Jetables, interchangeables, et pourtant adulées : les idoles japonaises fascinent Agathe Parmentier depuis son arrivée à Tokyo l’année de ses 30 ans. C’est donc tout naturellement qu’elle leur consacre son second roman, Adore. Rencontre à Shinjuku avec une autrice française installée au Japon depuis une dizaine d’années, fascinée par la culture nippone et par ses zones d’ombre.


Une vie entre deux continents
Agathe Parmentier effectue de nombreux des allers-retours entre Perpignan et Tokyo avant de s’installer définitivement au Japon peu avant la pandémie. D’attachée de presse en France, elle devient professeure de français à Tokyo. Très vite, pendant son temps libre, elle commence à écrire sur son pays d’accueil.
Elle publie Pourquoi Tokyo, un recueil de chroniques personnelles, reflet de ses expériences de terrain. « Si j’étais ailleurs, je ne pense pas que j’écrirais sur le Japon. C’est ce qui me nourrit, parce que je suis ici. » Elle y aborde les petites bizarreries, les découvertes culturelles et les situations insolites qui font de Tokyo une ville unique.

Des idoles aux hikikomori : immersion dans les marges japonaises
Adore, son deuxième roman, marque un tournant : un travail plus distancié et documenté, mais toujours personnel. Cette fois, Agathe se plonge dans l’univers des idoles japonaises. « Pour Adore, j’ai fait énormément de recherches. »
« Le sujet s’est imposé à moi de manière violente». Les sons “pop” produits par ces groupes de très jeunes femmes nommées アイドル (aidoru - idoles) sont écoutés partout dans la capitale. Pas besoin d’apprécier le genre pour y être confronté. Il est imposé aux yeux et aux oreilles de tous : affiches et bande musicale dans les magasins et les restaurants, haut-parleurs de camions qui hurlent en parcourant la ville, mises en avant à la télévision… Agathe s’étonne aussi du type d’admirateurs qui suivent ces groupes. «Je me demandais : c’est quoi tous ces vieux bonshommes ? Ça m’a choquée, ça m’a dérangée de voir ces hommes amorphes qui se dandinent devant des préados ou des ados. Je voulais comprendre. »
Visionnage de documentaires (comme Tokyo Idols), lectures d’essais et d’articles : elle enquête, vérifie, contextualise. Les idoles sont difficilement accessibles : sous contrat, méfiantes, même lorsqu’elles sont en procès, elles semblent hors d’atteinte et pourtant partout ! Elle rencontre également une artiste plasticienne qui a beaucoup inspiré le livre : Mari Katayama. « C’est beau une femme artiste, surtout au Japon car elle a dû lutter contre la norme, qui a pu sublimer son handicap.»
Elle note l’étrange exigence de pureté qui pèse sur ces jeunes chanteuses. Celles qui dérogent à cette image sont sévèrement sanctionnées. Un cas célèbre l’a marquée : une idole obligée de se raser le crâne après avoir eu une relation. « C’est fou. Ici, ça frôle la religion. »
D’ailleurs, la couverture du roman, réalisée par Agathe elle-même, mêle l’image d’une pop star japonaise à celle d’une Vierge Marie en plastique. Tout un symbole.

Un regard étranger, mais pas extérieur
Comment raconter le Japon sans en trahir les subtilités ? Agathe assume sa position d’étrangère. « Être à l’extérieur me permet d’avoir une vision juste. C’est aussi une manière de ne pas être submergée. »
Dans ses romans, même si elle cherche la distance, son écriture reste personnelle. « Je crois que c’est impossible d’écrire de la fiction sans s’y projeter. Mon premier roman, Calme comme une bombe, était un exorcisme. Mais Adore est plus serein, moins viscéral. »
Les personnages d’Adore sont japonais, le texte écrit en français. Comment restituer leurs voix sans tomber dans la caricature ? « C’est difficile. Parfois, lorsque cela sonne juste, j’insère des intonations typiquement japonaises. Mais j’assume un texte écrit par une Française, pour des francophones. »
Processus d’écriture et équilibre de vie
Avant de se lancer dans l’écriture, l’autrice documente, note, visionne, photocopie. « J’ai commencé à écrire quand j’ai eu l’impression d’avoir tout lu et vu sur le sujet. » Pour elle, les recherches sur le sujet viennent avant la création de l’intrigue et des personnages.
Son rythme d’écriture s’adapte à sa vie. En tant que mère, elle a plus de difficulté à organiser des moments de concentration, mais ces obligations quotidiennes lui permettent de « raviver le feu sacré ».
Aujourd’hui, Agathe a un nouveau projet en tête : un livre autour des konbini, ces supérettes omniprésentes au Japon.
À lire :
Adore, son dernier roman, est disponible dès maintenant.
Découvrez aussi Calme comme une bombe et Pourquoi Tokyo, aux éditions Au Diable Vauvert.
Sur le même sujet
