.
In My Room, un parcours sensoriel : dès l'entrée dans In My Room, Bachir Tayachi nous invite à une plongée intime dans l'univers des émotions humaines, celles qui suivent la fin d'une relation amoureuse. Tayachi explore les tréfonds de l'âme, où se mêlent douleur, rage, chagrin, et finalement, guérison. Par un parcours sensoriel où images, sons et vibrations s’entrelacent, l’artiste nous fait revivre les étapes d’un processus de guérison intérieure. In My Room illustre la résistance intérieure, celle qui naît dans le silence et la solitude, mais qui finit par éclore en lumière, renouvelant la force de l’individu face au monde.
Personal Accounts où la mémoire comme lieu de résistance : autre exposition, autre visage des résistances. Avec Personal Accounts, Gabrielle Goliath, offre une voix puissante aux survivants de violences patriarcales. Son art n’offre point droit de cité à l’oubli et la marginalisation de ces récits de vie, trop souvent étouffés dans le silence. Goliath crée un espace où ces histoires personnelles deviennent des témoignages de résiliences et de courages anonymes. L’exposition propose une réflexion profonde sur la manière dont la mémoire individuelle peut devenir un acte de résistance collective, incitant à la reconnaissance et au soutien des « survivants ».
Unstable Point et Assembly de Taous Dahmani, deux expositions phares. Taous Dahmani, spécialement commissionnée par la 7ème édition de Jaou Tunis, marque cette année l'événement avec deux expositions majeures, dont Unstable Point, qui s'empare de l'emblématique avenue Habib Bourguiba, transformant cet espace public en une scène monumentale ouverte à tous dédiée à l'art et à la résistance. Unstable Point réunit douze artistes et photographes venus d’Afrique et d’Asie du Sud-Ouest, sélectionnés sur la base d’un appel à participation internationale et choisis pour explorer la diversité et la fluidité des identités personnelles et transnationales. Une exploration des dynamiques des révoltes populaires est proposée par Assembly, également de Taous Dahmani. À travers une série d’œuvres, elle révèle la force des mouvements collectifs face à l'oppression. Elle interroge la notion d’espace public vu comme lieu de résistance, où les choix individuels se transforment en engagements collectifs. Cette exposition met en lumière la puissance de la solidarité et des luttes communes qui sont des leviers essentiels de transformation sociale.
L’Apocalypse arabe ou « Nos douleurs montées sur un soleil comme sur un cheval de course » : l’exposition conçue par Camille Lévy Sarfati, s’inspire de L’Apocalypse arabe de l’artiste et poétesse Etel Adnan pour nous offrir une réflexion sur nos modes d’être-au-monde. Face à la rage, à la douleur, au désespoir, la solidarité et l'attention à l’autre surgissent comme formes de résistance collective. L’exposition rassemble les œuvres de 10 artistes qui, à travers divers médiums, interrogent les chemins possibles de la condition humaine. Par le soin mutuel, la fiction, l'amitié, le rêve ou l'interconnexion, cette exposition nous rappelle que l’espoir et la solidarité sont des armes puissantes contre l'absurdité du monde.
La Palestine, mère de Toutes les résistances
The song is the call and the Land is calling : cette réflexion sur la résistance s’amplifie avec la question palestinienne qui trouve une résonance particulière dans The song is the call and the Land is calling de Basel Abbas et Ruanne Abu Rahme. Les artistes explorent la mémoire comme un champ de bataille dans le contexte de la lutte palestinienne pour la liberté. À travers des installations captivantes, ils dénoncent l’effacement de l'histoire et le déplacement des populations, qui sont des formes violentes d'oppression et dépossession. Leurs œuvres utilisent la performance, le chant, et la danse pour réaffirmer que la culture, la mémoire et l'identité sont des réceptacles de résistances aussi puissantes que les armes. Cette exposition souligne la manière dont l'art peut devenir un outil de lutte contre l'amnésie collective et un moyen de préserver les récits des opprimés.
Fragments d'un refuge : Rima Hassan, à travers son projet photographique Fragments d'un refuge, nous plonge au cœur de la réalité des réfugiés palestiniens, une exposition curatée par Kenza Zouari. Au-delà de la résilience, Hassan capte la lutte quotidienne contre l'invisibilisation ainsi que l'effort de réaffirmation d'une identité menacée. Son œuvre interroge à la fois les similitudes et les différences entre ces communautés, déconstruisant ainsi les images préconçues. En juxtaposant ces réalités distinctes, l'exposition nous invite à questionner les multiples facettes de l'identité palestinienne en exil. Elle révèle comment, malgré la dispersion géographique et les défis uniques rencontrés dans chaque camp, un fil identitaire commun persiste, se transforme et s'adapte. Ce faisant, elle défie l'oppression systémique et l’oubli international.Les migrants : une part de l'humanité où une humanité à part ?
Melita, מלט—mlִt, refuge d’Anne Immelé : ce parcours de la résistance trouve son prolongement naturel dans Melita, מלט—mlִt, refuge d’Anne Immelé, une exploration des routes migratoires en Méditerranée, mises en parallèle avec les voyages antiques des Phéniciens. Par la photographie, A. Immelé capte la quête universelle de refuge, ce geste de survie qui devient un acte de résistance contre l’effacement. Ses images témoignent du parcours des migrants, de leurs espoirs et de leur lutte pour un espace où ils peuvent exister pleinement. Cette exposition nous rappelle que la migration est une forme de résistance face à la marginalisation économique, sociale et politique et un rappel tragique des inégalités des rapports Nord/Sud marquées par la domination et la dépossession qui sont productrices de migrations.
Hopeless, exposition estudiantine de Jaou Lab commissionnée par Chiraz Mosbah, aborde la migration clandestine à travers les œuvres de 41 jeunes artistes émergents explorant les réalités humaines derrière ce phénomène souvent déshumanisé dans les discours publics. Hopeless invite à remettre en question nos perceptions sur la migration et à s'engager pour un monde plus inclusif. Cette exposition est un appel à la nécessaire solidarité et un hymne à la dignité des migrants. Elle rappelle que chaque pas, chaque traversée, est une forme de résistance contre la marginalisation et les injustices politiques, économiques, culturelles et sociales.Les diverses expositions parcourues tissent ensemble des filaments d’espoir, émanant des résistances individuelles et collectives. Chaque artiste, chaque œuvre, se dresse contre l’effacement, l’oppression et l’injustice. Ensemble, elles attestent que l’art est une forme de résistance et que la résistance est une forme d’art. Elles invitent le public à réinventer sa manière d’être-au-monde, à tisser des liens d'amitié et de solidarité, et à lutter pour la liberté et la dignité. Elles se proposent comme autant de promesses de réinvention de l’avenir, un manifeste pour un monde où chacun peut exister pleinement, librement, et dignement.
Jaou Lab, pépinière des artistes de demain
Jaou Lab est une initiative de la Fondation Kamel Lazaar et de l’Institut français de Tunisie soutenue par le Fonds Equipe France et la Fondation Tunisie pour le Développement. Elle vise à promouvoir la professionnalisation des étudiants des écoles des beaux-arts, du design, des arts et métiers, des arts multimédias, d’architecture et du cinéma. Son programme d’activités comprend des ateliers de formation, un concours de création en photographie impliquant 300 étudiants venus de plusieurs établissements universitaires de la capitale et des régions. Hopeless, exposition citée plus haut, est une création de 41 artistes émergents «couvés» par Jaou Lab.
Rencontres et Débats : Re-construire les Futurs
Portant cette réflexion au-delà des expositions, Jaou Tunis 2024 propose un symposium, imaginé par Les Chichas de la pensée représentées par Mehdi Meklat et Badroudine Saïd Abdallah en collaboration avec Asma Barbiche, sur le thème Re-construire les futurs abrité dans un lieu au passé emblématique, la Bourse du travail.
Les Chichas de la Pensée se veulent des rencontres conviviales où intellectuels et activistes débattent de grands sujets de société, créant ainsi un espace alternatif d'échanges et de réflexions critiques.
Le symposium proposé met en avant l'importance de repenser l'avenir comme un espace à façonner activement, ici, ailleurs et maintenant. Inspiré par Frantz Fanon, il appelle à agir, pour éviter le fatalisme érigé en mode de gouvernance mondiale.Manel Ben Boubaker insiste sur la décolonisation de l'éducation, appelant à des pédagogies autonomes libérées des paresseuses structures traditionnelles. Hicham Bouzid souligne la nécessité de réimaginer les lieux de savoir comme espaces de résistance et de création collective. Omar Berrada explore la transmission intergénérationnelle des récits, tandis que KJ Abudu propose des méthodologies décoloniales pour envisager de nouveaux modes d'appartenances africaines socialement transformateurs. A travers la mise en place d’une Reading Room, Sara Mychkine, du collectif Afrikadaa, utilise l'art comme un moyen de résistance créative et Negar Azimi appelle à décoloniser les récits médiatiques pour faire place aux laissés pour compte. Ensemble, ces voix montrent les voies vers un futur collectif, fondé sur la justice, la liberté et la créativité.
Concerts et Performances : La Création Collective à l’honneur
Cette septième édition de Jaou Tunis célèbre également la richesse de la création collective à travers une programmation musicale éclectique. Les artistes invités, tels que Mansur Brown, Deena Abdelwahed, et Kamilya Jubran, conjuguent leurs immenses talents pour offrir des performances qui transcendent les genres et les frontières. Le violon de Catherine Graindorge, les maqams réinterprétés par Abdullah Miniawy, et la rencontre des rythmes électroniques et traditionnels illustrent parfaitement cette synergie créative.
Back to Dance est le spectacle avec lequel la compagnie Kataklò a célébré son retour sur scène en 2021 après la fermeture forcée des théâtres. Back to Dance se déroule dans une temporalité unique qui aborde quatre étapes différentes : l'humanité, la mythologie, l'héroïsme et la légèreté.
Dans son souci d’inclusivité, Jaou Tunis met à contribution la compagnie Aluma qui propose Hudu, un spectacle conçu pour les publics neuro-atypiques. Il s’agit d’une expérience théâtrale immersive qui plonge le spectateur au cœur des profondeurs d’une aventure marine singulière, le tout bercé d’une musique puissante interprétée en direct. Son propos est de favoriser la mixité des publics, démystifier l'autisme, les singularités psychologiques et célébrer la neurodiversité.
Une Biennale Pour Tous
Fidèle à sa mission de rendre l’art accessible à tous, Jaou Tunis investit l’espace public et s’ouvre à divers publics, transformant la ville en une immense scène artistique. Les expositions, les rencontres et les concerts et performances se déploieront dans différents lieux emblématiques de la capitale, offrant une expérience culturelle immersive à tous les visiteurs.
Que ce soit dans les espaces réservés ou publics, Jaou Tunis 2024 se veut être un creuset où les arts et la pensée dialoguent pour réinventer les futurs. Cette 7ème édition de la biennale est une invitation à chacun de venir découvrir, réfléchir, faire corps d'un mouvement collectif de résistances créatives.
Tout le programme ICI