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Les colleuses juives de marseille : “N’aie par peur d’être féministe”

Être féministe et juive… Oui, c’est possible. À Marseille, des militantes allient religion et féminisme. Leurs objectifs : lutter contre le sexisme et l’antisémitisme à la fois.

Être féministe et juive… Oui, c’est possible. À Marseille, des militantes allient religion et féminisme. Leurs objectifs : lutter contre le sexisme et l’antisémitisme à la fois.Être féministe et juive… Oui, c’est possible. À Marseille, des militantes allient religion et féminisme. Leurs objectifs : lutter contre le sexisme et l’antisémitisme à la fois.
Écrit par Anne-Claire Voss
Publié le 6 février 2023, mis à jour le 31 mai 2023

En mai 2021, une professeure des écoles à Marseille - âgée de 40 ans et de confession juive - forme le groupe “Collages Féministes Juif-ves Marseille”. À ce jour, ce dernier est composé exclusivement de femmes juives, et compte 11 membres.

 

“Votre rôle sera de vous marier et de faire des enfants”

Mais quelle est la genèse de ce mouvement ? Sa fondatrice - une femme pratiquante - déclare dans l’émission Les pieds sur terre de France Culture : “L’intérêt pour l’étude de la Torah dans ce milieu-là, c’est quelque chose qui est vu avec beaucoup de bienveillance pour une jeune fille, mais au bout d’un moment, on vous rappelle que votre rôle sera de vous marier et de faire des enfants. C’est devenu une pression que j’ai commencé à ne plus très bien vivre et j’ai commencé à m’écarter de ce milieu.” 

 

 

 

“Les féministes juives incitent à prendre la parole, à faire des discours, à se contredire, à chercher des sources et les partager. Je me suis dit que c’était bien plus stimulant que les cours où j’allais avant. On ne m’y parlait que de la halakha (loi juive), de comment suivre les règles et être tsniout (prude). Au final on revenait toujours à ‘il faut être gentille et compréhensive’” ajoute t-elle. En effet, l’étude de la Torah est principalement réservée aux hommes dans le judaïsme. Mais au final, les colleuses ne vont pas contre leurs origines. Bien au contraire. Elles défendent leur religion et se battent contre le sexisme. Le judaïsme reste leur identité, et il n’y a pas que des courants sexistes. 

 

Un autre mouvement juif qui a réfléchi sur cette idéologie n’est autre que le mouvement libéral - une femme peut être rabbin chez les libéraux. Un courant aussi contesté au sein de la religion. 

 

Comment lutter contre le sexisme et l’antisémtisme ?

Pour lutter contre les formes d'antisémitisme ou de sexisme, le groupe a décidé de coller des phrases dans la rue à la vue de tous. Cette pratique est courante dans les groupes féministes à Paris ou dans les grandes villes. Toujours au micro de France Culture, la fondatrice précise : “Ce qui m’intéressait énormément, c’est que les slogans sont écrits en énormes lettres noires, qu’on choisit des murs qui sont bien visibles et que les passants ne peuvent pas se soustraire au problème qu’on soulève. Ils sont obligés de le lire.”

 

Parmi les messages récemment collés - toujours en lettres capitales noires sur fond blanc - on peut citer : “Si ‘les Juifs contrôlent le monde’, pourquoi on continue de coller sur ces murs pour se faire entendre ?”, “N’aie par peur d’être féministe”, “Une gifle, c’est de la violence conjugale” ou encore “Juive et fière”. 

Ces féministes postent ensuite leurs photos sur leurs comptes Instagram (suivi par près de 4.000 personnes) ainsi que sur Facebook.  

 

“Chez mes amis activistes, on ne parle jamais d’antisémitisme”

Leurs collages, qui sont ensuite expliqués sur leurs réseaux sociaux, créent de nombreuses réactions parfois difficiles à entendre. Elles disent recevoir des messages de femmes religieuses - ainsi que des invectives de la part de Juifs orthodoxes et de l’extrême droite. Leurs pages reçoivent aussi de nombreuses questions de la part de militants de gauche, milieu que certaines membres du groupe ont pu fréquenter, n’en tirant pas toujours de bonnes expériences. 

 

 

 

Une des colleuses juives qui - comme la fondatrice du groupe - préfère s’exprimer anonymement car les collages sont interdits par la loi française et vus comme une dégradation du mobilier urbain, confie : “Chez mes amis activistes, on ne parle jamais d’antisémitisme. Puis, au moment de la dernière guerre avec Gaza, j’ai vu apparaître beaucoup de messages antisémites. Souvent, quand j’entends parler du grand capital dans les milieux très à gauche, c’est la figure du Juif qui apparaît.”

 

Instrumentalisation des religions dans les partis politiques

Dénonçant le silence de la gauche face à l’antisémitisme, une des activistes remarque également une “instrumentalisation de l’antisémitisme à droite, qui se réapproprie la lutte quand un acte antisémite vient d’un musulman”. Tout comme il pourrait être reproché à l’extrême gauche de défendre par intérêt la communauté musulmane. 

 

Et il suffit de regarder sur les réseaux sociaux. Lorsqu’un homicide envers une personne de confession juive se passe, ce sera Éric Zemmour ou Marine Le Pen qui réagira. À l’inverse, s’il s’agit d’une personne de confession musulmane, ce sera plutôt Jean-Luc Mélenchon qui s’exprimera et s’indignera. Une stigmatisation qui participe à la séparation et mésentente entre les deux communautés, bien à des kilomètres du conflit Israélo-Palestinien (du moins sur le territoire français). Un conflit aussi considéré comme “passionnel”, selon l’historien français Mathias Dreyfuss

 

“La gauche ignore la lutte contre l’antisémitisme. Allié.e.s antiracistes, réveillez-vous”, indique un des récents collages du groupe. Aujourd’hui, elles espèrent que leurs messages inspireront d’autres groupes de colleuses.

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