Édition internationale

La protection sociale en débat à Chiang Mai

Les Assises de la protection sociale ont fait escale ce mardi 17 juin 2025 à Chiang Mai. Nous avons écouté les interrogations de ceux qui s’inquiètent pour leur avenir, leur santé et leurs finances.

Assises de la protection sociale Assises de la protection sociale
Écrit par Franck STEPLER
Publié le 17 juin 2025, mis à jour le 18 juin 2025


 

Pour comprendre de quoi il retourne, voici ce que dit le texte officiel de présentation des Assises :

« À la demande du Gouvernement, l’Assemblée des Français de l’Étranger (AFE) organise, de mars à octobre 2025, les Assises de la Protection Sociale des Français de l’Étranger. Cette initiative vise à engager une réflexion collective et participative sur l’avenir des dispositifs de protection sociale destinés aux 3 millions de Français établis hors de France.

Ces Assises s’articuleront autour de trois thématiques principales 

  • Les bourses scolaires (Agence pour l’Enseignement Français à l’Étranger et accompagnement des élèves en situation de handicap) ;
  • Les aides sociales directes et le soutien aux Organismes Locaux d’Entraide et de Solidarité (OLES) ;
  • L’avenir de la Caisse des Français de l’Étranger (CFE).

Cette consultation citoyenne destinée spécifiquement aux Français de l’étranger, permettra de recueillir les témoignages, les besoins et les propositions des citoyens, associations, élus et experts, afin de formuler des recommandations concrètes pour améliorer les dispositifs existant. »

 

Un tour de Thaïlande de la protection sociale

 

Claude Bauchet au micro, avec Marc Laval
Claude Bauchet ouvre la séance…

 

Le collectif des associations françaises de Thaïlande et deux Conseillers des Français de l’étranger, Claude Bauchet et Marc Laval, organisent un tour de Thaïlande, pour entendre aspirations, remarques et revendications. Après deux premières étapes à Pattaya et Bangkok, les Assises faisaient escale ce mardi 17 juin 2025 à Chiang Mai. Nous y avons assisté. Avant le début des discussions, les organisateurs nous ont confié que chaque réunion était particulière. Une soixantaine de personnes ont répondu à l’appel à Pattaya, vingt-cinq seulement à Bangkok, parce que la population y est plus jeune et plus active. Elle se sent inévitablement moins concernée par les questions relatives à l’assurance maladie mais plus par le sujet des bourses scolaires. Les plus âgés se sentent parfois délaissés. Ils regrettent un manque de considération sur des questions vitales, au sens propre, et craignent parfois la disparition pure et simple de la Caisse des Francais de l’Étranger, une CFE au cœur des débats. Claude Bauchet et Marc Laval comprennent qu’on attend beaucoup d’eux et s’excusent presque de ne pouvoir pas plus.

 

La CFE en point d’orgue

 

À Chiang Mai, une vingtaine de personnes étaient au rendez-vous. Toutes retraitées, toutes adhérentes à la CFE. Une assemblée d’hommes, au sein de laquelle une seule femme avait fait le déplacement !

Les organisateurs ont expliqué en préambule qu’ils réclamaient ces Assises depuis plus d’un an parce qu’à leurs yeux, les Français de l’étranger ne sont pas assez pris en compte. Selon le principe d’adaptation des différentes réunions, ils ont immédiatement éliminé le sujet des bourses scolaires. Parce que le public présent n’était pas vraiment venu pour cela et parce que la jeune école française internationale de Chiang Mai n’est pas encore agréée par l’AEFE, préalable à la distribution de bourses. Au menu donc, les aides sociales, la santé et, évidemment, en point d’orgue, la CFE.

 

Un minimum vital de 360€ par mois…

 

Pour ouvrir le sujet des aides sociales, Marc Laval a rappelé qu’elles s’adressaient aux personnes âgées avec pas ou peu de ressources, aux personnes handicapées, parfois aux enfants et à quelques cas particuliers. Dans chaque pays, le Conseil consulaire décide d’un minimum vital. Il est en Thaïlande de 360€ par mois pour les retraités et les personnes handicapées, en baisse, cette année, de 5%, alors que l’objectif était d’atteindre 500€. Avec un coût de la vie inférieur, au Vietnam, ce minimum atteint presque 700€. L’objectif premier consiste à rétablir l’équilibre.

À l’annonce de ce chiffre de 360€, on a vu des expressions de surprise et de désolation dans la salle, certains se demandant comment on pouvait décemment vivre ainsi, même si la somme est supérieure au salaire minimum thaï…

 

Nous demandons que les gens vivent décemment

 

« Nous voyons des dossiers de gens en totale difficulté, qui ont des familles, ont expliqué les élus. Nous demandons que les gens vivent décemment. Il faut juste s’entendre sur ce que cela veut dire. Il faudrait déjà que, dans une même région, sur les mêmes bases économiques, les choses soient équitables. Nous voulons donc demander ce taux unifié régional lorsque le coût de la vie est équivalent. »

La salle a presque unanimement acquiescé. Un participant à tout de même proposé de ne pas mettre sur un pied d’égalité une personne qui gagne peu mais qui possède un capital avec celle qui ne possède rien. « Elles ne peuvent pas percevoir la même aide ! » Tous ont salué cette logique.

 

Marc Laval au micro avec Claude Bauchet
Marc Laval en modérateur 

 

Depuis trois ans, la CFE a beaucoup changé

 

Est alors arrivé le moment de parler santé et donc CFE. « Pensez-vous que le système fonctionne bien ou mal ? » « Depuis trois ans, la CFE a beaucoup changé, répond un participant. Il y a beaucoup de lenteur pour les remboursements, des délais de plusieurs mois. C’est trop. »

La réponse de Claude Bauchet est allée dans le sens de la mesure. Pour les soins de ville, si la demande en ligne est bien faite, le remboursement arrive en trois ou quatre jours. En revanche, et c’est là que le débat a commencé à s’animer, il en va différemment du remboursement des factures d’hospitalisation, qui passe par un autre service et met en moyenne moins de trois mois. « C’est trop long et pas acceptable, convient-il. Mais la CFE travaille avec les moyens qu’on lui donne. Elle manque de personnel. On ne lui accorde pas les ressources demandées. On l’a autorisée à confier au privé le traitement téléphonique des dossiers mais ça ne règle pas les problèmes. »

 

Que le surplus de la CotAM soit reversé à la CFE

 

S’en est suivi un débat et des explications sur l’organisation de la CFE, son devoir d’équilibre financier, puis la CotAM que paient les retraités installés à l’étranger pour continuer à bénéficier de la Sécurité sociale lorsqu’ils passent en France. Un participant a expliqué ne plus jamais rentrer en France et trouver injuste cette cotisation. Sa réflexion est tombée à point nommé puisque les élus ont une proposition à ce sujet. Ils demandent à la Sécurité sociale de réaliser des comptes précis concernant ce prélèvement. Lorsqu’elle aura calculé les recettes et les dépenses, ils sont convaincus que le solde sera positif. Que ce surplus soit reversé à la CFE serait à leurs yeux un moyen de rétablir une certaine justice.

 

Des devis de 100.000 à 1,2 millions de bahts pour la même opération

 

Et puis est arrivée la question spécifiquement thaïlandaise. « Pourquoi la CFE ne choisit-elle que des hôpitaux 5 étoiles ? » L'homme est très en colère. Sa femme s’est fait opérer à cœur ouvert. Le RAM hospital, conventionné, lui réclamait 1,2 million de bahts. Le Nakornping seulement 100.000… « Je quitte la CFE, ça me coûtera moins cher », conclue-t-il. « Mais c’est du suicide ! », lui répond un autre. Les élus aussi lui ont conseillé de rester à la CFE et de conserver le tiers payant, qui peut désormais être pris en charge à 100%, même dans un hôpital non conventionné. Pour ce faire, il faut envoyer à VYV, le partenaire de la CFE, les deux devis. Avec un tel écart, ils sont en mesure d’accepter le changement d’hôpital.

 

Public des Assises de la protection sociale de Chiang Mai

 

L’AFBT peut se substituer à certains patients

 

Mais alors pourquoi cette politique qui parait économiquement absurde ? Parce que dans les hôpitaux publics, la douloureuse doit être payée immédiatement. Or c’est ce partenaire - VYV - qui paie, pas la CFE. VYV a réalisé un audit des hôpitaux, choisi chacun en fonction des pathologies traitées. Ils ont surtout choisi ceux qui ont des chaînes, du personnel qui parle anglais, comprennent leur fonctionnement, et qui les laissent payer à trente ou soixante jours fin de mois. En quelques années, les choses ont changé et il faudrait peut-être qu’ils reviennent pour revoir leur offre… En attendant, pour ceux qui ont besoin d’aide, l’Association Française de Bienfaisance en Thaïlande (AFBT) est là pour se substituer à certains patients et réaliser des avances auprès des hôpitaux.

 

Que le tiers payant oriente les patients vers les hôpitaux moins chers

 

Deux réponses ont suivi. Celle de Claude Bauchet d’abord, qui propose de « réfléchir à un tiers payant moins interessant dans les hôpitaux très chers pour orienter les gens vers les hôpitaux moins chers. Ceux qui fréquentent les plus haut de gamme ont souvent des complémentaires, ils sont aidés par ailleurs. » L’autre est venue de la salle  pour dire que certains médecins travaillent à la fois dans des hôpitaux chers et moins chers. On peut donc être aussi bien soigné dans des hôpitaux plus abordables.

 

Si la CFE n’existait plus, ce serait dramatique !

 

Il est ressorti de ce débat une volonté collective de changer de philosophie : au lieu de baisser les remboursements, dépensons moins !

Pour Claude Bauchet, ce fut : « revenons au remboursement pour tous, partout, sur la base du remboursement effectué en France, tout sera plus juste et plus simple. »

Pour Marc Laval, un cri du coeur : « si la CFE n’existait plus, ce serait dramatique ! »

Il semblerait que la salle partage.

 

Une nouvelle loi est espérée pour 2026

 

À l’issu de toutes ces rencontres citoyennes mais également du Conseil Consulaire du 18 juin dédié à ces Assises, un document sera publié au mois juillet, consacré à la CFE, à une synthèse des débats et des propositions concrètes adressées à la coordination des Assises. Nous aurons également alors connaissance du rapport de l’IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et de l’IGF (Inspection générale des finances). Nous devrions également connaître les décisions du Conseil d’administration de la CFE. Une synthèse des Assises dans le monde devrait être réalisée au mois d’octobre. Une nouvelle loi est espérée pour 2026.

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