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Énergies renouvelables - La parité à l’échelle mondiale d’ici 4 ans

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Écrit par Laetitia Person
Publié le 18 mars 2019, mis à jour le 18 février 2021

La transition énergétique est en ordre de marche. Elle s’organise aussi bien dans les pays industrialisés que dans les pays émergents, notamment en Asie. Cette tendance ouvre de nouveaux marchés pour les fournisseurs, capables de développer des infrastructures rivalisant avec les technologies traditionnelles, et de nouvelles perspectives pour les États, pour lesquels il est désormais possible d’associer transition énergétique et développement économique. Explications en détail avec Nicolas Payen, co-fondateur et CEO de Positive Energy Ltd.

 

Où en est la transition énergétique en Asie ?

Nicolas Payen : Elle a débuté même si elle en est encore à ses prémices. À mon sens, 2017 a été une année charnière. Le tournant s’est amorcé lorsque des acteurs du renouvelable ont remporté des appels d’offres, en Inde, à des prix très compétitifs. Ce basculement est majeur. C’est lui qui a donné l’impulsion pour qu’émergent, en Inde et en Chine, des projets d’infrastructures de production électrique capables de concurrencer les technologies traditionnelles sans subventions étatiques. C’est un bouleversement, car jusqu’à présent les énergies renouvelables avaient toujours été poussées par des aides gouvernementales pour accompagner le mix énergétique. Cette tendance s’est accélérée en 2018 et aujourd’hui, nous observons une chute des coûts d’installation des projets d’énergies renouvelables, principalement sur le solaire mais aussi sur l’éolien.

 

Pauvreté et précarité énergétique sont souvent intimement liées. Est-ce que cette tendance s’observe également dans les pays les plus pauvres pour lesquels la transition énergétique n’est peut-être pas une préoccupation majeure ?

Il est vrai que certains pays en voie de développement préfèrent aller vers le développement économique. Néanmoins, aujourd’hui, il est possible d’associer les deux priorités. Des politiques stratégiques au niveau des mix énergétiques favorisant les énergies renouvelables permettent de faire des choix optimisés d’un point de vue économique et environnemental. L’Inde en est une bonne illustration. Promis à une croissance économique et industrielle forte, c’est un pays qui affiche également une ambition profonde sur la part des énergies renouvelables dans les nouvelles installations de production électrique. La chute des coûts est telle que le tarif le plus bas vient d’être proposé par des fournisseurs solaires à 3,5 US cents par kilowatt. Cela témoigne de la compétitivité actuelle.

 

Energies renouvelables
@Adolfo Felix

 

Des études ont révélé que les énergies renouvelables allaient atteindre la parité à l’échelle mondiale d’ici 4 ans. Qu’est-ce que cela signifie ?

Concrètement, les énergies renouvelables seront compétitives par rapport aux technologies traditionnelles et surtout par rapport au charbon partout dans le monde. D’un point de vue économique, dans 4 ans, il n’existera plus de raisons valables de ne pas opter pour ce type d’énergies. Il existe, par conséquent, une vraie opportunité de booster cette énergie transitionnelle.

 

Est-ce que ces réductions de coûts s’accompagnent également d’une évolution des mentalités ?

La partie économique pèse lourd dans les prises de décision, et aujourd’hui, de plus en plus de pays modifient leur approche pour des raisons financières. Pourtant, cette connaissance n’est pas encore à la portée de tous. Le chemin est encore long pour que cette réalité devienne concrète dans l’ensemble des pays, pour que ce qui se passe en Inde se décline dans d’autres pays en voie de développement. Certains États sont très réactifs, comme le Vietnam. En 2017, le Vietnam n’avait pratiquement aucune base installée dans le solaire (8MW). En 2018, il a investi 800 millions de USD et il prévoit l’équivalent de 20GW pour les années à venir.

 

Energies renouvelables
@Zbynek Burival

 

Quelle énergie renouvelable se démarque le plus en Asie ?

L’hydraulique est la technologie plus ancienne mais les deux grands nouveaux acteurs du marché du renouvelable en Asie sont l’éolien et le solaire. L’éolien est souvent favorisé car, même s’il présente de la volatilité, il a une capacité de production en continu. Pourtant aujourd’hui, les coûts sont tels qu’à mon sens, le solaire aura bientôt la dominance économique et donc la préférence.

 

Le biogaz et la biomasse ont également leur place. La biomasse répond aux problématiques de gestion et de valorisation des déchets d’origine agricole. Or en Asie, le traitement des déchets est un problème prégnant. À partir de là, la question se pose : pourquoi ne pas les convertir en électricité ?

 

Est-il possible pour les pays de l’Asean de définir une stratégie commune ou ont-ils chacun des politiques spécifiques en fonction de leur marché et de leurs potentiels ?

Les politiques énergétiques sont principalement conduites au niveau des pays. Historiquement, c’est la Thaïlande qui a commencé à développer l’énergie solaire de façon agressive. Le Vietnam ambitionne de déployer un parc éolien le long de ses côtes et un parc solaire impressionnant. Taiwan a aussi fait une place importante au renouvelables suite à leur sortie du nucléaire. La Malaisie a suivi, en signant des appels d’offres dont un dernier qui vient d’être publié pour 500 Mégawatt. Les Philippines s’engouffrent doucement dans le mouvement en autorisant de plus en plus les investissements privés. En revanche, le cadre réglementaire de l’Indonésie favorise peu les investissements pour ce type d’infrastructures. À ce jour, le charbon y est encore roi.

 

Qu’en est-il de Singapour ?

Singapour a une situation bien spécifique. C’est une ville-État avec des contraintes que d’autres pays n’ont pas. La taille du territoire ne va pas nécessairement de pair avec les énergies renouvelables qui requièrent de l’espace. Aujourd’hui, sa politique énergétique repose sur le gaz naturel qui représente la quasi-totalité du mix énergétique du pays. Les énergies renouvelables sont très marginales. Par exemple, la base installée du solaire a une capacité de 150 Mégawatt. À titre de comparaison 150 Mégawatt, c’est la capacité totale des panneaux solaires installée mensuellement sur les pavillons en Australie. À Singapour, la plupart des clients sont des entreprises qui bénéficient d’un espace sur leur toit et qui installent des panneaux solaires pour économiser sur le coût de l’énergie. Les particuliers sont peu nombreux à habiter en pavillon. Pour les HDB ou les condos, la surface est limitée, il est, par conséquent, impossible de fournir en électricité une tour complète. Néanmoins, le Housing & Development Board a récemment modifié sa régulation afin que ses futurs bâtiments soient capables d’accueillir plus facilement des panneaux solaires.

 

Singapour joue cependant un rôle important dans l’écosystème. Un certain nombre des grands acteurs de l’énergie y sont présents et ils ont quelques développeurs très actifs à l’étranger. L’écosystème lié à la finance favorise également la mobilisation de fonds pour financer ces projets d’infrastructures.

 

La finance, c’est justement le domaine sur lequel Positive Energy Ltd se positionne…

Oui, nous intervenons sur un segment du marché des énergies renouvelables, appelé « marché des actifs distribués », qui touche les projets de petite et moyenne taille. Concrètement, il s’agit de projets qui représentent des investissements entre 1 et 50 millions de USD. Même s’il concerne une part importante du marché, jusqu’à 30 %, c’est typiquement un secteur difficilement servi par les investisseurs. Ils sont trop importants pour être financés en fonds propres par les développeurs et ils sont trop petits pour être financés par les acteurs du marché d’investissement dans l’infrastructure.

 

Concrètement, quelle est l’offre de Positive Energy Ltd ?

La technologie s’inscrit au cœur de la transformation énergétique mondiale. Elle doit aider à mobiliser les ressources financières nécessaires à l’accélération des énergies renouvelables. C’est la raison pour laquelle, nous fournissons une plateforme digitale permettant aux protagonistes – les développeurs de projets et les investisseurs – de communiquer de façon plus efficace, plus rapide, avec un langage commun. L'utilisation de la blockchain crée un environnement transparent et digne de confiance. Elle facilite l’échange des informations clés de façon à ce qu’un accord puisse être trouvé pour financer les équipements.

 

 

Quels types d’acteurs mettez-vous en relation ?

D’un côté, les développeurs de projets, qui sont souvent des PMEs, des producteurs d’électricité locaux, mais aussi des sociétés d’ingénierie, d’approvisionnement, et de construction (EPC). De l’autre côté, l’ensemble des investisseurs institutionnels et stratégiques qui souhaitent investir et soutenir ce type de projets.

 

Quelles sont les prochaines opportunités pour Singapour ?

Singapour s’est engagé dans la promotion des actions de sauvegarde de l’énergie. En matière d’efficacité énergétique des bâtiments, la Business and Construction Authority (BCA) a émis un certain nombre de standards qui sont aujourd’hui perçus comme la référence dans toute la zone Asie du Sud-Est. Mais il reste encore beaucoup à faire notamment dans l’électrification des transports.

 

Le prochain défi, c’est la mer. Comme l’espace terrestre est réduit, Singapour s’intéresse à des solutions sur des bassins d’eau. Le floating solar est actuellement à l’essai. Un projet près de Johor est en cours de développement. Avec une capacité de 40 Mégawatt, il permettrait d’exporter de l’électricité à Singapour.

 

Laetitia Person
Publié le 18 mars 2019, mis à jour le 18 février 2021

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