Depuis la période Edo, trois ouvrages d’art sont connus comme les « trois ponts étranges du Japon ». Chacun d’eux a une structure unique au Japon, voire dans le monde. Le plus proche de Tokyo est à quelques 70 km du centre-ville. C’est Saruhashi, 猿橋, autrement dit le Pont des singes. Long de 30 mètres, au-dessus d’une gorge profonde, il enjambe la rivière Katsura, formée des eaux souterraines du mont Fuji.
Un pont sans piliers ni câbles porteurs
D’après la légende locale le premier pont situé à cet emplacement date du sixième siècle. Il aurait été construit en s’inspirant des singes qui traversaient la rivière en se soutenant mutuellement. Le passage est situé dans les montagnes séparant les plaines de la région de Kantô et celles du bassin de la vallée de Kofu. Véritable verrou entre les provinces Kai du clan Takeda et celle du clan Shinmen de Musashi, il a été détruit et reconstruit à de multiples reprises.
Lorsque la paix fut revenue à l’ère Edo, le pont a alors été bâti dans sa forme actuelle. Il faisait partie intégrante de la Kōshū Kaidō (甲州街道), une des cinq routes reliant alors la nouvelle capitale aux provinces extérieures.
L’ouvrage réunit deux falaises hautes de 31 mètres. Étant donné la hauteur, il ne pouvait pas être soutenu par des piliers. L’alternative classique est le pont suspendu. Mais le Japon disposait alors d’une autre technique : le hanebashi, 刎橋. Le principe est d’encastrer sur chaque berge des couches d'arbres de soutien appelés « hanegi ». Chaque couche est un peu plus longue que la précédente pour finir avec le tablier du pont. Ces poutres sont protégées des intempéries grâce à un petit toit.
Depuis sa rénovation en 1984, le pont repose désormais sur des hanegi en acier et béton. Elles sont enveloppées par une façade en bois, préservant l’aspect originel. C’est aujourd’hui le seul pont hanebashi restant au Japon.
Le Pont Saruhashi est très présent dans l’art Japonais. Citons, parmi d’autres, dans la littérature, Ogyū Sorai, décrivant en 1706 son voyage vers Kai; dans les arts plastiques, Hiroshige avec de multiples estampes ou le grand Hokusai par des estampes, le dessin et la peinture.
Visiter Saruhashi
Au-delà de l’originalité du pont, le site environnant est splendide. Il est classé au patrimoine japonais depuis 1932, parmi les lieux à la beauté pittoresque.
Situé à une heure en voiture de Tokyo, c’est une escale parfaite sur la route du mont Fuji. Il est à 30 kilomètres de la gare éponyme au pied du Fuji san.
En train la station Saruhashi est située sur la Chūō Line, mais les trains express ne s’y arrêtent pas. Il faut prendre une desserte locale. En venant de Tokyo, changez à la gare de Takao.
La falaise côté sud est recouverte par la lave du mont Fuji. Datant peut-être de la dernière éruption en 1707 du célèbre volcan Un escalier en terre permet de descendre un peu en contrebas pour admirer la structure du pont. Et, pour les amoureux de nature, d’aller jusqu’aux berges de la rivière.
Les meilleures périodes de l’année pour visiter sont en juin où les environs sont recouverts d’hortensias fleuries et à l’automne pour le rougeoiement des érables.
Deux autres ponts insolites du Japon
Des « trois ponts étranges », un deuxième est proche de Tokyo. Il s’agit du Shinkyō 神橋, littéralement le « pont divin ». Tout en bois laqué, il marque l'entrée dans l'enceinte du sanctuaire Futarasan, à Nikkō. Il est classé au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Le dernier se situe beaucoup plus loin de la capitale, dans la ville d'Iwakuni, préfecture de Yamaguchi, à l'extrémité sud-ouest de l'île de Honshu. C’est le pont Kintaikyo. Sa superstructure de caissons en arc de bois est unique au monde. Ces arcs reposent sur de gros piliers en pierre. Au-delà du pont, on peut également visiter la cité féodale et son château.