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Affaire Tom Félix en Malaisie : deux ans d’attente, deux ans d’oubli

Deux ans d’incarcération sans jugement. Deux ans d’audiences reportées, de témoins absents, de pièces à conviction égarées. Deux ans d’angoisse face à un silence diplomatique selon la maman de Tom Félix, jeune Français emprisonné en Malaisie, qui rappelle que son fils vit toujours dans de terribles conditions.

Tom Félix avant son arrestation en Malaisie en août 2023Tom Félix avant son arrestation en Malaisie en août 2023
Écrit par Capucine Canonne
Publié le 29 septembre 2025, mis à jour le 30 septembre 2025

 

 

En juin 2025, le procès de Tom Félix avait enfin commencé. Quatre jours d’audience où tout aurait pu – aurait dû – avancer. Mais l’un des témoins essentiels n’est pas présent. Une pièce à conviction est manquante. En France, cela suffirait à invalider toute la procédure. En Malaisie, c’est une simple péripétie. “Nous vivons dans une absurdité permanente”, nous confie Sylvie Félix, la mère de Tom, chez elle à Singapour. La maman était évidemment là, avec son mari. Elle a vu la juge reporter - encore - la suite des débats.

 

Tom Félix, 33 ans, est détenu en Malaisie depuis août 2023 après la découverte de cannabis dans son logement à Langkawi. Bien que son colocataire l’ait disculpé, il reste emprisonné à Perlis dans le nord de la Malaisie. Il encourt la peine de mort ou 104 ans de prison. 

 

 

 

Il tient, il résiste. Mais comment peut-on demander à un jeune homme de résister à deux ans d’une telle violence ? 

 

 

Tom Félix avant son arrestation en août 2023

 

 

Report sur report pour Tom Félix 

Les prochaines échéances étaient fixées au 17 septembre et 5 octobre 2025. Mais elles ont été balayées en raison d’un changement de procureur. “Chaque fois, nous nous déplaçons, les avocats aussi”, soupire sa mère. Pour dix minutes d’audience, Tom est transféré pendant des jours. Puis il retourne dans un quotidien terrible, dans une cellule avec jusqu’à trente détenus, dormant sur un tapis de yoga, sans sortie possible, sous la lumière constante et parmi cafards et moustiques. “Il tient, il résiste. Mais comment peut-on demander à un jeune homme de résister à deux ans et demi d’une telle violence ?” 

Les prochaines dates annoncées sont les 2 et 3 novembre 2025. Ces deux jours d’audience pourraient être décisifs. Si le procureur n’appelle pas de nouveaux témoins et si les pièces sont présentées, la juge pourrait ordonner le plaidoyer, puis statuer sur un non lieu, faute de preuves. Tom serait alors libéré. Elle peut aussi appeler d’autres témoins, avec un procès qui continue dans un calendrier judiciaire insaisissable.

 

 

L’appel à l’aide de Tom Félix, 33 ans, incarcéré en Malaisie 

 

 

En 2024, 2311 cas de détenus français à l’étranger ont été recensés dont 49% se trouvent en Europe occidentale, 14% en Afrique du Nord, 8% en Afrique subsaharienne, 11% sur les continents d’Amérique, 8% en Asie Océanie, et 6% au Moyen-Orient. Trois Français sont toujours condamnés à la peine capitale dans le monde selon le rapport gouvernemental. 

 

 

Tom Félix lors de son procès en juin 2025 - source https://www.instagram.com/lejsl/
Tom Félix lors de son procès en juin 2025 - source https://www.instagram.com/lejsl/

 

 

Interrogé par lepetitjournal.com le 26 septembre 2025, le bureau de la protection des détenus nous répond que “les services exercent la protection consulaire au bénéfice de l'intéressé”

 

 

Une diplomatie française timorée face à la détention de Tom ?

La famille Félix déplore le peu de soutien consulaire. Selon eux, le Consulat a bien fait une apparition lors du procès de juin, mais seulement une heure sur les quatre jours. Les visites physiques se compteraient sur les doigts d’une main en deux ans : “On nous dit que la situation de Tom est suivie de près. Je ne sais même plus ce que cela veut dire”, tranche la maman de Tom. Interrogé par lepetitjournal.com le 26 septembre 2025, le bureau de la protection des détenus nous répond que “les services exercent la protection consulaire au bénéfice de l'intéressé” et “échangent régulièrement avec les autorités locales compétentes afin de s'assurer que  les conditions de détention de M. Félix soient convenables. M. Félix a ainsi pu bénéficier de six visites consulaires sur son lieu de détention. Ces visites sur place ont été complétées par de nombreux échanges téléphoniques ou en visioconférence, du fait de l'éloignement du lieu de détention. Ces entretiens avec M. Félix  visent notamment à échanger avec lui sur ses conditions de détention.” La dernière visioconférence consulaire date du 22 septembre 2025 et a duré 45 minutes. Le compte-rendu de l’échange n’est pas le même des deux côtés, confie ironiquement Sylvie Félix. 

 

Conformément à la Convention de Vienne sur les relations consulaires entre États, un ressortissant français bénéficie à l’étranger de la protection consulaire exercée par la France. En cas d’arrestation, il peut solliciter la visite d’un agent consulaire qui vérifiera ses conditions de détention et qui s’assurera du respect de ses droits. 

 

 

Tom nous dit : maman, tu as tout fait. Tu es allée voir Emmanuel Macron, les Sénateurs, les Députés… Qu’est-ce qu’on peut faire de plus ?”, confie Sylvie, la voix brisée.

 

 

Lors de la visite d’Emmanuel Macron à Singapour fin mai 2025, la famille a cru à un frémissement. Après un échange de quelques minutes, le président a dit vouloir intervenir. Quelques temps plus tard, ils apprennent que le sujet avait été “évoqué” entre Emmanuel Macron et le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim. Depuis, plus de son ni d’image. Et les mouvements politiques en France n'arrangent rien. Les parents de Tom apprennent que l’Ambassadeur de France en Malaisie est appelé pour une nouvelle mission à Paris, une information confirmée par un post d’aurevoir sur Linkedin le 25 septembre 2025. Mi septembre, une nouvelle cheffe du bureau de la protection des détenus est nommée. Des mouvements supplémentaires. “Tom nous dit : maman, tu as tout fait. Tu es allée voir Emmanuel Macron, les Sénateurs, les Députés… Qu’est-ce qu’on peut faire de plus ?”, confie Sylvie, la voix brisée.

 

 

Dans l'hypothèse où il serait reconnu coupable et condamné de manière définitive par la justice malaisienne, il pourrait faire une demande de transfèrement, afin d'effectuer une partie de sa peine en France.

 

 

Tom félix - source : Sylvie Félix
Tom félix - source : Sylvie Félix 

 

 

Un combat de tous les instants et vers toutes les issues 

Selon sa maman, Tom refuse de céder au désespoir. Il lit, il écrit et aide même des codétenus. Un réalisateur français, Alain Morvan, prépare un documentaire sur son histoire et lui parle régulièrement. Il était présent lors du procès de juin 2025. En mai 2025, le Sénateur Jérôme Durain écrit une question au gouvernement : “Les conditions dans lesquelles ce jeune homme est détenu apparaissent comme contraires, à bien des égards, aux droits de l'Homme (...) Il souhaiterait savoir quelles démarches diplomatiques ont été engagées par la France auprès des autorités malaisiennes pour faire avancer ce dossier. Il lui paraît essentiel que la France demande avec fermeté des éclaircissements sur la procédure judiciaire en cours”. La réponse du ministère de l'Europe et desAaffaires étrangères arrive 4 mois plus tard, le 11 septembre 2025 : “La situation de Monsieur Tom Félix fait l'objet d'un suivi très attentif depuis son arrestation. (...) Dans l'hypothèse où il serait reconnu coupable et condamné de manière définitive par la justice malaisienne, il pourrait faire une demande de transfèrement, afin d'effectuer une partie de sa peine en France. Cette demande devrait alors recevoir l'accord des autorités françaises et malaisiennes”. 

 

 

Tom trouve qu’il est chanceux car il est très soutenu, nous ne le lâcherons jamais. Il n’a rien perdu de sa vivacité

 

 

En juillet 2025, un juge onusien écrit au président de la République, dénonçant un procès “biaisé” et des preuves “manipulées”. En France, la mobilisation a pris corps. Une cagnotte est ouverte et ses amis se sont saisis des réseaux sociaux avec notamment un compte Instagram - free.tomfelix -  pour maintenir l’attention. “Tom trouve qu’il est chanceux car il est très soutenu, nous ne le lâcherons jamais. Il n’a rien perdu de sa vivacité”, conclut Sylvie qui rend visite à Tom le 5 octobre 2025. Les billets étaient déjà pris…

 

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