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Que faire quand la poubelle déborde ?

C’est le problème auquel est confronté Singapour, dont l’unique champ d’enfouissement va être plein en 2035, 10 ans plus tôt que prévu. La faute à un taux de recyclage en baisse de 62% à 52% ces dix dernières années, malgré les efforts de la NEA (National Environment Agency) de promouvoir une meilleure gestion des déchets. La solution passe par des innovations techniques, des accords avec d’autres pays, et un effort de tous.

Le taux de recyclage diminue à Singapour.Le taux de recyclage diminue à Singapour.
Entrée d’une usine d’incinération de Singapour (© Straits Times)
Écrit par Jean-Michel Bardin
Publié le 3 novembre 2024, mis à jour le 16 décembre 2024

Le défi de la gestion des déchets à Singapour

Depuis 1970, la production de déchets solides y a été multiplié par 7, mais elle s’est légèrement réduite ces dix dernières années malgré la croissance du pays grâce à un moindre taux de rejet tant du côté des ménages (de 2013 à 2023, il est passé de 1.08 à 0.88 kg par jour et par ménage) que du côté de l’industrie (de 2013 à 2023, il est passé de 40 à 26 tonnes par jour et par milliard de $ du produit national brut). Cela représente aujourd’hui au total un peu moins de 7000 tonnes par jour, dont environ 28% provient des ménages et 72% de l’industrie.

En revanche, le taux de recyclage, qui devait atteindre 70% en 2030 suivant le plan directeur Zero Waste du gouvernement, a significativement diminué, passant de 62% à 52% entre 2013 et 2023, et ce pour des raisons différentes selon qu’il s’agit de l’industrie (dont le taux de recyclage est passé de 72% à 67% rien qu’entre 2022 et 2023) ou des ménages (dont le taux de recyclage est passé de 22% en 2018 à 12% en 2023)

De ce fait, malgré l’efficacité des quatre usines d’incinérations de Singapour, qui permettent de réduire par 90% le volume des déchets tout en contribuant pour 3% à la production d’électricité du pays, son unique centre d’enfouissement des déchets, situé l’ile de Pulau Semakau, va être plein beaucoup plus tôt que prévu : 2035 au lieu de 2045. Et après ?

 

L'ile de Pulau Semakau est l'unique lieu d'enfouissement des ordures de Singapour.
Pulau Semakau, situé dans le détroit de Singapour (© NEA)

Les aléas de la gestion des déchets industriels

Le taux de recyclage des déchets industriels varie énormément selon le type de déchet : de moins de 10% pour les plastiques, les textiles et les cuirs, à plus de 98% pour les métaux, les matériaux de construction et de démolition. Les variations dans les proportions des types de déchets peuvent donc affecter significativement le taux global de recyclage de l’industrie. La chute de ce taux entre 2022 et 2023 s’explique notamment par la diminution de 40% des déchets provenant de l’industrie du bâtiment, dont le taux de recyclage approche les 100%.

Mais au-delà de tels phénomènes conjoncturels, le taux de recyclage des déchets industriels à Singapour est contraint par des problèmes structurels. Petit pays, Singapour n’a pas forcement la taille critique pour rentabiliser des industries de recyclage de certains types de déchets. Il doit alors trouver d’autres pays équipés pour les y envoyer. En 2019, 34% des déchets recyclables étaient ainsi exporté. Mais les coûts de préparation et de transport peuvent surpasser le produit de la vente de ces déchets et ainsi rendre l’exportation non rentable.

Par ailleurs, la convention de Bâle de 1998 a progressivement règlementé le commerce international de certains types de déchets, comme les déchets ménagers ou les plastiques. Dans ce cadre, la Chine, qui traitait près de la moitié des déchets recyclables du monde et une part significative de ceux de Singapour, a depuis réduit fortement son rôle dans ce domaine.

Certaines innovations permettent cependant de trouver des solutions dans certains domaines. Par exemple, en 2019, une entreprise a commencé à transformer des déchets plastiques (dont le taux de recyclage n’était que de 5% en 2023) en matériau de construction de routes. En 2023, une première usine convertissant des déchets de verre en abrasif a été ouverte, ce qui va permettre d’augmenter le taux du recyclage de ce type de déchets qui était de 8% en 2023.

 

A Singapour, les poubelles de recyclage sont bleues.
Une poubelle de recyclage (©NEA)

Les obstacles au progrès de la gestion des déchets ménagers

Même si le déchets domestiques sont minoritaires, la diminution de leur taux de recyclage d’année en année reste préoccupante. Pourtant, le pourcentage de ménages qui recyclent est en augmentation, atteignant 72% en 2023. Mais ils recyclent mal.

Beaucoup n’ont pas assimilé les contraintes du recyclage ou ne les respectent pas : 40% de ce qui va dans les poubelles de recyclables est contaminé par des matériaux organiques ou non recyclables, et ne peut donc être effectivement recyclé. De plus, la fréquence souvent insuffisante de la collecte des bennes de recyclables incite à un certain laxisme.

Mais, indépendamment du comportement des ménages, il y a aussi des problèmes en aval dans les matériaux qui peuvent être recyclés. Par exemple, le taux de recyclage des papiers et cartons, dont le volume a augmenté avec le développement de la vente en ligne, a diminué ces dernières années, suite à une moindre demande sur les marchés et à la hausse des coûts de transport.

Enfin, certaines habitudes de consommation ne changent pas facilement. Malgré la tarification, modeste, des sacs en plastique, ils continuent d’être utilisés en grand nombre. Le Singapourien est le champion du monde de consommation d’eau en bouteille (la plupart du temps en plastique), alors que l’eau du robinet de la cité-État est une des plus saine du monde.

Les mesures visant à remédier à ces difficultés

La National Environment Agency (NEA) est en charge du système de traitement des déchets solides. Elle en définit les règles de gestion et alloue les licences aux entreprises opérant dans ce domaine, de façon à s’assurer que les déchets sont correctement collectés, traités, et éliminés.

Elle organise régulièrement des campagnes d’information « Recycle Right », pour rappeler aux ménages ce qui est recyclable et ce qui ne l’est pas. Elle a distribué des containers bleus dans lesquels les particuliers peuvent collecter les recyclables chez eux.

Dans la cadre de la campagne « Say yes », elle incite les ménages à réduire le volume de déchets alimentaires en évitant de trop acheter et à nettoyer les containers recyclables de façon à ce qu’ils puissent être effectivement recyclés.

« Reduce, Recycle, Reuse » les trois commandements de la NEA pour une consommation responsable

La première chose est bien évidemment de ne pas acheter plus que nécessaire. Ceci est particulièrement vrai pour les denrées périssables, mais cela vaut aussi pour n’importe quel achat. N’ayez pas plus grands yeux que grand ventre et attention aux achats impulsifs qui finissent dans un placard après quelques jours. Un peu de maitrise de soi sera tout aussi bénéfique pour votre portefeuille que pour l’environnement.

Avant de vous débarrasser d’un équipement qui ne fonctionne plus, vérifiez bien qu’il n’y a pas moyen de le réparer. La société de consommation nous pousse à raccourcir la durée de vie des produits, mais est-ce bien nécessaire de changer son smartphone ou son ordinateur tous les deux ans ? De même, vous pouvez toujours réutiliser certains vêtements usagers en chiffons.

Si vous voulez vraiment vous débarrasser de quelque chose, essayer de le recycler d’une manière ou d’une autre avant de le jeter aux ordures. Chaque pays a son organisation de recyclage particulière et vous trouverez ci-après comment fonctionne celle de Singapour.

 

Les circuits de recyclage varient selon les produits à Singapour.
Un point de collection des piles et des ampoules (© ALBA)

Les poubelles bleues de recyclage n’acceptent que 4 types de matériaux : le papier, le plastique, le métal, et le verre. Encore faut-il que ceux-ci soient propres, notamment qu’ils ne contiennent pas de résidus organiques. Pour être recyclés les containers doivent être nettoyés, sous peine de contaminer la poubelle entière. Mais pour les containers de plats à emporter (comme les boites en cartons de pizza ou celles en polystyrène fournies dans les food courts), c’est sans espoir, car ils absorbent les produits organiques.

En revanche, ne peuvent être jetés dans les poubelles bleues les équipement électriques ou électroniques, les textiles et les cuirs, et tout objet en contenant. Cela ne veut pas dire pour autant qu’ils ne peuvent pas être recyclés.

Pour ce qui concerne, les équipements électriques et électroniques, y compris les lampes, les ampoules et les piles, la carte fournie par la NEA vous montrera les points de collecte les plus proches de chez vous selon ce dont vous voulez vous débarrasser. A noter que les objets encombrants peuvent être collectés à domicile.

Pour ce qui concerne les vêtements et les chaussures qui sont encore en bon état, de nombreuses organisations les recyclent, soit via des containers situés un peu partout à Singapour, soit en venant même les récupérer chez vous, par exemple Recyclopedia, Cloop, Greensquare, ou l’armée du salut. Notez que certaines de ces organisations acceptent d’autres types de produits : jouets, livres, CDs, meubles et même des équipements électriques, électroniques, et médicaux.

Pour des informations plus détaillées sur le recyclage, n’hésitez pas à consulter le site de la NEA.

Donc avant de jeter un produit dans la poubelle générale ou celle de recyclage, demandez-vous s’il ne pourrait pas avoir une nouvelle vie en bénéficiant à quelqu’un d’autre.

 

L'armée de salut de Singapour accepte de nombreux types de produits usagés.
 Un point de collecte de l’armée du salut (© The Salvation Army)

 

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