Face à l’augmentation du surpoids et de l’obésité, la Chine adapte ses politiques de santé publique et voit émerger un écosystème pharmaceutique compétitif, prêt à rivaliser avec les géants internationaux comme Novo Nordisk (à l’origine d’Ozempic) ou Eli Lilly dans le domaine des traitements amaigrissants.


L'obésité en Chine, un défi de santé publique
En quelques décennies, la Chine est passée d’une économie marquée par la pénurie alimentaire à une société urbaine et industrialisée, où les habitudes de vie ont profondément changé. Cette transition a entraîné une augmentation notable du surpoids et de l’obésité, notamment chez les adultes. Selon une étude publiée dans The Lancet, plus de 400 millions de Chinois étaient concernés en 2021, un chiffre qui pourrait atteindre 630 millions d’ici 2050. Cette évolution s’explique par de multiples facteurs : sédentarité croissante, alimentation plus riche en sucre et en graisses, mais aussi pression sociale liée aux rythmes de vie urbains.
Cette tendance menace, cependant, le système de santé chinois, avec des coûts estimés à 57 milliards de dollars d’ici 2030, soit 22 % du budget national de la santé. Pour accompagner cette mutation, les autorités ont mis en place un plan national incluant la promotion de l’activité physique, une meilleure éducation nutritionnelle dès l’école primaire, ainsi que l’ouverture de cliniques spécialisées dans la gestion du poids dans les hôpitaux publics.
L'industrie pharmaceutique chinoise réagit
Le succès mondial de médicaments comme Ozempic ou Zepbound a mis en lumière le potentiel des traitements agissant sur les récepteurs GLP-1, initialement développés pour le diabète mais de plus en plus prescrits dans la gestion du poids. La Chine ne reste pas en retrait : plusieurs entreprises locales, comme Innovent Biologics ou Jiangsu Hengrui, ont lancé des essais cliniques prometteurs sur leurs propres molécules. Certaines, comme Mazdutide, pourraient recevoir une autorisation de mise sur le marché dès fin 2025.
D’autres sociétés comme Huadong Medicine tentent même d’accélérer la levée de brevets pour proposer des alternatives à moindre coût. Avec un marché chinois encore peu pénétré par les traitements occidentaux, les entreprises locales y voient une opportunité stratégique. La demande est forte, les prix des produits importés sont élevés, et la population chinoise est déjà familière avec les achats de médicaments en ligne – un canal de distribution qui pourrait jouer un rôle clé.
Des innovations pour soigner l'obésité
L’effervescence autour des traitements contre l’obésité reflète une transformation plus large de l’industrie pharmaceutique chinoise. Longtemps centrée sur la reproduction de médicaments existants, elle devient désormais un pôle d’innovation à part entière. Des sociétés comme Jiangsu Hengrui attirent l’attention d’investisseurs internationaux, à l’image de la startup américaine Kailera Therapeutics, qui a récemment acquis les droits de plusieurs molécules chinoises en développement.
L’une d’elles, testée chez des patients obèses, a permis une perte de poids supérieure à 20 % en 36 semaines, avec des effets secondaires modérés. Les analystes estiment que ces nouveaux acteurs pourraient atteindre le marché avant certaines entreprises occidentales, grâce à une régulation plus rapide et à des plateformes de recherche déjà bien avancées. Avec un portefeuille de produits injectables mais aussi oraux – un avantage décisif – la Chine se positionne comme un futur acteur majeur dans un marché mondial estimé à 131 milliards de dollars d’ici 2028.
Encadrer les pratiques médicales
Malgré les avancées prometteuses de la recherche, la prise en charge du surpoids et de l’obésité reste un domaine complexe, où chaque solution doit être envisagée avec prudence. Les médicaments amaigrissants, bien qu’efficaces chez certains patients, peuvent présenter des effets secondaires et nécessitent un suivi médical rigoureux. Par ailleurs, face à la pression sociale autour de la minceur, de nombreuses personnes se tournent vers des solutions plus extrêmes.
En Chine, les camps de perte de poids connaissent un engouement croissant, avec des régimes sévères et des entraînements intensifs. Si ces structures peuvent sembler offrir un cadre structuré, leur manque de régulation suscite des inquiétudes, surtout après le décès d'une influenceuse en mai 2024 dans l’un de ces centres. Les autorités cherchent désormais à encadrer davantage ces pratiques et à prévenir les dérives en insistant sur une éducation à la santé dès le plus jeune âge.
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