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NIKO DE LA FAYE - Carnets de route d'un tricycle pas comme les autres

Écrit par Le Petit Journal Shanghai
Publié le 7 avril 2013, mis à jour le 12 avril 2013

 

Faire un Shanghai-Hong-Kong en vélo, c'est déjà une belle aventure. Remplacer le vélo par un tricycle tout ce qu'il y a de plus chinois, c'est encore plus original. Mais transformer en plus ce support en oeuvre d'art, voilà qui relève de l'extraordinaire. C'est dans cette singulière odysée que se lance "l'action artiste" français Niko de la Faye, avec l'avantage certain d'avoir déjà réalisé pareille entreprise entre Pékin et Shanghai l'année dernière.

Niko de la Faye est né à Brest il y a 34 ans. Il est donc breton, et prédisposé aux voyages, diront les plus chauvins d'entre eux. Justement, s'il fait des études d'économie à Bordeaux, c'est une fois en volontariat international à San Francisco que décolle son activité artistique. Après le bureau de jour, il travaille avec les artistes du coin, sur de multiples supports (photos, vidéo, théâtre?). "San Francisco est un écrin, une boîte de libertés incroyable, sans limites, qui permet de faire plein de rencontres". L'enthousiasme est palpable, l'expérience dure 2 ans.

Rencontre avec un gardien à Pékin (photo Mathias Magg)

Sculptures en mouvement

De retour à Paris, Niko continue, à côté d'un travail dans la communication, de développer ses expériences dans la photographie et la sculpture cinétique, terme qui désigne des sculptures en mouvement, avec ou sans moteurs. Parmi les têtes de proue de cet art né dans les années 1950, figurent l'Américain Alexander Calder, aux sculptures mues par l'air, ou le Suisse Tinguely, dont les Parisiens peuvent admirer la fontaine Stravinsky, réalisée avec Niki de Saint-Phalle, juste à côté du Centre Pompidou. Niko de la Faye s'expose deux fois dans des vitrines de magasin, "plus grande galerie du monde", souhaitant "intégrer ses structures à la vie quotidienne".

 Le tricycle, objet de toutes les curiosités (photo NdelaFaye)

 Etude comparative de tricycles (photos NdelaFaye)

En 2009, une opportunité professionnelle l'envoie un mois et demi à Shanghai monter des installations numériques. Premier contact avec la Chine. Après être rentré une semaine à Paris, il reprend l'avion, invité sur des projets de photographie. Et là, il ne peut ignorer l'évidence visuelle de ces tricycles "partout dans l'espace urbain, avec des chargements impossibles".  Mais il ne sait pas encore comment traduire cette incroyable vision.

Reproduction de l'univers

Enfin, en décembre 2010, installé à Pékin, il achète un tricycle neuf pour quelque 1200 rmb (150 euros). Deux mois d'installations plus tard, le moyen de locomotion est devenu une oeuvre d'art en inox aux influences orientales et occidentales. L'étudier, c'est comprendre que rien dans sa conception n'est dû au hasard. Ici, des boules noires et blanches reprennent le bagua taoïste (que l'on retrouve par exemple sur le drapeau sud-coréen). Elles représentent entre autres le ciel, la terre, le tonnerre, la montagne ou encore le marais.

Là, les éléments jaunes, rouges, bleus, en mouvement, font référence à la "Théorie du tout", du physicien américain Garrett Lisi. Cette dernière, exposée en 2007 avec un graphique qui reprend les mêmes couleurs, a pour objet de relier les 4 forces fondamentales : électromagnétisme, interactions forte et faible, et gravitation. Le tricycle est donc une représentation de l'univers, du cosmos. Tout simplement. De nuit, l'oeuvre devient même un théâtre d'ombres à l'aide de draps blancs, de projecteurs et de musique. Une nouvelle production abstraite singulière, mais qui puise dans la tradition chinoise des théâtres d'ombres itinérants.

De l'exposition au voyage

Si l'oeuvre a toujours été mobile, elle n'était pourtant pas destinée à voyager en dehors des rues pékinoises, d'abord exposée avec succès lors de nombreux événements, dont le festival Croisements. Mais après? "Il faut faire vivre les projets, les faire évoluer. Le tricycle n'était pas fait pour rouiller, mais pour rouler". Ainsi est née l'idée d'un voyage Pékin-Shanghai. Après l'ajout d'une assistance électrique à la suite d'un petit test Pékin-Tianjin, Niko de la Faye est parti pour 1660 km à travers la campagne, accompagné d'une amie chinoise, entre avril et mai 2012.

Une première expérience dont l'artiste retient "les sourires, les regards, les interrogations". Notamment une des plus fréquentes : qu'est-ce que tu vends? Le voyageur de son côté n'oublie pas la couleur, souvent "surprenante", de l'eau, mais aussi la facile connexion à internet tout au long du parcours, même dans des endroits isolés. Quant aux spectateurs chinois, qu'est-ce qu'ils retiennent? "Peut-être le contraste avec la réalité du quotidien, qui leur montre qu'il existe un ailleurs. C'est comme-ci tu voyais une licorne en rentrant chez toi, puis elle disparaît. Ca veut dire qu'elles existent, et qu'elles sont ailleurs. Tu peux avoir alors envie de la revoir".

Nouveau départ

Après avoir récolté 8800 euros grâce à un appel à soutiens sur le site internet kisskissbankbank, Niko de la Faye s'apprête maintenant à repartir, "pour terminer le projet en l'emmenant hors de Chine continentale, à Hong-Kong, et à l'occasion de la foire contemporaine, transformer la performance en une exposition photos et vidéos qui témoigne de cette performance." Encore une fois, tout est minutieusement étudié. Niko de la Faye est moins dans l'empirique que dans le cérébral.

Preuve en est, son apparence pendant le voyage. "Je porte un uniforme, avec chemise et pantalon gris. Car comme les éboueurs ou les balayeurs, je remplis une mission de service public. Je porte aussi des lunettes de soleil et une casquette pour annuler mon identité. Ce n'est pas moi, le Lao Wai, qui est intéressant, mais l'oeuvre. La barbe, enfin, est un vestige de mon premier voyage. Je la laisse pousser jusqu'à Hong-Kong, où je me raserai une bande de poils et de cheveux au milieu, de la tête au menton. Je ne veux pas simplement être rasé, je veux être comme un ticket, oblitéré."

Le 10 avril, il s'élancera donc de Shanghai, passera à Hangzhou le 14, pour un itinéraire libre de 1800 km qui le verra arriver à Hong-Kong le 24 mai. Il sera encore une fois accompagné de la même amie chinoise, et postera quotidiennement un carnet de route pas comme les autres sur son blog m2bproject.com. Le départ approche : Bon voyage à l'artiste sur les routes de Chine, et bon voyage aux spectateurs chinois dans l'imaginaire de Niko de la Faye.

Joseph Chun Bancaud (lepetitjournal.com/pekin) Lundi 8 avril 2013

Pour suivre le périple : facebook.com/m2bproject ou www.m2bproject.com

N.B : Niko de la Faye lance un appel à tous les photographes intéressés à le rejoindre sur le parcours.

contact : 15011013622 / ndelafaye@gmail.com

 




Le Petit Journal Shanghai
Publié le 7 avril 2013, mis à jour le 12 avril 2013

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