Nous vous avions raconté, en juin 2019, le projet fou de Marie, alias Lootie’s run Around The World, de faire le tour du monde en courant un marathon par jour, 6 jours par semaine. Eh bien c’est fait !
Après beaucoup de difficultés et de modifications d’itinéraires dus au Covid, Marie a bouclé ses 28300 km en 698 marathons le 30 août dernier à Sydney où elle a reçu un accueil digne d’une grande championne !
En attendant de ses nouvelles (nous la laissons reprendre son souffle !), voici l’article que nous avions publié avant son départ.
Marie, 42 ans, est Française et coureuse amatrice. Pour sa carrière professionnelle, elle a déjà parcouru une partie du monde. Elle s’est d’abord installée en Écosse, puis en Allemagne, en Angleterre, en Suisse et en Grèce et finalement à Singapour, où elle vit depuis 2012. Elle a une formation académique en finance et en droit et maîtrise quatre langues. Elle a passé toute sa carrière dans des pays et des cultures étrangères. En décembre 2019, elle commencera la plus grande aventure de sa vie : faire le tour du monde en courant la distance d’un marathon par jour ! Nous la rencontrons entre deux entraînements.
Lepetitjournal.com: D’où vous vient cette passion pour la course à pied ?
Marie Leautey : En 2004, alors que j’étais en mission en Grèce, j’ai rencontré des amis qui m’ont appris à faire de la planche à voile et de la course à pied. La même année, j’ai vu passer le marathon olympique juste devant mon bureau et, quatre mois plus tard, j’ai couru mon premier marathon. Depuis, je me suis aventurée dans la course à pied longue distance, avec l'envie de voir le monde sous mes pieds, en particulier mes chaussures de course ! Il y a quelques années, j'ai eu l'idée de suspendre ma carrière de CFO pendant quelques années et de prendre la route. J’avais envie de voir la Terre, tout entière, une étape après l’autre !
Comment avez-vous décidé de tenter l’aventure ?
C’est un voyage incroyablement excitant de deux ans, de 700 marathons, que je veux réaliser. Cette course, ridiculement longue, répond à un désir profondément ancré de découvrir le monde, associé à une passion pour la course à pied et le plein air. Faire le tour du monde est une expression de ma liberté, de ma joie d'être en vie, mais aussi une réponse à ma curiosité et à mon envie d'aventure. Je me suis également engagée à soutenir une cause qui me tient à cœur, tout au long de mon parcours, dans l’espoir que cela puisse servir d’inspiration.
Combien de personnes ont parcouru le monde dans les mêmes conditions ?
À ce jour, six personnes ont terminé un tour du monde entièrement documenté et validé : Jesper Olsen (2005 et 2012), Pape Rosie Swale (2008), Tom Denniss (2013), Tony Mangan (2014), Kevin Carr (2015) et Serge Girard (2017). Certains d’entre eux ont créé la World Runners Association (WRA), organisme qui valide de tels voyages.
Par conséquent, afin de « valider » ma course en tant que véritable « course autour du monde », je dois respecter des règles établies par la WRA, qui impliquent de parcourir une distance minimale de 26 232 km dans une direction continue, de traverser au moins quatre continents, d’océan en océan, et de terminer la course là où elle a commencé.
Pourquoi 26 232 Km ?
La circonférence de la Terre est de 40 000 km et couvre un mélange de terres et de masses d’eau. La somme de la largeur maximale de tous les continents est de 26 232 km. Voilà !
J’ai choisi de parcourir ces 26 232 km en Europe, en Asie du Sud-Est, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Amérique du Nord et en Amérique du Sud et finalement en Afrique.
Comment avez-vous organisé vos ravitaillements ?
Ma course est principalement en solo et non supportée, ce qui signifie que je porterai mon équipement tout au long du voyage. J’utiliserai la poussette Ironman BoB (Beast of Burden) pour transporter mon équipement de camping, mon équipement électronique, de la nourriture, de l'eau et des vêtements de course. Cela représente environ 30 kg que je vais pousser tout au long de mon parcours.
Outre une compagnie, très appréciée ponctuellement, j’aurai besoin d'aide pour les parties suivantes de ma course car le ravitaillement en eau et en nourriture sera impossible, les distances entre deux villages étant trop grandes : la traversée des plaines de Nullarbor en Australie (en septembre et octobre 2020), la traversée des parties de l'Amérique du Nord (en mars et avril 2021) et la traversée des Andes en Amérique du Sud (en octobre 2021).
Si l’aventure vous tente, vous pouvez prendre contact avec moi via la section « Me contacter » du site, et je vous expliquerai plus en détail mes besoins.
Quel sera votre itinéraire ?
Le premier continent que je vais traverser c’est l'Europe. Je vais faire 11 pays en 235 jours, du Portugal à la Turquie (soit 7 806 km, de décembre 2019 à juillet 2020). La course commence à Cabo Da Roca, le point le plus occidental d'Europe. Cela convient à mon parcours, car je commencerai en décembre. Ça me permettra d’éviter les froids extrêmes rencontrés plus au nord de l’Europe en cette période de l’année. Je suivrai la route côtière du Portugal, de l’Espagne, du sud de la France, de l’Italie, de la Slovénie, de la Croatie, de l’Albanie et de la Grèce, puis je terminerai par la Turquie, où le Bosphore marque la jonction entre l’Europe et l’Asie. De là, je prendrai un vol pour Kuala Lumpur.
Ensuite, l’Asie, 2 pays en 11 jours, de Kuala Lumpur à Singapour (400 km, en août 2020). Cela ne constitue pas une traversée de continent, mais j’inclus cette section dans mon parcours dans le but principal de visiter un lieu qui m’est cher, où j’ai vécu pendant 7 ans, et où de nombreux amis sont basés, Singapour. De là, je prendrai un vol pour Perth.
Deuxième continent, l’Australie pendant 155 jours, de Perth à Port Macquarie (5 092 km, d’août 2020 à janvier 2021). L'Australie est probablement le plus difficile de tout le voyage. Je vais courir de Cottesloe sur la côte ouest de Perth à Port Macquarie du côté est. L'itinéraire comprend de longs segments de terres désertiques et inhabitées, qui nécessiteront un certain soutien comme je l’ai déjà mentionné. Transporter suffisamment d'eau et de nourriture pour parcourir ces longues distances serait possible, mais très difficile.
Je continue ensuite sur la Nouvelle Zélande, pendant 53 jours, d'Invercargill à Auckland (1758 km, de janvier 2021 à mars 2021). Cette étape consistera à parcourir la Nouvelle-Zélande du sud au nord. Comme dans la partie de la péninsule malaise, cette partie de la course ne peut être qualifiée de traversée de continent. La Nouvelle-Zélande est sur ma liste de choses à faire depuis longtemps et c’est ma meilleure chance de découvrir ce magnifique pays lointain de bout en bout.
Le troisième continent est l’Amérique du Nord. Je traverserai deux pays en 176 jours, de Seattle à New York (6 019 km, de mars 2021 à septembre 2021). En partant de Seattle, je suivrai un itinéraire oscillant entre les États-Unis et le Canada. J'ai l’intention de terminer à City Island, dans l’État de New York, sur la côte est.
L'Amérique du Sud est le quatrième et dernier continent à traverser. Je ferai trois pays en 98 jours, du Chili à l'Uruguay (3 486 km, de décembre 2021 à janvier 2022). En partant du sud du Chili à Acund, je ferai mon chemin vers le nord en direction de Valparaiso, puis je traverserai les Andes vers l’Argentine, pour terminer ma course à Montevideo en Uruguay.
Je poserai ensuite le pied en Afrique, ou je traverserai trois pays en 51 jours), d'Agadir à Cabo da Roca (1 800 km, de décembre 2021 à janvier 2022). Ce sera une courte traversée du Maroc afin de rallier Gibraltar via Tanger. Une dernière étape au Portugal me ramènera à mon point de départ, à Cabo da Roca.
De quelle manière vous entraînez-vous pour ce challenge ?
Je fais régulièrement des « voyages marathons » que j'effectue en Australie où le climat est plus adapté que dans la région. En 2018, j'ai réalisé 5 voyages de « 3 marathons en 3 jours », en autonomie. Puis j'ai conclu l'année avec un « 8 marathons en 9 jours » en autonomie totale aussi, autour de Perth en Australie. Je continue en 2019 à réaliser ces « voyages-marathons » essentiels à la préparation. Je m'applique aussi à augmenter mon volume hebdomadaire. Il se situe en ce moment entre 100-120 km par semaine. Je vais le monter progressivement à 160 km par semaine d'ici les prochains mois. Il me sera difficile de faire plus avec les contraintes d'un emploi à plein temps. L'essentiel est de préparer le corps au volume d'effort que je vais lui demander sur les deux prochaines années.
Et physiquement, ce n’est pas trop demander à votre corps ?
Je suis suivie par un physiothérapeute tous les mois. Il vérifie que mon équilibre physique est intact. Avec ce genre d’entraînements, le corps peut facilement « cacher » une blessure ou une gêne en contrebalançant sur une autre partie du corps. Il me fait faire des séries d’exercices, vérifie mes appuis, me fait des massages pour détecter en amont si quelque chose commence à dysfonctionner. Jusqu’ici : zéro problème !
Et moralement, suivez-vous une préparation particulière ?
Je vois un psychologue avec qui je fais un travail sur 3 axes : l’autohypnose pour être capable d’atteindre une relaxation profonde, l’ancrage pour faire face aux moments d’isolement lors de ma course et la dimension spirituelle du voyage, un truc un peu transcendantal ! Je suis aussi des cours d’auto-défense et j’apprends l’espagnol.
Comment financez-vous cette préparation et votre aventure ?
Tout est autofinancé à 100 % ! Toutes mes économies sont mises dedans.
Comment peut-on vous suivre et vous soutenir ?
Vous avez la possibilité de me suivre tout au long de mon parcours via mon site web, Instagram, Facebook ou encore en me suivant sur Garmin ou Strava. Vous pouvez aussi faire un bout de chemin avec moi. Que ce soit à pied, à vélo, en voiture ou encore en patins à roulettes, rejoignez-moi pendant quelques kilomètres ou quelques jours, je serai ravie d’avoir votre compagnie et de partager un bout de mon aventure avec vous. « Lootie » est le surnom que j'ai depuis près de 20 ans (une déformation récurrente de mon nom de famille « Leautey » qui est difficilement prononçable en anglais visiblement !
Quel est le sens de cette course ?
Au-delà du défi physique et de l'aventure humaine, il y a un désir de porter un espoir, via le support à la cause des femmes. Une envie de soutenir l'effort d'émancipation des femmes, qui n'est nulle part une chose acquise, d'autant plus dans les régions les plus turbulentes du monde. Si ma course peut aider à stigmatiser les efforts, à inspirer, à donner de l'espoir (au sens de ce qui est possible d'accomplir) alors j'aurai atteint mon but, et mis ce voyage à contribution de mes valeurs.
J'ai eu la chance inouïe de grandir sous l'aile d'une grand-mère formidable. Elle était totalement acquise à la cause du féminisme, s'est forgée une éducation solide, a traversé des épreuves difficiles notamment lors de la guerre. Elle a ensuite pris la tête de la bibliothèque féministe de Paris et accompli, jusque sa mort, un travail considérable sur la documentation du féminisme en littérature.
À mon tour de contribuer, puisque l'émancipation n'est toujours pas universelle. Je lance donc une levée de fonds pour soutenir une association qui me tient à cœur, Women for Women International. C’est une organisation humanitaire à but non lucratif qui apporte un soutien matériel et moral aux femmes victimes de la guerre. Elle aide ces femmes à se reconstruire à travers un programme holistique qui s'inscrit dans la durée.