En amont de la tournée de la Comédie Française en Chine à l’occasion de l’anniversaire des 60 ans des relations diplomatiques France-Chine, nous avons rencontré Denis Podalydès, metteur en scène des Fourberies de Scapin, pour évoquer avec lui cet événement. Il nous livre sa vision du théâtre et du métier d’acteur.
J'ai hâte de connaitre la réaction du public chinois
Vous mettez en scène la tournée chinoise des Fourberies de Scapin avec les acteurs de la Comédie Française, comment envisagez-vous cette tournée ?
Je suis ravi et très excité à l’idée que la Comédie Française se déplace en Chine. C’est la deuxième fois que cela arrive avec un passage du Malade Imaginaire en 2011. Par ailleurs, j’ai la chance de monter cette pièce avec des acteurs exceptionnels qui vont lui donner une nouvelle vie. J’ai donc hâte de connaitre la réaction du public chinois. Les retours que j’ai eu dw la tournée précédente sont que le public chinois a fait un très bon accueil à Molière. Les Chinois rient tout autant que les Français, mais étonnamment pas au même moment. C’est cela qui est intéressant.
Jouer le comique avec sérieux
Justement qu’est-ce qui fait que Molière parle aux deux cultures selon vous ?
Je crois que certains auteurs ou certaines pièces ont la vertu de l’universel. La Chine a évidemment une grande tradition de théâtre avec des personnages typiques comme ceux de Molière ou de la comédie italienne. Ces personnages très typés parlent à l’humanité entière. La figure du père qui veut marier son fils dans les Fourberies de Scapin est ce que l’on appelle un paradigme, un personnage intemporel présent dans toutes les cultures. Le personnage du valet qui travaille en sous-main est aussi un classique que l’on retrouve a toutes les époques et tous types de sociétés. Quant au côté comique de la pièce, je suis partisan de laisser la comédie faire son œuvre. Il faut finalement jouer le comique avec sérieux. Pas besoin de forcer le trait, car si la situation est comique, les gens riront naturellement.
Je crois à la vertu de l’universel
La troupe qui va se produire en Chine est précédée d’une solide réputation. Vous pouvez nous en parler ?
En fait, j’ai à une demande d'Eric Ruf de monter cette pièce. J’avais déjà joué dedans dans un autre contexte que la Comédie Française en 2000 avec Philippe Torreton dans le rôle-titre et une mise en scène de Jean-Louis Benoit, mais cette version est très différente. C’est Lorsque j’ai pensé à Benjamin Lavernhe pour Scapin et Didier Sandre pour le père que j’ai accepté, car j’ai pu construire autour de ces deux fortes personnalités. C’est à partir de nos échanges et de leurs suggestions que la mise en scène s’est faite. Je crois beaucoup au dialogue avec les acteurs, c’est plus gratifiant selon moi que d’être trop directif. Je suis sûr que le public appréciera le résultat de cette collaboration avec Benjamin Lavernhe et sa stature de grand clown et Didier Sandre en père méchant, mais stupide. J’ai aussi un faible pour le rôle de Zerbinette qui est très difficile à interpréter, car la jeune fille est débordée par son propre rire. Molière avait imaginé ce personnage pour une actrice connue pour son rire puissant, mais il n’est pas évident de trouver des acteurs avec les mêmes caractéristiques naturelles. J’ai eu aussi un grand plaisir à travailler, les rôles des jeunes gens, Octave, Hyacinthe, Léandre et Zerbinette. Ce sont des figures qui sont souvent négligées au profit du protagoniste et des pères. À chaque fois que nous avons repris Scapin, j’ai retravaillé en profondeur ces scènes, parmi les plus belles scènes dans l’œuvre de Molière, qui disent la difficulté d’être jeunes, confrontés à des pères impitoyables.
Le métier d'acteur c’est partager le plaisir du jeu
Pourquoi avoir choisi cette pièce pour la tournée chinoise ?
Les Fourberies de Scapin est au fond une pièce très fédératrice qui parle à tous les publics et génération. Ainsi, les grands-parents sont heureux d’accompagner leurs petits-enfants pour voir Scapin qu’ils ont eux-mêmes vu au même âge. Même si les adultes ne jouent pas aux jeux vidéo, ils peuvent grâce à cette pièce retrouver leur enfance et partager un bon moment avec les plus jeunes.
Vous avez un parcours très varié entre le cinéma et le théâtre, le métier d’acteur et la mise en scène. Qu’est-ce qui vous plait le plus ?
Je me définis avant tout comme acteur, même si dès ma plus tendre enfance je mettais en scène les spectacle que je jouais avec mes amis, donnant des idées sur les placements, les rôles ou les costumes. En fait, en mettant en scène c’est une autre façon de jouer. J’ai autant de plaisir à faire jouer les acteurs que si je jouais moi-même car le métier d’acteur, c’est partager le plaisir du jeu. Je suis venu au cinéma par hasard, en jouant dans les films de mon frère Bruno, et depuis je n’ai jamais cesser depuis. Ce n’est pas incompatible avec le théâtre car tourner au cinéma prend beaucoup peu de temps. Vous pouvez jouer un personnage dans un film en trois jours et le film sera monté et diffusé sans vous alors qu’au théâtre, il faut jouer longtemps la pièce pour toucher un large public. Aujourd’hui tout cela s’organise donc très bien.
Sur quoi travaillez-vous en ce moment ?
Je viens de tourner dans un nouveau film de Costa Gavras intitulé « Le Dernier Souffle », avec Kad Merad. Le film parle de la fin de vie, un sujet très fort et sera diffusé en fin d’année. J’ai également tourné « Le Répondeur » de Fabienne Godet, un très bon scenario avec le rôle d’un romancier qui cherche à se mettre à l’écart de la société et utilise un imitateur pour le remplacer. J’ai énormément apprécié cette histoire pleine de suspens et qui permet un jeu très innovant, où j’ai dû travailler sur ma propre voix pour la rendre plus facilement imitable. J’ai hâte que le film sorte, en principe l’année prochaine.
Que diriez-vous au public français de Chine ?
Venez nombreux voir les Fourberies de Scapin qui sera en Chine dans 5 villes différentes pendant un mois complet. La pièce et l’auteur sont indémodables et les 8 acteurs qui font le déplacement en Chine extrêmement talentueux. Je ne doute pas que ce bout de France qui va circuler à 2000 km de Paris permettra à tous de partager de bons moments. Pourquoi pas emmener vos amis chinois et voir à quel point la culture française permet de tisser des liens humains entre les pays. Je souhaite à tous un bon spectacle.
Dates et salles en Chine :
- Shanghai - Great Theatre of China 20 et 21 septembre à 19h30 et 22 septembre à 14h30
- Wuzhen - Grand Theatre 27 et 28 septembre à 19h30
- Shenzhen - Pingshan Performing Arts Centre 5 et 6 octobre à 15h
- Suzhou - Culture and Arts Centre 12 octobre à 19h30 et 13 octobre à 14h30
- Pékin - Capital Theatre 18 et 19 octobre à 19h30 et 20 octobre à 14h30
Billeterie :