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Sous-marins français : L’indemnisation de l'Australie apaise-t-elle les tensions ?

Un sous marin émerge de la mer Un sous marin émerge de la mer
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 14 juin 2022

 

La rupture d’un contrat pharaonique de vente de sous-marins entre la France et l’Australie avait provoqué, en 2021, une grave crise diplomatique entre les deux pays. Si un accord financier vient d’être annoncé, est-ce suffisant pour rétablir de solides relations ?

 

Samedi 11 juin, Naval Group, acteur international du naval de défense et filiale de Thalès, a confirmé la signature d’un « accord équitable » avec l’Australie, sans toutefois confirmer la somme annoncée de 555 millions d’euros par le Premier ministre australien, Anthony Albanese. La vente de 12 sous-marins nucléaires français, signée en 2016, a été rompue en 2021 au profit d’un partenariat avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni. L’enjeu est aujourd’hui d’apaiser les tensions diplomatiques entre la France et l’Australie. 

 

Naval Group accepte l’accord financier et entre dans ses comptes 

Dans un communiqué, le message est clair :  Naval Group parle « d’accord équitable mettant un terme au programme de futur sous-marin australien ». Le nouveau gouvernement travailliste s’étant engagé avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni en faveur de sous-marins à propulsion nucléaire, il n’y aucune perspective de retour au projet français de Naval Group. 

Le montant du dédommagement représente 1% du montant total du « contrat du siècle » passé en 2016, soit 555 millions d’euros. Cette somme, qui n’a pas été confirmée par Naval Group, doit permettre à celui-ci de couvrir les dépenses engagées et payer l’ensemble des contributeurs du projet avorté, à savoir 375 entreprises, dont 35 françaises. La filiale créée pour ce contrat ne compte plus que 50 salariés (dont cinq français) et sera mise en liquidation à la fin du mois. 

 

Une hélice de sous marin francais

 

Le constructeur naval va-t-il entrer dans ses frais ? Selon Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions militaires et journaliste à l’Opinion, le groupe français ne perdrait pas d’argent car, la part pour la France dans le contrat total n’était que de « l’ordre de 10 milliards d’euros". Sur les 56 milliards d'euros, d’autres acteurs auraient touché leur part, dont l’industrie australienne.  De plus, entre 2016 et 2021, Naval Group a perçu environ 840 millions pour le travail réalisé avant que le contrat ne soit rompu. 

 

La France prend acte et souhaite « regarder vers l’avant » avec l’Australie

Officiellement, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu s’est exprimé à Singapour sur la sortie de crise des sous-marins, prenant acte de la décision : « Cet accord est important parce qu'il va nous permettre d'ouvrir une nouvelle page dans notre relation bilatérale avec l'Australie et de regarder vers l'avant ». Il a par ailleurs annoncé samedi qu'il rencontrerait, à sa demande, le ministre australien de la Défense.  

 

 

Une déclaration et une prochaine rencontre qui prouvent la volonté de renouer des relations solides avec l’Australie, jusque-là glaciales. Parce que faire la tête n’est peut-être pas bénéfique à la France. Au-delà d’une perte financière, le préjudice pour la France est surtout politique : Rompre le contrat des sous-marins a fait perdre à la France un positionnement stratégique en Océanie. L’enjeu de se réconcilier avec le nouveau gouvernement semble donc stratégique, ce que le ministre des Armées français a bien en tête.

Il y a trois semaines, l’Ambassadeur de France en Australie, Jean-Pierre Thébault, [NDLR qui avait été rappelé par Emmanuel Macron en 2021 lors de la rupture du contrat] s’est exprimé sur le Guardian Australia, dénonçant "l'attitude trompeuse" adoptée par "une certaine administration", [NDLR faisant allusion à l’ancien Premier ministre, Scott Morrison, battu aux législatives en mai 2022 par les Travaillistes]. Le changement de gouvernement semble aussi avoir permis un réchauffement des relations…

 

Pour l’Australie, la note est salée mais la réconciliation essentielle

Côté Australie, les conséquences financières de la rupture du « contrat du siècle » sont importantes. Après avoir déclaré lors d’une conférence de presse que le dédommagement de 555 millions d’euros à Naval Group est "un règlement juste et équitable", Anthony Albanese a tenu à préciser que la rupture de partenariat allait coûter 3,4 milliards de dollars australiens (environ 3,6 milliards d’euros) aux contribuables australiens. Estimé à 5,5 milliards de dollars il y a deux mois, le Premier ministre s’est voulu plus rassurant, dénonçant néanmoins les mauvais choix de son prédécesseur : « Il s’agit d’une économie […] Mais cela représente toujours un gaspillage extraordinaire de la part d’un gouvernement qui a toujours fait beaucoup d’annonces sans obtenir de résultats. Et d’un gouvernement dont on se souviendra qu’il aura été le plus gaspilleur de l’histoire de l’Australie »

En validant ce dédommagement financier très coûteux, le Premier ministre australien fait surtout tout pour améliorer sa relation avec la France, dans un climat géopolitique dans l’Indo-Pacifique de plus en plus alarmant : "Compte tenu de la gravité des défis auxquels nous sommes confrontés dans la région et dans le monde, il est essentiel que l'Australie et la France s'unissent à nouveau pour défendre nos principes et nos intérêts communs", a-t-il déclaré dans un communiqué il y a quelques jours. L’un des défis auquel l’île continent fait face est l’influence croissante et inquiétante de la Chine dans la région. Tout allié – dont la France – est plus que jamais à consolider. 

 

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