Aujourd'hui, on découvre un livre made in France, "Le matsuri des Yokaï", proposé par Ebisu Editions. Un beau projet qui montre une fois encore l'influence de l'archipel sur les artistes et créatifs francophones.


Pourquoi avoir choisi de consacrer un artbook aux Yokaï ? Qu’est-ce que ces figures mythologiques disent de notre rapport contemporain aux traditions et au merveilleux ?
Le matsuri des yōkai rend principalement hommage à un périple solo que j’ai fait au Japon en 2020, aux nombreux travaux que j’ai créés autour du folklore japonais dans mon parcours professionnel et aux matsuri que j’avais organisé avec la Brasserie La Boétie dans la ville de Saint-Nazaire (44).
Le pays du Soleil-Levant a su préserver ses traditions en même temps qu’il évolue avec le monde actuel. Sur Tokyo, il n’est pas rare de tomber sur des temples ou des sanctuaires dédiés aux divinités (ou esprits) entre des immeubles modernes. Ces figures mythologiques sont omniprésentes dans la culture nippone, que ce soit dans les légendes urbaines, les sites spirituels, certains festivals (matsuri), le théâtre, les mangas, les jeux vidéo, les films d’animation, etc.
Les créatures du folklore transmettent à travers leurs légendes parfois une leçon de vie, des valeurs humaines ou questionnent sur nos peurs, notre rapport avec la nature, etc. Elles peuvent aider dans notre développement personnel.
Tu as mené seule l’ensemble de ce projet : écriture, illustration, maquette, diffusion. Quelles ont été les contraintes les plus dures ?
Mener un projet entièrement seule est extrêmement chronophage. Il faut aussi trouver des sources de revenus en parallèle de la conception du livre pour assurer sa sortie et être partout à la fois (création, communication, distribution, diffusion, ventes en salon ou via la boutique en ligne ebisu-editions-shop.fr, etc.).
À contrario d’une édition classique, j’ai pu créer un ouvrage qui me ressemble vraiment sans m’adapter à une ligne éditoriale. Cela offre une liberté totale sur la conception artistique, l’écriture, le choix des points de vente, les partenariats, la réimpression ou la réédition. Je suis également mieux payée sur chaque vente.

Ton premier livre sur le folklore japonais (Au menu du yatai) n’a pas été réédité. Qu’as-tu appris de cette expérience ?
« Au menu du yatai » m’a permis de me lancer pleinement dans l’autoédition. Sans cette expérience, je n’aurais pas osé faire cet artbook culturel seule même si j’en avais les capacités. La création de ce projet m’a aidé à prendre conscience de toutes mes compétences en plus de mes métiers de graphiste et illustratrice. Il suffit parfois de rencontrer une personne sur notre chemin pour nous pousser à voler de ses propres ailes.
La maison d’édition s’appelle Ebisu Éditions, en référence au kami de la persévérance et de l’abondance. En quoi cette figure guide-t-elle concrètement ta démarche créative et entrepreneuriale ?
Entretenir et développer une activité indépendante demande une certaine persévérance. Pour vivre de mes multiples métiers, j’ai changé d’activité en fin 2023 en lançant Ebisu Éditions. Cette dernière permet de réunir ces derniers sous une seule identité et marque déposée. J’ai réinventé totalement mon entreprise qui a fêté ses 6 ans cette année 2025 au lieu de la fermer.
Ebisu est un kami qui m’a tout de suite parlé, car il incarne également la reconnaissance face à la générosité et l'amour qui lui ont appris à grandir. J’ai beaucoup de gratitude envers les personnes qui m'ont permis d'évoluer dans mon parcours professionnel. À travers mes projets, je souhaite apporter de la joie, de la bienveillance et du partage. Il incarne des valeurs que je souhaite transmettre.
Pourquoi mêler art, culture populaire et gastronomie dans un même ouvrage ? Quelle vision du Japon veux-tu transmettre ?
Dans un matsuri au Japon on retrouve tous ces aspects. On y mange des plats ou des encas traditionnels, découvre des arts, célèbre des divinités et même des yōkai. L’artbook culturel s’inspire de ces festivités, d’où le lien dans son titre : Le matsuri des yōkai.
De nombreuses entreprises sont passionnées par le pays du Soleil-Levant en France, ce qui était intéressant à partager auprès du public en constituant un petit guide d’adresses. Sa création a été un joli clin d’œil à cette grande amitié qu’à la France avec le Japon.
Pour rester dans le thème des matsuri, j’ai illustré la recette du Strawberry Matcha Latte offerte par Manga-T Dijon qui représente une boisson inspirée des hanami dango et j’ai revisité une recette de dango avec un nappage au Yuzucha-Vanille en collaboration avec l’épicerie japonaise Satsuki. Quand j’ai du temps libre, je cuisine et réinvente des recettes, ce qui explique aussi ce côté culinaire dans le livre.
Par ailleurs, Satsuki fait office de point de vente en ligne pour l’artbook. En achetant ce dernier sur www.satsuki.fr, vous obtiendrez des points de fidélité qui pourront être convertis en bon d’achat. Ce qui sera utile pour commander les ingrédients des recettes.

Tu as eu recours au financement participatif sur Ulule. Comment perçois-tu aujourd’hui le rôle de ces communautés de soutien dans la survie de l’édition indépendante ?
Après avoir fait 4 campagnes Ulule, les communautés de soutien contribuent activement à l’édition de nombreux livres sur le marché. De grandes maisons d’édition et des auteurs reconnus du grand public suivent le mouvement des financements participatifs pour proposer des projets originaux.
La sortie d’un projet auto-édité est définie par son financement, car les coûts de production sont onéreux. Grâce à la plateforme Ulule, l’artbook s’est déjà écoulé à plus de 150 exemplaires en comptant ses toutes premières ventes en dehors. Sa campagne a permis également à des entreprises de participer à sa distribution.
Suite à son financement, le livre est disponible chez les librairies Japanim dans l’ouest de la France (Nantes, Rennes, Saint-Brieuc, etc.), aux salons de Thé Manga-T sur Dijon et Kitsuné & Tanuki du côté de Colmar. Il est aussi en vente sur Bordeaux dans la jolie boutique de Tanuki no Mori et en ligne via l’épicerie japonaise Satsuki.
Tu précises que le livre est accessible à partir de 11 ans. Qu'as-tu voulu transmettre spécifiquement aux jeunes lecteurs, qui découvrent peut-être le folklore japonais pour la première fois ?
Le but était de créer un livre agréable à lire et bien documenté pour commencer à s’intéresser au folklore japonais. Au-delà de son aspect très visuel, je l’ai imaginé comme une base sur les sujets abordés.
Les légendes sont écrites en huit lignes pour introduire chaque créature d’une manière simple avec sa classification, ses origines supposées et ce qu’elle peut transmettre comme message spirituel. Les connotations de l'illustration attachée à cette dernière apportent des informations complémentaires via ma vision artistique.
Pour être guidé dans la lecture, j’ai illustré une carte du Japon pour repérer les lieux cités dans l’artbook. Les jeunes et les adultes peuvent également apprendre des mots japonais en se reportant aux définitions des lexiques. Tout a été pensé pour apprendre de l’introduction jusqu’à l’annexe.
Merci à Justine de s'être prêtée au jeu de l'interview. Retrouvez le projet sur le site d'Ebisu Éditions.
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