Aujourd’hui nous vous proposons de découvrir le Xinjiang. Nous nous focalisons uniquement sur les aspects touristiques de cette région qui nous a totalement enchanté. Bien qu’elle soit rarement en top de la “bucket list”, cette province autonome de la Chine, grande comme trois fois la France, vaut absolument le détour.


Quelques données sur le Xinjiang
Avec ses 1,66 millions de km2, le Xinjiang représente un sixième du territoire de la Chine et approximativement 3 fois la superficie de la France. Sur 5300 km, elle est frontalière avec 8 pays d’Asie: Mongolie, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Pakistan, Afghanistan, Inde et Tadjikistan.
Elle est flanquée par le Tibet, le Qinghai et le Gansu.
Cette région constitue une véritable mosaïque de groupes ethniques: Tadjiks, Ouïghours, Kirghizes, Kazakhs, les Han, les Hui, les Xibe, les Tibétains, etc… Alors que XXX ethnies y cohabitent, les ouïghours constituent la majorité (45%), suivis de près par les Han (41%), différentes villes concentrent souvent différentes ethnies.
L’une des spécificités du Xinjiang est que moins de 10% de son territoire est habitable. Avec sa population de 23 millions d’habitants, il a une densité de population d’à peine 14 habitants par km2. Une population jeune et à majorité rurale.
Avec ses quatre chaines de montagnes: Tianshan, Altay, Pamir et Kunlun, son paysage et son relief se prêtent parfaitement aux installations fabriquant de l’énergie renouvelable. On y trouve notamment la plus grande centrale photovoltaïque au monde recouvrant 2000 ha. Ces dernières années, l’ensemble de la région, connait un développement des énergies renouvelables impressionnant.
C’est aussi une province abritant d’importantes réserves de pétrole et de minéraux essentiels pour la Chine.
Autre aspect insolite de la région: alors que la dépression de Turpan constitue le point le plus bas de la Chine: 155 m sous le niveau de la mer, à la frontière avec le Pakistan se trouve le K2, deuxième plus haut sommet de la terre (8611m). La richesse de ses magnifiques paysages austères vous fait passer en quelques heures de voiture de la Suisse à Tatooin.
Les incontournables du Xinjiang
A commencer par sa capitale, Urumqi - dont le nom signifie “beau pâturage” en langue ouïghoure. Avec ses 4 millions d’habitants elle a été désignée la ville la plus continentale du monde: la mer la plus proche se trouvant à 2500 km. 75% de la population de la vill est Han, le reste est constitué de Ouïghours et de Kazakhs. Urumqui n’a jamais été une étape des routes de la soie, c’est donc une ville plutôt récente, industrielle et sans grand charme. Il vaut mieux la considérer comme un point de chute.
Ce qu’on peut y visiter toutefois, c’est surtout le Musée de la province avec ses objets anciens, en bronze ou en or, bien préservés par le climat désertique, mais aussi des soies et des tapisseries, etc.
Le grand Bazaar dans South Jiefang Road, surplombé par une tour d’observation de style minaret et situé près d’une mosquée tartare, n’a pas vraiment le charme des bazars des autres villes de la région mais on peut y flâner et déguster des spécialités du Xinjiang dans de grands espaces dédiés.
Par contre à 45 km e la ville (environ 2h de route en voiture) se trouve le magnifique Lac Céleste (Tian Lake), la perle du Mont Tianshan. C’est un lac alpin au creux du massif de Bogda Shan. Comme partout en Chine, il vaut mieux s’y rendre en dehors des vacances officielles. Cependant si vous n’avez pas d’autre option, il est quand même possible de s’éloigner de la foule et suivre les sentiers aménagés autour du lac en changeant de perspective à chaque détour. Vous pouvez également monter à pied ou en téléférique pour avoir une vue spectaculaire d’en haut sur le lac et les sommets enneiges. Pour les courageux il y a un itinéraire aménagé pour marcher dans la montagne environ une heure, les pieds dans la neige et la tête au soleil. Et si à la fin du périple vous avez envie de souffler, un petit bar local avec vue vous propose thé, café ou du vin local.
A 150 km au sud-est d’Urumqi se trouve la ville de Turpan, à domination Ouïghoure (77%). Elle se trouve au coeur d’une zone connue pour la production du raisin (la plus grande de Chine). On y produit également du vin local.
La région de Turpan est connue surtout pour les paysages impressionnants sur les Montagnes Flamboyantes à 10 km de la ville. Les montagnes qui portent bien leur nom car elles semblent s’embraser dans la chaleur infernale ambiante qui peut atteindre 50 degrés C. C’est le gré rouge (ou le sang d’un dragon, selon une légende locale) qui leur donne leur couleur si particulière. On peut les admirer sur des petites aires d’arrêt le long des routes, voire même en buvant un café à l’ombre d’une caravane installée pour la journée.

Autre attraction locale très intéressante si on peut comprendre comment les gens arrivaient à vivre et faire des cultures au sein de paysages aussi arides: les anciens systèmes d’irrigation appelés kerez. Un parcours très instructif avec explications et illustrations nous explique comment fonctionnait ce système de canaux souterrains avec puits verticaux qui permettait d’acheminer l’eau des glaciers jusque dans les plaines.
A 47 km de Turpan dans la vallée Tuyuk on peut visiter le Village Tuyuk, considéré comme la plus ancienne colonie Ouïghoure de la région. Dans la vallée se trouve des grottes bouddhistes redécouvertes au début du XXI siècle mais malheureusement non accessibles actuellement. Le village est entouré de vignes et très orienté tourisme - notamment il est facile de s’y restaurer et d’acheter des souvenirs. Il s’y trouve également une ancienne mosquée et même un cimetière local à l’entrée du village. Il est intéressant de sortir un peu de la partie payante du village pour flâner dans les rues “ordinaires” et voir les habitants vaquer à leurs occupations quotidienne. Mais aussi admirer les maisons traditionnelles toujours habitées avec leurs cours intérieurs, leurs lits pour la sieste à la mi-journée ou encore leurs magnifiques portes sculptées et colorées.
Enfin, toujours dans la région de Turpan, les ruines de l’ancienne ville-garnison Jiaohe (appelée aussi Yarkhoto), datant de plus de 2000 ans font partie de l’Héritage Mondial de l’UNESCO. C’est l’ancienne capitale du royaume de Cheshi, construite tout en terre et située sur un promontoire de 30m de haut. On peut encore y distinguer les vestiges de bodisatthvass, de temples bouddhistes, de bâtiments gouvernementaux et autres boutiques d’artisans. Etonnament bien préservée si l’on considère les matériaux d’origine, elle se visite mieux en fin de journée pour des raisons de température notamment.
Comme c’est souvent le cas en Chine, des “villages authentiques” kazakhs ou tadjiks ont été créés de toute pièce dans la région pour permettre à la population locale de vendre des produits et des services, voire faire des démonstrations de fabrication d’artisanat et de tenues traditionnelles, mais ce n’est définitivement pas ce qui représente le plus d’intérêt pour des touristes occidentaux.
Kashgar (Kashi en mandarin) - ce qui signifie “caverne de jade” est une ville commerçante faisant partie de la route de la soie aux pieds du Pamir. Ici, 90% de population est ouïghoure. Elle est l’une des villes les plus occidentales de la Chine, située non loin de la frontière avec Kirghizstan et Tadjikistan. Avec actuellement plus de 700 000 habitants, c’est aussi une des plus anciennes villes habitées de manière ininterrompue. En termes de développement, sa localisation ne la favorise pas vraiment: elle est située loin de tous les axes routiers importants ainsi que de grand hubs économiques chinois et entourée de pays eux-mêmes en voie de développement.
Ce qui a peut-être aidé à préserver pendant un temps son authenticité dans la partie ancienne. Cependant, depuis les années 2000 il ne reste plus grand chose de l’ancienne ville ouïghoure dont les habitants ont été relogés dans des logements modernes en ville. Un petit noyaux de maisons traditionnelles en paille et terre a toutefois été conservé et peut être visité pour donner une idée des conditions de vie d’avant.
Ce qui vaut absolument d’être vu c’est le marché à ciel ouvert de Kashgar, réputé le plus grand de l’Asie centrale. Il est ouvert tous les jours mais il bat son plein surtout le dimanche. Bien que par moment rénové avec un peu trop d’entrain, il permet de se plonger dans une ambiance très moyen-orientale avec toujours beaucoup d’artisanat, pas toujours à la sauce moderne, heureusement. Des aiguières, des produits en cuivre et en bois, des couteaux, des tissus bariolés, des épices et fruits , mais aussi les locaux habillés pour la plupart en tenues traditionnelles - tout attire l’oeil et invite à la découverte. Mon petit coup de coeur perso: les façades et les portes des immeubles aux couleurs éclatantes. Avec nombreux restaurants, bars et cafés, cet endroit est également très sympa après le coucher du soleil.
A l’entrée du marché on peut visiter la Mosquée Aid Kah, la plus grande de Kashgar. Avec son carrelage jaune éclatant elle est visible de loin et peut accueillir jusque’à 10 000 fidèles et attire des visiteurs venant de très loin.
Enfin, à 5 km du centre de Kashgar, il y a le mausolée Afaq Khoja et ses belles mosaïques, datant du XVIIe siècle. C’est l’un des lieux les plus sacrés pour les musulmans du Xinjiang abritant la tombe de Abakh Khoja - chef islamique considéré aussi comme prophète - mais aussi de ses descendants (72 personnes au total).
Fun fact: des scènes du film “les Cerfs volants de Kaboul” ont été filmées dans la vieille ville de Kashgar.
On quitte Kashgar en prenant la Karakoram Highway, le long de laquelle se trouvent plusieurs lacs aux allures bien différentes.
A 196 km de la ville de Kashgar (environ 3h de voiture) se trouve le plus haut lac du Pamir Chinois - le lac Karakul. Situé à 3600m de hauteur, ce lac est un véritable miroir dans lequel se reflètent les sommets enneigés environnants. Par temps dégagé, vous pourrez notamment admirer Muztag ata (7546m) - “Père de montagnes de glace”, autrement dit un des plus hautes sommets de la chaine de Kunlun. Le lac est bordé de prairies dans lesquelles les populations kirghizes ont l’habitude de faire paître leurs troupeaux. Pour les touristes, il y a les balades à cheval ou à dos de chameaux. De mai à octobre, vous pourrez vous restaurer sur places dans des yourtes des familles kirghizes locales. Pour les habitués des toilettes à Shanghai - les sanitaires au lac Karakul laissent beaucoup à désirer.
Reliant Kashgar à Taxkurgan, la Karakoram Highway mérite un paragraphe à elle toute seule.

Mesurant au total 1300 km cette route impressionnante entre le Xinjiang et le Pakistan a été construite par l’armée pakistanaise et l’armée chinoise entre 1966 et 1978. Du fait de la spécificité du terrain et des conditions climatiques sa construction a couté beaucoup de vies humaines d’où son surnom “la bloody highway”. Son importance reste toutefois stratégique pour la région. Elle est très élevée, son point le plus haut passe à 4693m au dessus du niveau de la mer. Ouverte au public depuis 1986, elle nécessite un permis dont l’obtention est une formalité. Les jours de vacances il faut quand même s’armer de patience car le petit bureau des permis est vite saturé. Vous pouvez également acheter des petites bouteilles d’oxygène si vous êtes sensibles à l’altitude. 300 km séparent Kashgar de Taxkurgan ce qui, en temps normal, nécessite 6 à 7 heures de trajet. Cependant les jours de fête nationale, croyez-en mon expérience, ce trajet peut vite se transformer en 15h de périple assez pénible. Les touristes étrangers ne sont pas nombreux par contre les populations locales en profitent pour aller passer la journée ou les vacances aux abords des lacs de montagne et comme l’autoroute n’a qu’une voie dans chaque direction, ca bouchonne très très rapidement. Tirant le meilleur parti de cette expérience, nous avons fini par marcher 2 km le long de la route saturée à 22h alors qu’il faisait clair comme en plein jour, pour admirer ces paysages austères qu’on ne trouve nulle part ailleurs.
Taxkorgan est le chef-lieu de la région autonome des Tadjiks tout près de la frontière avec le Pakistan. Elle existe en tant que ville seulement depuis 1984. Les tadjiks constituent plus de la moitié de la population. Dans la ville il est possible de visiter le centre National d’Art et de Culture abritant, entre autres, des momies datant de l’age de bronze et découvertes dans la région.
Le nom Taxkorgan provient de la Forteresse de pierre se trouvant juste à l’extérieur de la villes et dont les vestiges impressionnants constituent la principale attraction touristique. Endroit stratégique sur la route de la soie, elle a été mentionnée par Ptolémée il y a 2000 ans puis par Marco polo au XIIIe siècle. Des ruines de la forteresse s’étend une vue magnifique sur la chaine des montagnes Pamir et sur les prairies entrecoupées de ruisseaux dans lesquelles paissent les yaks.
Avant de visiter la forteresse vous pouvez admirer le spectacle des danses traditionnelles tadjik exécutées avec grace par les danseurs en tenues traditionnelles.
La nourriture du Xinjiang
La cuisine des Ouïghours a beaucoup d’adeptes, le preuve - même à Shanghai les restaurants ouïghours comme Xibo par exemple sont toujours pleins. La base de la cuisine ouïghoure sont l’agneau, le riz, le poisson, des brochettes, les nouilles laghman avec de la viande de mouton, le polu (pilaf de riz au long grain avec de l’agneau, des carottes et des épices) et bien sur du naan. Mais il y a aussi des influences kirghizes, tadjik et d’autres minorités de la région. Ce n’est que depuis le XIXe siècle que les Ouïghours se servent de baguettes comme les Han même si traditionnellement ils mangent avec leurs mains. On y utilise aussi beaucoup d’épices notamment du cumin. En termes de dessert, on y trouve des gâteaux aux noix, dattes et toutes sortes de fruits secs.
Fun fact: le Xinjiang est aussi connu pour ses champs de lavande. Depuis l’introduction des plants de lavande dans les années 1960 dans la vallée de la rivière Illi, le Xinjiang est devenu le plus gros producteur de lavande après la France et le Japon. Une production artisanale d’abord, puis industrielle autour de la lavande s’est depuis développée et connait un grand succès.