

Vivre en Italie, c'est s'adapter à un environnement différent que celui qui existe en France et qu'il faut prendre en compte pour espérer bien s'intégrer. LePetitJournal.com de Rome s'est donc intéressé aux tabous de la société italienne pour vous parler de ces sujets qui dérangent et tenter de percer leur mystère
Le portrait de l'Italien contemporain est celui d'un homme croyant et pratiquant tiraillé entre son éducation religieuse et la société moderne dans laquelle il vit. Dans un monde de plus en plus ouvert, il apparaît cependant toujours difficile d'évoquer certains sujets avec nos amis transalpins. La présence du Vatican et les pressions qu'il exerce sur les politiques, n'y est pas anodine et dirige une partie de la pensée collective italienne.
Illustration de D.B pour LPJ de Rome
"Let's talk about sex" ou pas
Si l'évocation du sujet est parfois sensible dans de nombreuses familles françaises, l'école et à moindre mesure, les médecins, répondent tout de même aux questions que se posent les adolescents. En Italie, la problématique est tout autre puisque l'éducation religieuse qu'ont reçu un grand nombre de parents ne les a pas conditionné à parler de ce sujet avec leurs enfants, bien au contraire. L'éducation sexuelle est ignorée, mise sous silence en espérant que rien de grave ne se produise.
A l'école, l'élémentaire est évidemment évoqué, comme la reproduction, mais il n'y a pas encore de réelles campagnes de prévention sur les risques du Sida, sur le préservatif et la contraception comme dans la plupart des collèges français. Il ne faut pourtant pas être dupe, les jeunes Italiens ne sont pas ignorants mais les informations sur le sujet sont surtout acquises grâce à internet. Cependant, la méconnaissance de certaines jeunes filles quant aux méthodes de contraception fait quand même froid dans le dos. L'Etat applique une politique de l'autruche alors que des campagnes publicitaires pourraient informer les adolescentes. Il n'est pas rare de croiser des jeunes pensant que le préservatif protège seulement contre la grossesse.
Le préservatif est de toute manière peu utilisé sans qu'aucun chiffre ne puisse être annoncé puisque le Gouvernement préfère ignorer le problème : avez-vous remarqué la rareté des publicités pour ce produit sur les chaînes de la télévision italiennes? Pire encore, pour ce même gouvernement et pour le ministère de la Santé, il semblerait que la parole "prophylactique" soit tabou. Un tabou confirmé avec le scandale de l'absence de ce fameux mot dans la directive du ministère et les transmissions de la Rai lors de la journée contre le Sida du 1er décembre 2011.
"Elle a fait un bébé toute seule" et a décidé d'avorter
Si la reproduction ne peut s'envisager que dans le cadre du mariage, il faut cependant nuancer selon les cas : la société Italienne est bien plus tolérante envers les couples d'âges murs ayant un enfant hors-mariage alors que la pilule a beaucoup plus de mal à passer pour une jeune femme.
L'avortement est un sujet très sensible et très mal vu dans une famille car le catholicisme considère le f?tus comme un être vivant. Quand une jeune femme tombe enceinte en dehors des liens sacrés du mariage, certaines familles vont alors s'empresser d'organiser un mariage pour éviter l'humiliation sur la place publique. Humiliation plus fréquente dans les toutes petites villes où les "pettegolezze" (ragots) se répandent à une vitesse ahurissante. Mais le drame est inévitable quand il s'agit d'une adolescente qui ne pourra pas se marier et pour qui l'avortement est inconcevable.
Rien n'est fait pour aider les femmes dans cette situation. La loi 194 de 1978 autorise ces dernières à avorter selon des conditions particulières comme un risque de malformation mentale ou physique chez l'enfant, ou dans un réel cas d'impossibilité pour la mère d'élever l'enfant. Et si l'on ajoute à cela qu'il n'est facile en rien de trouver un médecin qui accepte de pratiquer l'IVG, surtout quand on apprend dans l'Espresso que presque 90% des médecins de Rome se font objecteurs de conscience.
"Une femme avec une femme"
Pour l'Eglise catholique, il n'y a aucun doute, l'amour entre deux personnes d'un même sexe ne peut pas être reconnu par dieu. Il s'agit d'une maladie ou d'une donnée contre-nature, mais ce n'est certainement pas une volonté divine. On comprend mieux pourquoi l'homosexualité reste encore très peu acceptée en Italie.
Une étude du magazine mensuel Focus indiquait en 2009 que "gay" était la pire injure qu'un Italien pouvait recevoir. Si le thème est désormais omniprésent au cinéma avec de nombreux films moquant la stupeur de familles effondrées d'apprendre l'homosexualité de l'un des leurs, cette dernière est encore mal comprise et très caricaturée notamment au sud du pays où la religion est plus présente. En France ou ailleurs, l'homosexualité est très souvent évoquée dans les médias sans que l'opinion ne soit choquée alors qu'en Italie on préfère ignorer le sujet plutôt que de froisser la religion.
Un tabou français mais pas italien : le Racisme
Quand on parle du racisme en Italie, on pense évidemment au fascisme et aux rondes organisées dans les villes sous l'ère Mussolini pour chasser les étrangers du pays. Si cette période est révolue, le racisme est encore bien ancré dans le pays. Pour le constater, il suffit de se rendre dans un stade de football pour voir certains supporters conspuer un joueur de couleur de l'équipe adverse dès qu'il touche le ballon. Tous les actes racistes ne sont heureusement pas aussi graves que ceux commis lors du drame de Florence où deux Sénégalais ont été assassinés par un extrémiste de droite. Néanmoins il est tout de même courant de stigmatiser l'étranger comme responsable des maux du pays en période de crise.
Les Roumains sont particulièrement touchés par la stigmatisation. En 2010, les autorités italiennes et une bonne partie de l'opinion publique approuvaient et saluaient la politique de Nicolas Sarkozy qui démantelait un à un les camps de Roms en France. Il suffit de fréquenter les transports en commun pour se rendre compte de l'évolution du racisme en Italie. Il n'est pas rare d'entendre des propos racistes dans l'indifférence générale ou pire encore parfois partagés par différents voyageurs.
Jean-Marie Cornuaille (www.lepetitjournal.com/Rome) Mardi 17 janvier 2012


































