Jean-François Milou est le fondateur de Studio Milou, le cabinet d'architecture qui, en collaboration avec CPG Consultants a réalisé le gigantesque projet de la National Gallery à partir de la conservation et de la transformation des bâtiments de la Cour Suprême et de l'ancienne mairie. Rencontre avec un esthète sensible et engagé qui a accepté de se raconter au Petit Journal.
Pouvez-vous nous parler un peu de vous? Comment est née votre vocation d'architecte ?
- Je suis né en 1953 à Niort, et suis originaire des Deux-Sèvres mais j'ai vécu de nombreuses années à l'étranger (Liban, Syrie, Afrique du Nord ?) avec mes parents. Je suis issu d'une famille d'universitaires ; mes parents étaient professeurs, ils ont été amenés à beaucoup voyager de par leurs différentes affectations. Bien que rentré en France à l'âge de 10 ans, le goût du voyage a dû me frapper assez jeune et ce n'est peut-être pas par hasard si j'ai épousé une Australienne, qui m'a elle aussi ouvert à d'autres horizons. Aussi, nous avons ensemble évolué entre la France et l'Australie.
De mon enfance et de ma jeunesse je me souviens avoir été particulièrement exposé à de nombreux paysages, je crois que cela a eu une influence sur mon regard et mon attrait pour l'architecture. Je ne peux pas dire que l'architecture me soit apparue telle une passion qui vous emporte, je crois que cela s'est en réalité plutôt fait en douceur. Mon père était professeur de philosophie, je l'entends encore me dire un jour alors que nous évoquions mon avenir scolaire et professionnel : « pourquoi ne ferais-tu pas de l'architecture ? » Je l'ai écouté, j'ai travaillé et persisté, cela s'est fait progressivement. Ma compréhension de l'architecture s'est construite avec le temps.
Quelle a été la genèse du projet de National Gallery ?
- Je travaillais en France et je sentais le besoin de développer mes activités à l'étranger. Je suis passé souvent à Singapour en transit lors de mes voyages réguliers en Australie. J'ai toujours admiré Singapour, son histoire, ses jardins, ses bâtiments, son urbanisme. Un jour j'ai donc demandé à mon assistante de se renseigner sur les différents projets en cours à Singapour, on nous a mis dans la boucle du concours pour la National Gallery. Etant donné le nombre de candidats -120 au total ! -, nous n'avions que peu d'espoirs de gagner et avons décidé de travailler dessus, très scrupuleusement certes, mais en considérant l'expérience plutôt comme un exercice, que comme un concours à remporter absolument. Petit à petit nous avons été qualifiés, et à chaque étape le succès devenait un peu plus à portée de main.
Quel a été votre plus gros défi dans ce projet ?
- Les défis techniques ont été de taille et à l'image de la complexité et de la force du lieu. Ce qui me touche d'ailleurs particulièrement encore aujourd'hui, c'est la légèreté du projet malgré sa complexité. Nous avons fait travailler des milliers de personnes et cela a duré plusieurs années? pourtant quand on regarde le résultat on ne se rend pas forcement compte du travail gigantesque qu'il y a derrière, c'est ce miracle qui me touche particulièrement.
Vous avez signé de magnifiques réalisations en France mais également en Asie, pouvez-vous évoquer quelques coups de c?ur ?
- Parallèlement au dantesque projet de la National Gallery, nous avons réalisé un centre de conférences au Vietnam à Quy Nhon, pour une association dirigée par des scientifiques franco-vietnamiens. Cette réalisation, certes plus simple que la National Gallery et avec un petit budget, m'a particulièrement touché car il s'agissait là d'intégrer le projet dans une palmeraie en bord de mer. La province souhaitait réaliser en plein c?ur d'un grand parc public de centre-ville, un centre de congrès d'une richesse extrême intégrant une salle de concert, une espace polyvalent, des espaces de réunions, des cafés, des restaurants et tous les espaces nécessaires au fonctionnement d'un tel équipement. Ce projet a reçu de nombreux prix d'architecture et j'en suis particulièrement fier.
Un autre projet qui me tient à c?ur est cette maison que nous avons réalisée à Singapour à Holland Park pour un particulier. La maison est complètement intégrée dans un jardin, si bien qu'on ne sait jamais véritablement si on est à l'intérieur ou à l'extérieur. Les murs sont un mélange de végétation et de murs verts. Le résultat est poétique, vivant, c'est une complexe composition harmonique en résonnance avec le paysage qui l'entoure.
De quoi sera fait demain pour Studio Milou?
- Nous allons retravailler à Singapour et en Asie du Sud Est. De façon concrète et imminente nous avons actuellement à Singapour des projets de maisons pour des particuliers ainsi que des projets de resorts touristiques qui se sont présentés dans la foulée de ce qu'on a fait à Quy Nhon. En France, nous sommes en construction d'un grand théâtre à Rambouillet, d'un autre à Saint-Etienne ainsi que de centres culturels. Que ce soit en France ou à l'étranger, les projets se succèdent et les équipes se renforcent ; après Paris et Singapour et nos 25 collaborateurs, notre agence vietnamienne est actuellement en cours de création. Studio Milou prospère, pour ma plus grande satisfaction et ma plus grande joie.
Propos recueillis par Raphaëlle Choël (www.lepetitjournal.com/singapour), jeudi 14 juillet 2016 (reprise de l'article publié le 2 mars 2016)
Crédit photo : © Fernando Javier Urquijo / studioMilou.