Le 10 octobre dernier, le chef étoilé André Chiang a annoncé la fermeture en 2018 de son restaurant « André » à Singapour. Il renonce ainsi à ses deux étoiles Michelin, et a également demandé que le restaurant ne figure pas dans le guide Michelin Singapour 2018, et que son restaurant « Raw » de Taipei ne figure pas dans une éventuelle édition du guide Taïwan ou Taipei à paraître.
Une décision qui intervient peu de temps après l’annonce faite par Sébastien Bras de rendre les 3 étoiles de son restaurant « Le Suquet » à Laguiole. D’autres avant lui ont rendu leurs étoiles (voir encadré), invoquant souvent la tension et les contraintes qu’impose cette distinction, ou pour écarter la pression et toucher un plus large public, ou encore pour des raisons de santé.
André Chiang n’évoque pas la crainte et la tension de maintenir le niveau, mais l’envie d’un retour au plaisir simple de cuisiner, de profiter de la vie, et aussi de former les futures générations de chefs à Taïwan et en Chine : « Après trente ans de carrière culinaire professionnelle, je veux revenir où j’ai commencé, retrouver une vie équilibrée et le plaisir de cuisiner. Aussi, transférer mon savoir à la nouvelle génération à Taiwan et en Chine est mon devoir, et fournir aux jeunes chefs et une meilleure éducation et une culture culinaire est une priorité pour moi ».
Chef André est un perfectionniste, et il aime aussi les effets d’annonce ... il a en effet rendue publique sa décision le 10 octobre 2017 soit 10 ans, jour pour jour, après l’ouverture de son restaurant éponyme et le mois d’anniversaire de ses 30 ans de carrière. Le dernier service de l’« octaphilosophie » ne pouvait être qu’en 2018 ; il est prévu le jour de la Saint-Valentin.
« Je prends cette décision car c’est le meilleur moment de ma vie. J’entre en cuisine et je vois que tout est parfait et tout le monde est en ordre, ... je n’ai jamais vu un restaurant comme ça ! Chacun est tout ce que j'espérais, c'est l'équipe parfaite que je ne reverrai nulle part ailleurs, et nous avons atteint tout ce que nous voulons atteindre ».
Un revers pour le guide Michelin Singapour ?
La première édition du guide Michelin à Singapour a certainement ravi les nombreux lecteurs du guide et amateurs gastronomiques français et internationaux. Mais a-t-il conquis le public asiatique pour autant ? Pas si sûr. Dans un article faisant suite à l’annonce du chef André Chiang, le média singapourien Rice Media fustige « Si un menu fidèle aux produits et saveurs asiatiques est perçu comme peu attrayant pour des connaisseurs français anonymes, ... cela en dit long sur la pertinence du Guide Michelin en tant que guide gastronomique ultime », et de poursuivre « les inspecteurs du guide Michelin ne comprennent manifestement pas la culture culinaire asiatique ».
Mais André Chiang ne donne pas de précisions quant à sa demande de ne plus figurer dans le guide Michelin et reconnait lui-même que décrocher des étoiles furent sa principale motivation pour poursuivre son rêve dans le monde culinaire français depuis l'âge de 15 ans.
Et comme le dit Alain Ducasse « les étoiles, on peut vivre sans, mais on vit beaucoup mieux avec ».
1996 – Joël Robuchon est le premier chef étoilé à rendre les trois étoiles de sa table parisienne en 1996. Vingt ans plus tard, Joël Robuchon est le chef le plus étoilé et a bâti un empire gastronomique, depuis Las Vegas jusqu'à Singapour. 2005 – Alain Senderens, chef du Lucas Carton à Paris, a rendu ses trois étoiles après 28 ans de règne étoilé. Officiellement, pour se concentrer sur une cuisine plus simple et un service plus détendu. Officieusement, il se murmure que cette décision serait intervenue pour contrer l'appel du guide lui annonçant qu'il risquait de perdre une étoile. 2006 – Olivier Roellinger avait décroché un 19,5/20 au Gault&Millau en 1994 puis la troisième étoile en 2006. Deux ans plus tard, il officialisait sa décision de rendre ses étoiles, pour se consacrer à la cuisine autrement. Le chef breton a souhaité tourner la page de son restaurant pour des raisons de santé et l'envie de démarrer une nouvelle vie. 2007 – Jean-Paul Lacombe décide de délaisser les deux étoiles au guide rouge par « choix personnel », afin de transformer l'institution qu'est « Léon de Lyon » en brasserie chic. 2007 – Antoine Westermann délaisse ses trois macarons du « Drouant » à Paris (siège des prix littéraires Goncourt et Renaudot depuis 1914) pour se consacrer à de nouveaux projets, et notamment à la transmission du savoir culinaire. 2009 – Marc Veyrat cesse ses activités à l’« Auberge de l'Eridan », 3 étoiles à Annecy, pour des raisons de santé. 2014 – Le chef belge Fredrick Dhooghe rend son étoile du « 't Huis van Lede » après quatre ans d’hésitation, pour retourner à une cuisine simple. 2017 – La chef belge Karen Keyngaert rend son étoile obtenue pour « A’Qi » : « Il y a encore dix ans de cela, obtenir une étoile Michelin était un véritable honneur. Mais aujourd'hui, avec le contexte économique actuel, c'est plus un cadeau empoisonné ». 2017 – Claude Legras a rendu ses deux macarons Michelin en 2017, qu’il ressentait comme une comme une épée de Damoclès, même avec sa longue expérience derrière les fourneaux. 2017 – Le chef Sébastien Bras (Bras, le Suquet à Laguiole) a annoncé qu'il ne souhaitait plus figurer dans le guide Michelin, pour éviter la « tension permanente » que les étoiles imposent, tout en reconnaissant le « cadeau immense » qu’a été ce guide pour la réputation de son établissement. Il indique vouloir continuer « de manière plus sereine, plus détendue, sans cette tension imperceptible ». 2017 – André Chiang ferme le restaurant « André » à Singapour et renonce à ses deux étoiles. |