La Chine vient de franchir un nouveau pas dans le domaine de l’Intelligence Artificielle en inaugurant le 3 mai dernier le premier hôpital basé entièrement sur l’IA. Elle se place ainsi en tête de course de l’innovation dans le domaine de la santé. Et voici comment comment ca marche.


Récemment, les chercheurs de l’Université Tsinghua de Beijing - l’une des plus prestigieuses du pays - ont développé un hôpital piloté par l’intelligence artificielle appelé “Agent Hospital”. Dans le cadre de cet hôpital virtuel, les médecins, les infirmières et les patients sont animés par des agents basés sur des grands modèles de langage (LLM), capables d’interagir entre eux.

Médecins, infirmières et patients virtuels
Avec au départ 14 médecins, l’hôpital virtuel compte actuellement 42 médecins et 4 infirmières répartis dans 32 départements: médecine générale, l’ophtalmologie, la radiologie, etc... Bien plus que des bots, ces médecins sont autonomes et permettent de simuler un flux de soins cliniques réel.
Qui plus est, cette équipe est capable de traiter 10 000 patients en quelques jours à peine, ce qui prendrait 2 années aux médecins humains. Les médecins virtuels sont dotés de différents niveaux d’indépendance, à commencer par ceux qui ont besoin d’une certaine supervision de la part d’un humain jusqu’à ceux capables de mener tout le processus diagnostique de manière autonome.
La plateforme, qui en est encore à sa phase de tests, consiste non seulement en médecins et infirmières virtuels mais aussi des patients virtuels pour que des médecins humains puissent pratiquer sur eux. Cela permet une formation médicale pour étudiants en médecine libre de tout risque pour le patient tout en déroulant des scénarios réels. La plateforme permettra aussi à terme de prédire de façon précise la propagation des virus, simuler des épidémies et aider à l’établissement d’un plan de santé publique.
Un programme pilote sera déployé d’ici la fin de 2025 et par la suite l’hôpital virtuel sera graduellement intégré dans toutes les formations médicales en Chine ainsi que dans le système de santé.
Chose rassurante pour les sceptiques: les médecins AI ont été évalués à travers des examens destinés aux licences médicales américaines (USMLE - United States Médical License Exam) qu’ils ont réussi à plus de 93%. Ils sont donc bien plus performants que les médecins humains en tout cas dans les tests standardisés.
Quels apports de l’AI dans le système de santé ?
Tout d’abord, à terme les soins seront plus accessibles, plus rapides et et plus efficaces qu’actuellement.
L’AI sera utilisée notamment pour:
- le diagnostic, avec le traitement de grosses quantités de données sur les patients, ce système permettra de diagnostiquer des maladies cardiovasculaires, neurologiques ou encore des cancers avec une grande précision
- des programmes de soins personnalisés. Les algorithmes peuvent construire des plans de traitement basant sur l’historique du patient, son style de vie ou encore ses prédispositions génétiques
- l’automatisation des tâches administratives permettra de gagner du temps à toutes les étapes entre la prise de rendez-vous et la facturation des soins, et faire gagner du temps au personnel des hôpitaux notamment
- l’intégration des données et leur analyse grâce aux systèmes interconnectés qui peuvent partager des analyses en temps réel et en même temps enrichir l’intelligence collective d’un écosystème hospitalier
Quelle avenir pour la médecine ?
Il faut souligner que ce développement ne se limite pas à la Chine seule. De nombreux laboratoires de l’IA à travers le monde travaillent sur des projets similaires. On s’attend d’ici la fin de l’année de voir apparaître des systèmes hybrides dans lesquels les médecins humains supervisent le travail de leurs “confrerères” virtuels. D’ici fin 2026 on prédit l’intégration des systèmes de diagnostics digitaux intégrés dans des robots qui pourront procéder à des examens physiques des patients. Et d’ici 2027 ces systèmes pourraient ne plus avoir besoin d’intervention humaine pour s’améliorer eux-mêmes en intégrant continuellement de nouvelles données et avancées technologiques de manière bien plus rapide que les humains. Il est clair dès maintenant que le progrès se fait tellement rapidement que même les experts dans la matière auront du mal à suivre.
Cela permettra à terme notamment:
- la démocratisation d’accès aux soins à la pointe de la technologie, à des couts bien plus réduits qu’actuellement
- la réduction des erreurs de diagnostic pour les patients
- les médecins humains pourront plus se focaliser sur les aspects humains des soins.
- l’accélération des découvertes médicales majeures.
- la redéfinition du rôle de médecins humains qui ne sont pas voués à disparaitre mais plutôt à travailler en parallèle avec leurs confrères virtuels. Cela implique notamment la maîtrise des connaissances technologiques.
Les défis et les failles potentielles
Bien entendu, les soins apportés par l'IA engendreraient des défis éthiques. En aucun cas les raisons économiques ne devraient prendre le dessus sur le bien être des patients dans le développement de l'IA en médecine.
Ensuite, il s'agit de s'assurer de la protection de la vie privée des patients ainsi que celle des données collectées.
La définition des responsabilités en cas d’erreur médicale est indispensable.
L'avenir des travailleurs du secteur médical actuel serait également à repenser. Notamment la relation entre l’intelligence humaine et artificielle doit être définie en médecine.
La législation du pays doit être rapidement adaptée aux besoins de cette nouvelle réalité.
Un dialogue ouvert et continu est par conséquent indispensable entre les développeurs, les professionnels de la santé et les législateurs.
Par ailleurs, pour développer pleinement le potentiel de l’IA dans les soins médicaux, une collaboration à l’international apparait comme indispensable.
Le facteur humain reste irremplaçable
Selon le dr Dong Jiahong, doyen de la faculté de médecine clinique à l’Université Tsinghua, la médecine nécessite de l’amour et de la chaleur humaine que les robots ne sont pas en mesure d’apporter. Les soins personnalisée et la compassion sont indispensables au bien être du patient.
Par ailleurs, les professionnels impliqués dans le projet sont d’avis que toute responsabilité légale au cours d’un traitement devrait reposer sur un médecin humain.
De la même manière, le large spectre de l’incertain et de l’imprévisible dans chaque cas de maladie aura à un moment donné besoin d’implication humaine.