David Moreul, un Français résidant au Japon depuis près de 25 ans, a accepté de nous dévoiler les coulisses de Maison bretonne. Depuis un an, ce restaurant ambulant, spécialisé dans les galettes bretonnes, parcourt les routes japonaises pour faire découvrir les saveurs de la Bretagne aux passionnés de gastronomie et aux curieux à travers tout le pays.
Arrivée au Japon et premières armes
David travaille pendant 8 ans comme crêpier pour la chaine de restaurants Breitzh Café, puis ouvre son propre restaurant, au cœur du quartier de Shibuya, à Tokyo.
Afin de conserver un maximum d’authenticité, David emploie alors des serveurs français et conçoit méticuleusement l'ambiance du restaurant pour qu’il évoque la Bretagne rustique. De la porte d’entrée jusqu’à la vaisselle, en passant par la décoration murale et la musique, le Français souhaite transporter ses clients dans un monde bien éloigné du Japon et s’attire une clientèle fidèle : des Japonaises à la recherche d'un goût authentique venu de France et des Français en quête d'un confort familier.
Après 14 années de succès, David prend cependant la décision de vendre les parts du restaurant à son ex-compagne. Loin de se précipiter pour ouvrir un nouvel établissement, il réfléchit. Pas question de reproduire la même recette ailleurs, il a envie d’innover.
L'école de formation pour crêpiers qu'il a fondée en 2010 pourrait-elle être une bonne piste ? Au lieu de faire venir à lui des apprentis qui se forment à la crêperie avant de retourner dans leur région pour ouvrir leur propre restaurant, pourquoi ne pas se déplacer lui-même pour enseigner partout au Japon ?
La naissance d’une maison bretonne mobile
C'est ainsi qu'est né le concept de Maison bretonne ! Un camion-crêperie qui permet non seulement de se déplacer pour servir de la nourriture lors d’évènements, mais aussi de former les futurs restaurateurs et amoureux de la galette n’importe où.
Du lundi au jeudi, David dispense des formations, la fin de semaine étant réservée aux évènements. A-t-il trouvé la recette parfaite ? Pas sûr !
Le rythme est très soutenu et de nombreuses règles régissent le déplacement des camions-restaurants. Prévoir les déplacements 2 à 3 mois à l'avance est vital, sans quoi, pas d’autorisation d'installation pour le camion. D’ailleurs les emplacements peuvent parfois coûter cher. Il faut compter de 20 000 à 200 000 yens, ou accepter de verser un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé sur place allant de 15 % à 25 %, voire 30 %.
Mais toutes ces nouvelles règles du jeu, loin de faire peur à David, le motivent dans son projet. Pour lui prêter mainforte, il emploie une, puis trois personnes.
Après cette année passée à parcourir le Japon, il constate que sa nouvelle clientèle est très différente de celle qu’il avait au restaurant. Adieu les habitués! Il peut désormais toucher un nouveau public qui ne connait pas du tout la crêpe salée.
“Parfois les gens font la queue devant le camion sans savoir ce qu’ils vont manger !”
Et c’est exactement ce qu’il cherche : faire connaitre la galette bretonne à travers le Japon.
Un jour je serai le meilleur crêpier
Pour l'instant, David se consacre principalement à la formation de particuliers, bien qu'il commence à recevoir des demandes de la part d'entreprises. Ces demandes proviennent généralement de personnes qui ne sont pas forcément issues du domaine de la restauration, désireuses de se reconvertir professionnellement.
La formation qu'il propose est donc accessible même à ceux qui n'ont jamais travaillé en cuisine. Elle couvre l'ensemble des compétences nécessaires pour ouvrir et gérer efficacement son propre restaurant. Cela inclut des aspects pratiques comme la cuisine et la préparation de la pâte à crêpe, mais aussi des éléments plus techniques comme l'hygiène des produits, et la préparation logistique, que ce soit pour un camion de vente ambulante ou un restaurant. David enseigne également l'optimisation de l'espace ou encore le calcul des coûts des menus. Il propose un suivi sur le long terme avec un pack de 25 heures de mentorat. Les élèves ont accès à un LINE de groupe pour échanger et s'entraider. David organise même des petits examens surprises en visitant leurs restaurants, afin de s'assurer que les compétences acquises sont bien mises en pratique.
Un esprit de transmission et de partage que l’on retrouve jusque dans sa manière de parler de l’ingrédient principal de ses galettes : le sarrasin.
La magie du Sarrasin
Au Japon, les crêpes sont généralement perçues comme une gourmandise sucrée, à l'image de celles de “Marion Crêpes”.
David souhaite faire découvrir au grand public la galette salée, offrant ainsi aux Japonais une nouvelle manière d'apprécier le sarrasin. Bien qu'ils soient déjà familiers avec ce grain utilisé pour préparer les soba, ils sont souvent surpris d'apprendre qu'il est également consommé non seulement en France, mais aussi en Russie, au Canada et dans d'autres pays.
David n’hésite pas à comparer la galette à l’okonomiyaki, qui se prépare également sur plaque chauffante et avec certains ingrédients communs. En tissant des ponts entre la galette bretonne et la gastronomie japonaise, le Français les invite dans son univers, sans pour autant les dépayser complètement.
S’adapter pour entreprendre
C’est le conseil que David donne à ceux qui veulent lancer leur propre activité au Japon : soyez observateur, prêt à adapter votre approche sans en compromettre les valeurs fondamentales. Cet équilibre entre rester fidèle à sa vision et respecter le contexte culturel est la clé de votre succès.
Naviguer dans les méandres juridiques et logistiques de l'exploitation d'un camion-restaurant est déjà compliqué, mais le faire au Japon aurait pu décourager David. Réglementations sanitaires qui changent en fonction des préfectures dans lesquelles il se rend, difficultés à trouver les bons produits, gestion de ses employés… loin de renoncer, David a pris tout cela à bras-le-corps. Au lieu de lutter contre le système, il a appris à travailler avec ses complexités.
Pour Maison bretonne, le tour de chauffe est fini ! Après avoir fait de tests, appris à connaitre la communauté des foodtrucks au Japon, les évènements, etc., l'entrepreneur est prêt pour de nouveaux projets (ultra-secrets) et à continuer sa conquête du Japon, drapeau breton dans le camion.
Cette histoire nous rappelle qu'il n'est jamais trop tard pour poursuivre un rêve, pour se réinventer. Alors, continuez à explorer, continuez à apprendre et surtout, continuez à innover !