Deux pôles, deux équipes, deux expéditions pas comme les autres. Pour les missions « Elysium ? Shackleton's Antarctic Visual Epic (SAVE) » et « Elysium ? Artist for the Arctic », Michael Aw a rassemblé scientifiques, photographes, cinéastes et artistes autour d'une passion pour les Océans et la protection de l'environnement, pour une prise de conscience mondiale de la fragilité des pôles face au changement climatique.
En février 2010, il emmenait une équipe d'une soixantaine de scientifiques, photographes, réalisateurs et artistes de renommé internationale pour une mission en antarctique sur les traces d'Ernest Shackleton, « Elysium - Shackleton's Antarctic Visual Epic », pour un état des lieux de la faune et de la flore cent ans après l'expédition mythique de Sir Ernest Shackleton[1] en 1914-1917.
En septembre 2015, il renouvelait l'expérience avec « Elysium ? Artist for the Arctic », une mission en arctique : pour explorer et documenter l'impact du changement climatique sur cette région.
Deux longs voyages au c?ur des régions polaire et leurs océans, et des photographies magnifiques des glaciers, icebergs et montagnes enneigées, mais aussi des ours polaires, pingouins, bélougas, morses, renard arctiques et baleines bleues.
Le petit journal ? Lors de ces expéditions, des scientifiques, des photographes et des artistes se sont associés pour porter un message de conservation. Pouvez-vous nous expliquer la démarche et l'objectif de ces missions ?
Michael Aw - L'objectif de Elysium est de sensibiliser le grand public sur la situation critique aux pôles aujourd'hui en raison du réchauffement climatique. Ce que les gens doivent comprendre, c'est qu'il ne s'agit pas seulement des ours polaires, de contrées ou de peuples lointains, mais de chacun de nous et de notre survie sur cette Terre.
Nous croyons au pouvoir de l'image, et avons donc choisi mettre en avant la beauté et la fragilité des pôles afin de sensibiliser les populations et les pouvoirs publics à travers le monde. Nous avons capturé le panorama, la faune et la flore selon une perspective assez inédite, sur Terre et sous la mer, et nous espérons que les images rapportées sauront inspirer un grand respect pour ces endroits et une plus grande attention de la société envers le changement climatique.
LPJ - Qui étaient les membres de la mission ?
- Nous avons rassemblé, autour d'une même passion pour les océans et d'un objectif commun de conservation, des personnes originaires de pays et d'horizons différents, tous spécialistes dans leur domaine et de renommée internationale. Nous avions des scientifiques, dont le Dr. Sylvia Earle[2] (océanographe et fondatrice de l'initiative Mission Blue) et le Dr. Cabell Davis (biologiste marin), une quinzaine de photographes, dont Ernie Brooks et les photographes sous-marins David Doubilet, Jennifer Hayes et Emory Kristof du National Geographic, ainsi qu'une équipe pour la réalisation de films, des artistes peintres, musiciens, poètes, et toute une équipe de coordination, d'assistants et de soutien.
LPJ ? Quelles ont été vos principales découvertes lors de ces missions ?
- Nous avons pu observer et documenter de nombreux signes tangibles du réchauffement climatique. En tout premier lieu, nous avons pu constater sur place qu'il fait chaud aux pôles Nord et Sud ! En antarctique, nous avons eu de la pluie, et durant notre voyage en arctique, la température moyenne était autour de 3°C. C'est à peine croyable. Nous avons également observé le retrait ahurissant de la banquise en arctique à la fin de l'été, et les chutes d'iceberg spectaculaires.
Cette fonte massive de la glace primaire met en péril de nombreuses espèces animales qui en ont besoin pour chasser, se reproduire, et élever leur progéniture. Le plus emblématique est l'ours polaire, dont l'espace et la saison de chasse sont fortement réduits et les chances de survie amoindries, mais de nombreuses espèces d'oiseaux et de mammifères marins sont également en difficulté.
Sous la mer, l'augmentation de la température de l'eau a des conséquences multiples. L'une d'entre elles est l'apparition de nouvelles espèces et de nouveaux prédateurs, comme les orques, qui peuvent désormais s'aventurer plus près du pôle Nord. Nous avons également constaté une nette baisse des quantités de krill aux deux pôles. Or, ce minuscule crustacé constitue la base alimentaire de nombreuses espèces, comme les pingouins, phoques et baleines, et c'est toute la chaine alimentaire qui est ainsi menacée.
Mais ce qui est le plus important pour nous, c'est de montrer la splendeur de ces régions et de faire prendre conscience aux gens que l'activité de chacun, partout dans le monde, a un impact sur la vie aux pôles, et qu'il est fondamental de modifier nos comportement pour protéger notre planète.
LPJ ? Vous avez fait de nombreuses immersions sous glace. Comment se prépare-t-on pour de telles plongées ?
- Nous plongeons en combinaisons étanches bien sûr, mais même avec tout l'équipement adapté, ça reste froid et douloureux ! En particulier au niveau du visage, des mains et des pieds. La préparation de chaque plongée prend à peu près une heure, et chaque plongée dure environ 45 minutes à 1 heure, pour pouvoir observer et interagir avec les animaux en présence. Nous ne faisons qu'une à deux plongées par jour maximum, car l'organisme n'en supporterait pas d'avantages.
LPJ ? Pour porter le message, vous avez sans doute prévu des livres, documentaires et expositions. Une diffusion à Singapour ?
- Oui je l'espère ! L'expédition en antarctique a déjà fait l'objet d'un livre, d'un film documentaire et d'une exposition au Musée National de la Marine de Sydney en 2013. La parution du livre retraçant l'expédition en arctique est prévue pour début 2017, et je travaille en ce moment en collaboration avec deux musées à Singapour pour présenter une exposition en 2017 dans l'un d'entre eux.
Propos recueillis par Cécile Brosolo (www.lepetitjournal.com/singapour), vendredi 07 octobre 2016.
Toutes les photos : copyright Elysium Epic
Pour en savoir plus: Elysium epic
[1] Ernest Henry Shackleton, est un explorateur britannique, considéré comme l'une des principales figures de l'âge héroïque de l'exploration en Antarctique et un grand leader du xxe siècle. Shackleton prend contact pour la première fois avec les régions polaires en 1901 en tant que troisième officier lors de l'expédition Discovery menée par Robert Falcon Scott, qu'il doit quitter avant son terme pour raisons de santé. Déterminé à faire oublier cet échec personnel, il retourne en Antarctique en 1907 comme chef de l'expédition Nimrod. En janvier 1909, il établit, alors, avec trois compagnons, un record avec une marque à la latitude 88°23'S, soit à près de 100 milles du pôle Sud. Cet exploit lui vaut d'être anobli par le roi Édouard VII dès son retour.
Après la conquête du pôle sud en 1911 par Roald Amundsen, Shackleton porte son attention sur ce qu'il estime être le dernier grand objectif de l'Antarctique : la traversée du continent de la mer de Weddell à la mer de Ross via le pôle. Il monte, à cette fin, ce qui est devenu l'expédition Endurance. La malchance le frappe lors de cette expédition et le navire, l'Endurance, se retrouve emprisonné plusieurs mois dans les glaces. Il est lentement écrasé par la pression des glaces, obligeant les hommes à débarquer. S'ensuit une série d'exploits - dont un ultime sauvetage sans aucune perte humaine ? qui va asseoir le mythe de Shackleton.
(source : wikipédia)
[2] Sylvia Alice (Reade) Earle est une biologiste marine américaine, exploratrice, auteur et professeur. Elle est exploratrice résidente au National géographique depuis 1998. Sylvia Earle fut la première femme scientifique principale de la National Oceanic and Atmospheric Administration des USA, et a été désignée "héros de la planète" par le Time Magazine en 1998. Elle est la fondatrice de l'initiative Mission Blue pour la protection des Océans et la conservation de la planète.