Ce nectar dont l’origine fait polémique entre les Ecossais et leurs voisins Irlandais, aurait servi au XVe siècle comme antibiotique. A cette époque ce n’était qu’une eau-de-vie qui ne ressemblait en rien à la boisson d’aujourd’hui. Lepetitjournal.com a rencontré à Singapour un collectionneur passionné, Lucas Tan, qui a bien voulu répondre à nos questions.
Lepetitjournal.com : Pouvez-vous nous expliquer la naissance de votre passion ?
Lucas Tan : Tout a commencé lorsque je me suis lancé pour la première fois dans mon parcours entrepreneurial dans la mode et la vente au détail. Nous servions des whiskys à nos clients dans le cadre de notre activité professionnelle. Tous les whiskys étaient fournis par mon partenaire commercial qui a commencé à s’intéresser et à déguster des whiskys il y a quelques années. En recevant nos clients autour des whiskys, j'ai constaté que nous avions souvent des points de vue divergents sur le profil et le goût des whiskys que nous buvions. Cela a piqué au vif mon intérêt et j'ai vite compris à quel point le même whisky pouvait s'apprécier différemment selon les individus. Ensuite, chaque semaine, je me rendais dans les différents bars à whisky de Singapour pour acheter des bouteilles pour notre boutique.
Comment votre passion a-t-elle évolué de telle manière à faire de vous le connaisseur et collectionneur que vous êtes aujourd’hui ?
Depuis 2013, lorsque j'ai ouvert ma boutique, j'ai rencontré des amateurs de whisky aux vues similaires, qui en étaient à différentes étapes de leur parcours. Les connaissances de certaines de ces personnes sur le whisky étaient immenses et à mesure que nous nous réunissions, le plus souvent pour des dégustations, notre connaissance et notre intérêt collectifs pour les whiskys plus anciens et plus rares se développaient. La scène du whisky à Singapour a toujours été fragmentée et de nombreux buveurs de whisky ne se connaissent pas. J'avais le luxe d'avoir un groupe d'amis proches qui était sur le même chemin que moi et nous avons voyagé ensemble à travers le monde pour chasser ce nectar époustouflant qu'est le whisky.
Quel est votre regard sur l'évolution du whisky ces trente dernières années ?
Dans les années 1990, les distilleries embouteillaient des whiskys réguliers âgés de 10 à 20 ans, distillés entre les années 60 et le milieu des années 70. En particulier au début des années 70, la méthode de distillation était radicalement différente de celle utilisée aujourd'hui. De la cuisson au charbon, à la cuisson au mazout, la technique de maltage du sol (étape intermédiaire entre la récolte et la transformation des céréales, cette technique traditionnelle donne un caractère distinctif aux whiskys. Les grains sont travaillés doucement et manuellement au sol lors de leur étape de germination) a contribué à la différence radicale entre les goûts actuels des whiskys et ceux des années 60 et au milieu des années 70. La principale raison de ce changement est due à l'augmentation de la demande de whisky écossais et aux distilleries qui modifient leur capacité à satisfaire cette demande accrue.
Combien existe-t-il de différentes sortes de whisky ?
Dans les grandes lignes nous avons le Malt whisky qui est principalement produit en Écosse. Le Grain whisky, qui ne provient pas d’orge maltée, mais de grains ou d’un mélange de grains. Le Blended whisky, où les distilleries utilisent à la fois de l'orge et du grain de malt pendant la distillation. Le Single pot Still whisky où seuls des extraits distillés en alambics traditionnels de type « Pot Still » ont été utilisés dans le processus de distillation (whisky irlandais). Finalement nous avons le Whisky Bourbon, où il y a au moins 51% de maïs, le reste étant un mélange d'orge, de seigle et/ou de blé (whisky américain).
Quelle est la valeur d’une bouteille rare et recherchée ?
Rien que cette année, un Macallan âgé de 60 ans, distillé en 1926, s'est vendu aux enchères à 1,5 million de livres sterling. C'est le plus ancien Macallan de leur collection « Fine and Rare ». La rareté et l'opportunité d'une bouteille varient selon les collectionneurs ; certains collectionnent parce qu'ils ont essayé un whisky particulier et en apprécient le contenu, et d’autres collectionnent des whiskys pour leur âge (60 ans ou 50 ans d’âge) ou pour la marque (on pense généralement à Macallan).
Les buveurs de whisky soutiendraient que les meilleurs whiskys ont généralement entre 12 et 21 ans d’âge dans un fût, car les whiskys trop âgés ont le goût altéré par le fût et perdent l'essence du distillat qui est unique à une distillerie.
L'un des whiskies les plus vénérés par les connaisseurs du monde entier, un certain Laphroaig a été sélectionné par le dernier maestro italien, Silvano Samaroli. Distillé en 1967 et mis en bouteille 15 ans plus tard, seulement 720 bouteilles de ce whisky ont été mises sur le marché en 1982. Cette bouteille a récemment été vendue au prix de 61 000 £. En tant que telle, la valeur et la rareté diffèrent selon les collectionneurs.
Y a-t-il un club d’amateurs ou de professionnels à Singapour ?
Il existe des groupes de médias sociaux où des personnes partageant les mêmes idées interagissent et se réunissent de temps en temps pour déguster un « dram » ou deux (mesure écossaise pour un verre de whisky). Cependant, la plupart des amateurs de whisky se rendront dans l'un des nombreux bars à whisky étonnants qui honorent notre beau pays. L'Auld Alliance, la Maison du Whisky, The Swan Song et The Single Cask sont quelques-uns des nombreux bars que les passionnés peuvent visiter aujourd'hui.
Pouvez-vous nous parler de "The Malt Affair" ?
The Malt Affair est un festival de whisky qui se tient tous les deux ans et réunit des bars, des distributeurs et des collectionneurs privés qui exposent leur collection pendant une journée. C’est un festival qui s'adresse vraiment à tous les amateurs de whisky qui se trouvent à différentes étapes de leur périple. Il y en a pour tous les goûts, avec des drams allant de 5 $ à 2 400 $ par personne. C'est vraiment un rassemblement de tous les passionnés qui se réunissent pendant une journée pour vraiment "geek-out" et profiter de la boisson même qui nous rassemble en premier lieu. Le TMA Vol.5 (prochain festival organisé par The Malt Affair) présentera des whiskies vraiment rares et spectaculaires ; du légendaire Laphroaig 1967, 15 ans d’age de Samaroli dont je vous ai parlé ou du très rare Largiemaenoch (Bowmore), 1967, 12 ans d’âge, en passant par des whiskys récemment épuisés mis en bouteilles par des producteurs independants.
Comment peut-on devenir membre ?
Ce n'est pas un événement réservé aux membres et tout le monde est le bienvenu ! Les billets sont disponibles sur notre site Web pour la prochaine édition du TMA Vol.5 le 14 décembre 2019, où nous célébrerons notre deuxième anniversaire avec 3 de nos nouvelles bouteilles privées.
Quels conseils donner à une personne qui aimerait entrer dans le cercle des collectionneurs ?
Gardez l'esprit ouvert et dégustez autant de whiskys que possible. Nous nous retrouvons souvent pour partager nos derniers achats ou pour déguster ensemble les bouteilles que nous ouvrons de notre collection. C'est comme ça que nous apprenons et grandissons dans notre cheminement. Personne n’est trop nouveau ni trop expérimenté pour faire partie de ce collectif et c’est quelque chose de vraiment spécial avec le whisky.
Combien de bouteilles possédez-vous ?
J'ai plus de 200 bouteilles pour le moment, dont un peu moins de la moitié font partie de ma collection et le reste est destiné à la consommation. Ce n'est pas une grande collection, mais presque chaque bouteille de ma collection est rare, recherchée et unique. Si je devais choisir une bouteille qui est vraiment spéciale dans ma collection, ce serait la Clynelish, âgée de 14 ans, distillée dans les années 1950 et embouteillée pour les clients du Royal Marine Hotel à Brora.
Voulez-vous ajouter quelque chose ?
Les prix sont montés en flèche ces trois dernières années et sont devenus plus prohibitifs pour certains amateurs de whisky en herbe et même pour les connaisseurs. C'est à ce stade que des événements tels que TMA Volumes et Whiskey Live Singapore, ainsi que les nombreux bars à whisky disséminés à travers Singapour entrent en jeu. Singapour a une énorme plate-forme pour quiconque veut avoir accès au monde du whisky de manière plus accommodante.