Arrivée dans la cité-Etat en 1986 avec son mari Patrick et ses trois enfants, au départ pour deux ans, Annig Huchet y est encore en 2021, soit 35 ans après ! Après une trentaine d'années dans le commerce d’antiquités asiatiques à Singapour, Annig s'occupe de conseil et d'expertise dans ce domaine. Ses très nombreux voyages dans toute l’Asie lui sont une source d'inspiration pour ses écrits et ses conférences.
Annig, pouvez-vous nous raconter ce qui vous a amenée à Singapour ? Depuis quand ?
Je suis arrivée à Singapour en 1986. Je suivais mon mari, à l’époque BNP, envoyé de Hong Kong où nous avions passé cinq magnifiques années. Plusieurs mois à l’hôtel, trois enfants regrettant Hong Kong et… une nouvelle vie à organiser! L’adaptation ne fut pas difficile. Le béton cédait la place à une nature exubérante et le séjour à l’hôtel fut vite oublié par l’emménagement dans une belle maison coloniale à Swiss Cottage Estate.
Ayant vendu mon affaire de mode de Hong Kong, je me retrouvais dans une société de-gentilles-dames qui passaient leur temps à jouer au scrabble, au Mah Jong, au golf… tout ceci ne remplissant pas vraiment ma vie. Rapidement, grâce à la rencontre avec une “ancienne ”qui s’en allait, j’eu l’occasion de me consacrer à l’AFS (oui, déjà l’association, devenue aujourd’hui Singapour Accueil) inexistante à l’époque. (c’était en 1987 !) Créer un journal, « la gazette », organiser des visites et donner des conférences pour les nouveaux arrivants, allaient satisfaire mon désir d’être utile et de faire des rencontres.
Deux ans plus tard, l’équipe s’étoffant peu à peu, je décidai de me tourner vers mon ancien métier : les antiquités. Apres quelques tâtonnements, j’eu la chance de pouvoir m’établir à Tanglin Shopping Centre, d’y développer plusieurs magasins, d’en acheter, d’en revendre, jusqu’en 2014.
Arrivée dans l’ile originellement pour 2 ans, j’y suis encore en 2021, soit, 35 ans après !
Quels souvenirs gardez-vous de Singapour à votre arrivée et dans les années 2000?
Les souvenirs d’avant les années 2000 sont très différents de ceux des 2 dernières décennies. Dans les années 80, peu d’immeubles mais beaucoup de belles maisons, des jardins immenses. Peu de voitures, enfin, le grand calme ! Beaucoup de petites boutiques, un rythme lent…
Mes souvenirs des années 2000, c’est une transformation rapide, spectaculaire et sans retour des paysages et du mode de vie. La cité du Lion est passée d’un état de belle endormie, à une présence dynamique, moderne et innovante. Les universités et les grandes écoles se sont développées, des pans de quartiers entiers ont fait place à des tours gigantesques et magnifiques. Les petits métiers (le marchand de yaourt, le montreur d’oiseaux savants à Serangoon) se sont volatilisés. Les rues calmes et douces sont devenues des voies express qui ont peine à contenir les milliers de voitures pressées et bruyantes.
Quels sont les évènements qui vous ont le plus marqués ?
Apres les années 2000, certains évènements vont marquer dans la douleur Singapour et la région : En 2003 l’explosion du SARS, terrible épidémie venant de Hong Kong, nous condamna à vivre sur nos stocks plusieurs mois, les voyages d’achats en Chine n’étant plus possibles. L’année suivante, le lendemain de Noël, le tsunami fit 300.000 morts…
Plus tard, parmi les évènements marquants, en Birmanie où je séjournais souvent, la révolution Safran en 2007 qui fit de nombreuses victimes, la libération d’Aung San Suu Kyi en 2010 où je pus contempler en direct la joie du peuple à Rangoon. Plus tard, en 2017, le drame des Rohingas avec 730 000 personnes brutalement déplacées, sans compter le reste…
Un évènement qui fut un choc et une grande tristesse: le décès, en mars 2015 de Lee Kwan Yew, le père du pays, l’homme-miracle, le créateur de Singapour.
Quels ont été les challenges professionnels et personnels auxquels vous avez dû faire face?
Toutes ces années, entre 1990 et 2020 ont été pour moi des années de challenge, de bataille pour obtenir permis de travail , statut de résident permanent (PR) , obtention de visas pour les voyages d’affaire en Chine… Années de réussite professionnelle aussi amenant la récompense : Le réseau de clientèle développé tout au long de ces années duquel se sont détachées de nombreuses amitiés qui ont pour la plupart survécu.
Aujourd’hui, en 2021, si je regarde en arrière, je suis heureuse d’avoir connu cette période de travail, de lutte parfois, d’efforts quotidiens pour bien faire et partager ma passion pour les arts asiatiques.
Ces années, quelquefois difficiles, m’ont permis de bien connaitre et d’apprécier une frange de la population locale: des collègues, des transporteurs, une multitude de personnes avec qui j’ai collaboré dans le travail. Sans ces liens tissés dans le domaine professionnel, je n’aurais certainement pas pu connaitre autant de Singapouriens.
Des règles – encore - plus rigides se sont développées dans le pays. Une évolution rapide et inéluctable et je pense qu’il serait aujourd’hui beaucoup plus difficile d’y exercer mon métier à cause d’un changement de législation, mais aussi des nouveaux modes de vie des communautés d’expatriés.
Comment voyez-vous la situation actuelle à Singapour ?
J’ai choisi de prendre ma retraite à Singapour il y a 7 ans, avec bonheur.
Aujourd’hui la ville nous offre, outre une totale sécurité, de plus en plus de concerts, d’expositions d’art, des progrès techniques, mais de moins en moins d’amis ou relations restés fidèles à Singapour, comme moi.
Comment envisagez-vous votre avenir ?
Autant que je le pourrais, un partage entre Singapour, ma ville d’adoption et la France (Bretagne et Provence) que j’aime toujours.
Dans le cadre de l’anniversaire des 20 ans de lepetitjournal.com, l’édition de Singapour a souhaité donner la parole et mettre en lumière des Français et francophones résidant à Singapour depuis une vingtaine d’années.
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